Fusillades de masse aux Etats-Unis : et si le problème n'était pas seulement les armes à feu ?

La fusillade par un employé municipal qui a causé la mort de 12 personnes dans l'Etat de Virgine est le 150ème événement de ce type depuis le début de l'année aux Etats-Unis. Ces fusillades dans des lieux publics relancent à chaque fois le débat sur les armes à feu, alors même que les homicides les impliquant ont baissé d'un tiers en moins de 40 ans. Quelles sont les causes réelles de ces tueries de masse de plus en plus fréquentes aux Etats-Unis ? 
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Fusillade de Virginia Beach
Un employé de longue date de la municipalité de Viginia Beach aux Etats-Unis, "mécontent de son sort", tire sur les personnes présentes dans la mairie. Il est abattu après avoir tué 12 personnes et blessé au moins six autres.
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Les Etats-Unis d'Amérique sont un pays très particulier à plusieurs titres. Les fusillades de masse, que rien ne semble enrayer depuis plusieurs années, font malheureusement partie des ces spécificités américaines que personne n'envie. Le record du nombre d'armes par habitant est souvent évoqué pour expliquer ces crimes. Pour autant, la très grande circulation d'armes à feu, bien qu'étant un facteur aggravant du phénomène, ne peut l'expliquer à elle seule. D'autres pays dans le monde ont eux aussi un grand nombre d'armes à feu ou des taux de criminalité plus élevés et ne subissent pourtant pas ce fléau. Sachant que l'Amérique est la seule nation au monde où ces tueries sont devenues récurrentes, d'où provient ce problème de société, effrayant, mais pourtant mineur dans les homicides aux Etats-Unis ? 

Les meurtres par armes à feu… en baisse

Les études sur les morts par armes à feu aux Etats-Unis sont unanimes : leur baisse en l'espace de moins de 40 ans est de plus de 30%. Si l'on "tue moins par balles" au pays de l'Oncle Sam, dans le même temps, les blessures et les suicides par armes à feu ont eux augmenté… comme les fusillades de masse. Les raisons invoquées pour expliquer cette tendance de la baisse des morts par armes à feu sont expliquées par des mesures d'amélioration des politiques de sécurité ou d'amélioration de l'économie : la population américaine aurait progressé dans sa qualité de vie, serait "moins encline à se tirer dessus pour se tuer".

Mais pour autant le taux d’homicide aux Etats-Unis en 2015 est de 5,2 pour 100 000 habitants, ce qui place ce pays au 31e rang mondial "des plus meurtriers". Cette statistique, malgré son aspect sinistre (à comparer avec la France qui compte 1 homicide pour 100 000 habitants) est pourtant encourageante : en 1980, les Etats-Unis comptaient 10,7 homicides pour 100.000 habitants ! Les agressions violentes ont atteint leur taux maximum de 442 pour 100.000 en 1992 et sont retombées à 242 en 2012, selon une recherche publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA). En réalité, si les Etats-Unis sont toujours le pays développé le plus dangereux de la planète, ils le sont moins qu'auparavant.

Et les fusillades de masse ?

Les fusillades de masse, le plus souvent perpétrées par des individus seuls et armés, tirant dans une foule — tuant ou blessant au moins 4 personnes pour être considérées comme telles — ne représentent en réalité que 1% des crimes enregistrés aux Etats-Unis. Mais elles sont en augmentation croissante depuis les années 70. Un rapport du quotidien USA Today indiquait qu'entre 2006 et 2017 il y a eu 1,358 victimes dans 271 tueries, soit 5 victimes par tuerie, pour une moyenne d'une tuerie tous les 16 jours. Selon la définition retenue — avec seulement des blessés par exemple —, ces chiffres peuvent s'étendre à plusieurs centaines chaque année. 

Des études ont été effectuées pour tenter de comprendre à quoi étaient dues ces fusillades de masse. Par exemple, durant une période de 5 ans — entre 2009 et 2014 —, sur 110 fusillades avec au moins 4 morts, près de 60 % étaient liées à la violence conjugale ou familiale. Restent les — un peu plus de — 40% sans explication directe, qui semblent, d'après les études, être multifactorielles. Une partie des tueurs de masse subissent des troubles d'ordre psychologique, mais le nombre de tueries de masse augmentant trois fois plus rapidement que le nombre de personnes atteintes de maladies mentales, ce n'est pas là — d'après les spécialistes — que se trouve l'explication principale du problème.

