Toulouse, lundi 19 mars, 8h00. Devant le collège-lycée israélite Ozar-Hatorah, un homme descend d'un scooter, puis ouvre le feu. Quatre personnes, un adulte de 30 ans, trois enfants de 4, 5 et 7 ans, sont tués. Un jeune homme de 17 ans est gravement blessé.
Dans les heures qui suivent, les enquêteurs mettent à jour les similitudes avec les meurtres de Montauban. Les 11 et 15 mars, un tireur à scooter a tué trois militaires.
L'attentat de Toulouse entraîne immédiatement une mise entre parenthèses de la campagne électorale, jusqu'aux plus hautes institutions. Le CSA (Conseil supérieur de l'Audiovisuel) déclare dans un bref communiqué qu'il ne comptabilisera pas le temps de parole des candidats lorsqu'ils s'exprimeront sur la fusillade, les 19 et 20 mars.
Les "favoris" se marquent à la culotte
Les candidats, quant à eux, se lancent dans un exercice délicat d'équilibriste, entre le souci de ne pas donner l'impression de "récupérer" un drame atroce à des fins politiques, et celui de ne pas être accusés de minimiser voire d'ignorer ce même drame.
Nicolas Sarkozy, candidat de la droite, s'est vite "représidentialisé" et a annoncé qu'il suspendait sa campagne au moins jusqu'à mercredi 21 mars, date des obsèques des trois militaires à Montauban, auxquelles il assistera.
Obsèques auxquelles se rendra également François Hollande, le candidat socialiste. Lui aussi a bousculé son agenda de campagne, annulant lundi matin sa participation aux émissions Le Grand Journal et Le Petit Journal sur Canal + le soir même.
Lundi, les deux hommes se sont aussi rendus aux mêmes endroits, à quelques heures d'intervalle : sur les lieux du drame à Toulouse puis à la cérémonie d'hommage aux victimes à la synagogue Nazareth à Paris. Mardi, tous deux ont participé à la minute de silence dans des écoles. Mêmes leurs sites internet se sont mis au diapason de l'événement :
celui de Sarkozy est en berne, celui d'Hollande affiche en pop-up
le discours du candidat lundi à Toulouse.
Bref, les "favoris", se marquent à la culotte. Les "petits" candidats, eux, prennent des chemins divergents. Marine Le Pen (FN) a suspendu ses meetings et a annulé sa participation à une émission le soir-même sur France 2. Eva Joly (EELV) a condamné "un acte ignoble". En revanche, François Bayrou (Modem) et Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) ont annoncé ce mardi reprendre leurs campagnes, un "acte de résistance" pour le dernier.
Une campagne suspendue qui continue
Dans
un édito sur les Inrocks.com, le journaliste Serge Kaganski estime que "la classe politique a globalement bien réagi, pesant ses mots, évitant les polémiques, suspendant la campagne pour quelques jours. Par respect pour les victimes, pour leurs proches, mais aussi pour tous les citoyens français, cette unité républicaine dans la décence et la dignité était la seule attitude possible."
A contrario, Daniel Schneidermann, journaliste et directeur de la publication d'
@rrêt sur images, parle de "suspension-spectacle"
dans son billet de ce mardi. Interrogé par téléphone, il s'explique : "Cette suspension c'est de la blague ! La première chose qu'ont fait Sarkozy et Hollande après avoir annoncé qu'ils suspendaient leurs campagnes, ça a été de se rendre à Toulouse, une visite qui aura évidemment un impact sur ces mêmes campagnes."
Mais Nicolas Sarkozy, en tant que président de la République, n'a-t-il pas plus de légitimité que François Hollande, simple candidat, à prendre position sur cette affaire ?
"Dans des moments de violence extrême, le pouvoir a une légitimité sur les enjeux régaliens" estime ce mardi Brice Teinturier de l'Institut TNS Sofres sur France Info. Faux rétorque Daniel Schneidermann : "Est-ce que c'est le rôle du président de la République de nous tenir au courant de l'avancement de l'enquête ? Il me semble que c'est plutôt celui du procureur."