Alors que nos enquêtes de juin 2017 (
Francophonie où es-tu ? partie 1 et
partie 2) s’interrogeaient sur la place de la francophonie et de la langue française dans le nouveau dispositif gouvernemental, des réponses et des actes viennent d’être apportés, plus de six mois après, avec le lancement ce vendredi 26 janvier 2018 de la plateforme internet
monideepourlefrancais.fr.
Il s’agit, à travers elle, de recueillir les contributions des francophones de par le monde, à la promotion et à l’apprentissage de la langue française. Objectif : la conception d'un
« grand plan » pour le français, qu’Emmanuel Macron présentera le 20 mars prochain.
En attendant le
« grand plan », on peut déjà consulter les premières
« idées » déposées sur le site. Parmi lesquelles :
« créer une sorte d’Amazon francophone solidaire », « un MOOC pour la formation en ligne des web journalistes », « des kits de cinéma mobiles » ou encore des
« masterclass pour les humoristes algériens »...
Une chose est sûre, si l’objectif est ici de promouvoir la langue française, c'est surtout l’anglais qu'on remarque, promu au passage par les internautes !
Francophonie, « cause nationale »
Emboîtant le pas du président français qui a fait récemment de la Francophonie une
« cause nationale », Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères s'est voulu rassurant en lançant la consultation.
« On n'a jamais autant agi que ces derniers mois pour la francophonie », a-t-il déclaré, réfutant les critiques sur l'absence d'un ministère français de la Francophonie de plein droit.
« C'est un faux débat. Il a existé des ministères de la Francophonie. Pour autant, en a-t-on fait plus ? », s'est interrogé Jean-Baptiste Lemoyne - qui avait accordé à
TV5Monde sa première interview en tant que secrétaire d'Etat le 27 juin dernier et au cours de laquelle, alors, il
« n'excluait pas une bonne surprise »...
« Cette plateforme donne le coup d'envoi d'un nouveau souffle pour la francophonie », a abondé la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, également présente pour ce lancement. Tout en reconnaissant qu’
« on n'a peut-être pas encore assez fait, ces dernières années ». « Parce que des complexes, parce que des malaises flottaient. Parce que francophonie aurait pu rimer avec colonie. La seule façon de ne pas enfermer la francophonie dans une vision étriquée, c'est de soutenir ce qu'elle est réellement, aujourd'hui : un vecteur de diversité. C'est l'esprit de la plateforme qui est lancée », a-t-elle souligné dans un discours.
Soucieux de se distancer de l'ère coloniale, Emmanuel Macron avait déjà, lors d'un discours au Burkina Faso fin novembre, souligné que
« la langue française n'était plus uniquement française, mais autant, voire davantage, africaine que française ». Alors que Kinshasa est déjà la première capitale francophone, c’est bien le continent qui fournira le plus gros contingent de francophones. Et c’est grâce à la démographie africaine que le nombre de locuteurs de français devrait quasiment tripler en plus de
30 ans, de 274 millions aujourd'hui à 750 millions en 2050.
Doutes et démissions
Quoiqu’il en soit, cette vision et cette mission autour de la francophonie ne convainc pas tout le monde, et souvent ceux-là mêmes appelés à les incarner.
L'écrivain Alain Mabanckou a ainsi déploré dans une tribune que
« la Francophonie était malheureusement encore perçue comme la continuation de la politique étrangère de la France dans ses anciennes colonies ». Et il a passé son tour, refusant de contribuer à cette réflexion autour de la langue française qu'Emmanuel Macron lui proposait d'animer.
Quant au réseau des plus de 820 Alliances Françaises (qui dispensent des cours de français dans le monde), censé porter ce projet, il vient de vivre une semaine inquiétante, marquée par une vague de départs sans précédent.
Plus du tiers des administrateurs de la Fondation Alliance Française a démissionné, parmi lesquels le président, Jérôme Clément, et l’ancien premier ministre, Alain Juppé. En cause : un long contentieux qui oppose la Fondation et l'Alliance française de Paris Ile-de-France (AFPIF). Cette dernière, qui était la première Alliance créée en 1883, estime avoir été spoliée et refuse de payer le loyer de ses bureaux, qui lui appartenaient avant d'être cédés à la Fondation lors de sa création en 2007, et dont le montant s’élèveraient à 700 000 euros depuis 2016.
L’hémorragie est telle que le réseau se voit directement menacé dans la tenue et la poursuite de ses activités et en appelle désormais directement à Jean-Yves Le Drian pour sa sauvegarde.
Certes, un tel calendrier n’est pas des plus optimaux pour qui veut promouvoir la langue française, mais les prochains rendez-vous sont calés. Avant l’annonce du
« grand plan », le 20 mars, une conférence internationale se tiendra à Paris les 14 et 15 février.
Pendant ce temps-là, la Chine, elle, trace son chemin linguistique en silence, parsemant la planète de ses Instituts Confucius. Plus de 500 de ces Instituts existent aujourd’hui dans 140 pays du monde, dont une quinzaine en France (soit autant que le nombre d’Alliances Françaises en Chine alors que le pays est 23 fois plus peuplé !).
Quant à la langue anglaise, elle n’a pas de souci à se faire non plus. Elle reste la langue des affaires, tout en devenant celle de la nouvelle économie et du codage.
Et le français dans tout ça ? A la traîne ? Que nenni !
« France is back ».