Francophonie : pourquoi le Canada et le Québec ont lâché Michaëlle Jean ?

Coup de théâtre, à quelques heures du début du Sommet de la Francophonie à Erevan, en Arménie : la Secrétaire générale de l’OIF, Michaëlle Jean, vient de perdre le dernier soutien sur lequel elle pouvait encore compter pour renouveler son mandat à la tête de l’organisme. Le Canada lui retire son soutien. Justin Trudeau a choisi de ne pas livrer cette bataille à l’égard de ses autres partenaires francophones, optant plutôt pour le consensus. 
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©A. Furtade, E. Fersing / TV5MONDE
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(Eric Feferberg, Pool via AP)
Michaëlle Jean, Secrétaire générale de l'OIF lors de la cérémonie pour le 75ème anniversaire de l'AFD 
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Le Premier ministre Trudeau a voulu arriver au Sommet d’Erevan avec ce dossier épineux, au potentiel de conflit évident, réglé et derrière lui. C'est par voie de communiqué d’un attaché de presse de la ministre canadienne de la Francophonie Mélanie Joly que l'on a appris que le Canada retirait son soutien à la candidature de Michaëlle Jean.

Il y est écrit : « Pour ce qui est du poste de Secrétaire général, le Canada est prêt à se rallier au consensus, comme le veut la façon de faire en Francophonie. Nous voulons que le Sommet soit l'occasion de discuter des priorités des chefs d'État et de gouvernement pour les prochaines années ».

Après avoir évalué les chances de la Canadienne de se faire réélire, le Canada n’a pas voulu mener cette bataille qui semblait, de toute façon, perdue d’avance étant donné que la ministre rwandaise des Affaires étrangères avait le soutien et de la France, et de l’Union africaine. 

Les coulisses des négociations entre Ottawa et Paris

Mais pour quelles raisons, après avoir soutenu mordicus Michaëlle Jean, le gouvernement canadien a finalement retiré son soutien à la dernière minute ? Que s'est-il tramé en coulisses ?

Selon nos informations, Ottawa a réussi à obtenir de Paris deux contreparties :
- le soutien de Paris pour obtenir un siège de membre non permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU;
- la suspension de la demande d'adhésion de l'Arabie saoudite à l'OIF, pays en froid avec le Canada depuis l'expulsion de son ambassadeur par Riyad.

Le Québec emboîte le pas

La décision du Canada de lâcher Michaëlle Jean a été immédiatement entérinée par le nouveau Premier ministre du Québec François Legault, qui a déclaré, sur Twitter : « Je vous annonce que le gouvernement élu de la CAQ n'appuiera pas Mme Jean pour sa réélection à la tête de l'OIF. Nous nous joindrons au consensus africain qui est plein de potentiel. Il est maintenant temps de laisser place à un nouveau style de gestion ». Petite pique subtilement envoyée à Mme Jean à qui on a justement reproché des problèmes de gouvernance et de transparence. 

> A lire aussi : Francophonie : le Premier ministre élu du Québec soutiendra-t-il la candidature de Michaëlle Jean ?

La rivale de Michaëlle Jean, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, s'est rapidement félicitée d'avoir l'appui du nouveau gouvernement québécois : « Le soutien de la CAQ à la candidature africaine est hautement apprécié; il est l’illustration de la solidarité positive dans l’espace francophone ». 

Il faut savoir que le soutien de François Legault à Michaëlle Jean était loin d’être acquis : il a réservé son jugement à ce sujet durant toute la campagne électorale, car il disait vouloir être bien informé sur ces questions de gouvernance avant de prendre position.

Justin Trudeau vient de trancher et François Legault s’est rallié sans aucune difficulté. Les deux dirigeants ont fait le voyage ensemble en avion d’Ottawa à Erevan, un long vol pour faire connaissance et aborder toutes sortes de sujets importants alors que le Québec vient de changer de gouvernement. 

Maintien de sa candidature ? 

Michaëlle Jean, dans les circonstances, peut-elle et va-t-elle maintenir sa candidature ? Des sources ont indiqué à Radio-Canada qu'un représentant du gouvernement canadien lui avait expliqué avec précision l'état de la situation, et qu'elle n'avait quasiment aucune chance de remporter cette bataille.

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Ce mercredi 10 octobre, lors de son discours au Forum économique qui s'ouvrait à Erevan en marge du Sommet de la Francophonie, Michaëlle Jean s'est adressée à l'assistance : "Vous allez bien ? Moi aussi !" Ne laissant rien transparaître des dernières tribulations politiques. 

Ses chances d'être réélue viennent clairement d’être réduites à néant. Marquera-t-elle donc l’histoire de la Francophonie en devenant la première Secrétaire générale de l’OIF dont le mandat ne sera pas renouvelé ? 

> Les réactions après l'annonce canadienne depuis Erevan où se déroule le Sommet :