Les raisons invoquées pour expliquer le geste de ceux qui commettent ces fusillades sont en réalité souvent liées à des problèmes sociaux de "frustration" (une trop grande différence entre la situation, professionnelle, personnelle, de l'individu et ses attentes), de rêves de gloire (passer dans les médias, avoir son nom retenu dans l'Histoire) ou de volonté d'imiter d'autres tueurs. Le récent cas de la fusillade commise par l'employé municipal de Virginia Beach, causant 13 morts — dont la sienne —, est "typique" aux Etats-Unis pour ce genre de crimes : le salarié travaillait depuis longtemps dans le même service et était connu pour être très "mécontent de son sort"…

> A voir sur notre site : "États-Unis : nouvelle fusillade meurtrière en Virginie"

Les armes à feu aux Etats-Unis : en trop grand nombre et pas assez contrôlées

Les Etats-Unis sont parmi les pays en paix celui où le risque de mourir d'une arme à feu ou dans une tuerie de masse est le plus élevé. En 2017, les blessures par balles étaient la troisième cause de mortalité chez les enfants dans ce pays. 25 mineurs meurent chaque semaine par balle et 91 % des enfants tués dans le monde par des armes à feu, le sont… aux Etats-Unis. Il est à noter que plus la population est armée, plus le taux de morts par arme à feu est élevé, dans tous les Etats américains. 

Les fusillades de masse américaines sont donc un épiphénomène — très médiatisé et inquiétant — d'un problème bien plus vaste, celui de la délinquance et de la violence meurtrière, de l'usage immodéré et généralisé des armes à feu, dans un pays qui refuse toujours de réguler leur vente ou leur utilisation, même lorsque des carnages d'enfants surviennent. La toute puissante NRA (Association nationale pour les armes à feu, National Rifle Association, ndlr) est là pour veiller au grain : détenir une arme "pour se défendre" est considéré comme étant la règle, qu'aucun politique n'est encore arrivé à briser. Même pour la détention d'armes semi-automatiques…
 

Les meurtres (homicides) dans le monde

Chaque jour 541 meurtres sont officiellement recensés dans le monde, soit 197 333 par an (chiffres 2009). Les pays où sont commis le plus grand nombre de meurtres sont dans l'ordre le Brésil, le Mexique, la Russie, les Etats-Unis, l'Estonie, le Chili et Israël

Il y a 4 homicides pour 100.000 habitants dans le monde en 2015 selon l'OCDE.

C'est au Japon que le taux de meurtres est le plus faible (0,3) et au Brésil le plus fort (25,5)

Les taux d’homicides chez les hommes sont généralement plus élevés que chez les femmes et se situent respectivement à 6.9 et 1.3 pour 100 000 habitants.

C'est la région de Chihuahua au Mexique qui est la région la plus meurtrière du monde avec un taux d'homicides record de 108,2 pour 100 000.

Parmi les pays de l'OCDE, le Brésil et le Mexique comptent le plus haut taux d'homicides, 25,5 et 23,4 meurtres par 100.000 habitants respectivement. Inversement, Le Japon, le Royaume-Uni, le Danemark et l'Islande registrent le taux d'homicides le plus bas: 0,3 par 100.000 habitants.

Pour le nombre de meurtres commis sur son territoire, la France se classait 26ème avec 932 homicides recensés en 2015 par le Ministère de l'Interieur. En 2014, il y en avait eu 803. La forte hausse et due aux attentats de janvier et de novembre 2015. 

Malgré le record de détention d'armes par les particuliers, les Etats-Unis n'ont pas le record pour le nombre de meurtres par armes à feu : ce record appartient au Honduras, suivi par le Salvador et la Jamaïque. Le taux de meurtres aux USA est de 5,2 meurtres pour 100 000 habitants en 2015.

Puerto Rico détient le record de meurtres par armes à feu sur le total de meurtres avec 94,8 % des homicides perpétrés, suivis par la Sierra Leone en Afrique et par Saint Kitts et Nevis dans les Caraïbes.

(Statistiques : planetoscope.com)