Après avoir analysé des données rendues publiques par le ministère japonais de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche, Ken Buesseler, chimiste à l'Institut océanographique de Woods Hole dans le Massachusetts, estime qu'environ 40% des poissons pêchés au large de la centrale de Daiichi dans le département de Fukushima ne sont pas consommables selon les normes établies par les autorités nippones.
Se référant à la concentration de césium radioactif 137 et 134, il souligne aussi que les niveaux de contamination dans presque tous les poissons et crustacés ne diminuent pas. Mais ces niveaux varient selon les espèces. Les plus touchés sont les démersales qui ont pour caractéristique de vivre au contact des fonds marins à proximité des côtes : rascasses, raies, congres, flétans, soles, etc.
Interviewé par la BBC (lien en anglais), le scientifique américain identifie deux sources probables de contamination : « Il y a les fuites en cours qui par les eaux souterrains se déversent dans l'océan et la contamination qui a déjà atteint les sédiments à proximité du littoral.» Ces conclusions inquiétantes ont fait réagir la compagnie d'électricité japonaise (TEPCO) qui exploite la centrale Daiichi. Elle a annoncé qu'
elle ne pouvait pas exclure la possibilité d'une fuite de radioactivité dans la mer.
Sur le pan social et économique, c'est un nouveau coup dur pour les pêcheurs de Fukushima. Leur avenir reste très incertain. Selon Ken Buessler, il est difficile de savoir combien de temps encore certaines pêcheries resteront fermées. Il est nécessaire de poursuivre les prélèvements et analyses et ce, sur les décennies à venir, a précisé l'expert. Depuis juin, la pêche commerciale a repris au large de Fukushima sur une base expérimentale, en se limitant à une espèce de coquillage et à deux espèces de poulpes.
Avant la catastrophe nucléaire, cette zone du littoral nippon, de Kanto à Hokkaido, concentrait plus de la moitié de la production de la pêche et de l’aquaculture du pays avec une production annuelle de près de 3 millions de tonnes. Au niveau mondial, cette région était leader dans les productions de pétoncles, d’algues, de saumons, de calmars, de maquereau, d’oursins, d’ormeaux, etc.
Sur terre, Greenpeace conteste les mesures officielles
Sur terre, la situation reste aussi très inquiétante. C'est
Greenpeace qui a donné l'alerte, le 23 octobre dernier. L'ONG écologiste remet en cause les mesures officielles et affirme que les populations seraient exposés à treize fois la limite autorisée. Elle a relevé des niveaux de radiation supérieurs à 3 microsieverts par heure dans des parcs et des écoles de la ville de Fukushima (située à 50 km de la centrale de Daiichi) alors que la limite a été fixée à 0,23.
« Nous avons découvert que les appareils de mesure installés par le gouvernement sous-évaluaient systématiquement les niveaux de radiations », a déclaré Rianne Teule, experte en radiation de Greenpeace. Selon elle, ils sont protégés des radiations par les structures métalliques ou de béton environnantes, ce qui fausse les mesures. « Ces appareils ont été placés dans des zones décontaminées. Cependant nos propres mesures montrent qu'à peine un peu plus loin les niveaux remontaient de façon significative », a-t-elle poursuivi.
Rianne Teule a également affirmé que les travaux de décontamination « ont été sérieusement retardés et de nombreux endroits très irradiés signalés régulièrement par Greenpeace existent toujours ». Pour Kazue Suzuki de Greenpeace Japon, « le gouvernement donne de faux espoirs aux victimes du désastre ».