
Fil d'Ariane
Israël annonce suspendre l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, où le ministère de la Santé a fait état de frappes israéliennes meurtrières ces derniers jours. Le Hamas dénonce une violation de l'accord de cessez-le-feu, désormais dans l'impasse.
Les Palestiniens regardent les destructions après une frappe aérienne israélienne sur un camp de tentes bondé abritant des Palestiniens déplacés par la guerre à Muwasi, dans la bande de Gaza, le mardi 10 septembre 2024.
À l'expiration de la première phase de la trêve, négociée par l'entremise du Qatar, Égypte et États-Unis et entrée en vigueur le 19 janvier, Israël et le mouvement islamiste palestinien apparaissent en profond désaccord sur la forme à donner à la suite du processus. Israël indique avoir accepté une proposition mise sur la table par l'envoyé spécial du président américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, et prévoyant une extension de la trêve pendant la période du ramadan et de la Pâque juive, soit jusqu'à la mi-avril.
Selon Israël, la proposition prévoit aussi la libération sur cette période de tous les otages encore à Gaza en deux fois, la deuxième étant conditionnée à un accord sur un cessez-le-feu permanent à négocier. Le Hamas a rejeté cette proposition et exigé de passer à la phase deux prévue par l'accord initial, estimant que le compromis américain revient à permettre à Israël de "se soustraire aux accords qu'il a signés".
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"Face au refus du Hamas d'accepter le cadre (proposé par Steve Witkoff) pour la poursuite des négociations", le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu "a décidé que, dès ce matin, toute entrée de marchandises et d'approvisionnements dans la bande de Gaza serait suspendue", annonce son bureau.
"Israël n'acceptera pas de cessez-le-feu sans libération de nos otages", ajoute le texte, et "si le Hamas persiste dans son refus, il y aura d'autres conséquences". Le Hamas a immédiatement dénoncé comme "un crime de guerre et une violation flagrante de l'accord" de trêve cette décision revenant à couper l'aide humanitaire vitale au regard de la situation catastrophique dans le territoire assiégé.
En tant que peuple, nous avons le droit à la vie.
Abou Mohamed Al-Basyouni, habitant de Gaza
Au pouvoir à Gaza depuis 2007, le mouvement islamiste appelle "les médiateurs et la communauté internationale (à) faire pression" sur Israël pour "mettre un terme à ses mesures punitives". La suspension de l'entrée de marchandises équivaut à "fermer la seule bouée de sauvetage de Gaza", déplore Mohamed Al-Jaroucha, un habitant de Gaza-ville. "Ça suffit avec les guerres (...) En tant que peuple, nous avons le droit à la vie", commente Abou Mohamed Al-Basyouni, également de Gaza. Arraché après des mois de négociations ardues, l'accord a fait taire les armes après quinze mois d'une guerre dévastatrice déclenchée par l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.
L'accord initial comprend trois phases de 42 jours chacune. Durant la première, le Hamas a libéré 25 otages et rendu les corps de huit autres à Israël, qui en échange a libéré environ 1.800 détenus palestiniens. La deuxième, hypothétique pour l'heure, prévoit la libération des derniers otages Hamas et de plusieurs centaines de prisonniers palestiniens, tandis qu'une troisième phase devrait être consacrée à la reconstruction de Gaza, un chantier titanesque.
L'accord comporte une clause prolongeant automatiquement la première phase tant que les négociations pour la deuxième sont en cours. Jusque-là, le Hamas a campé sur son refus de discuter d'autre chose que d'une application de la deuxième phase, censée garantir le retrait des troupes israéliennes de Gaza.
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Outre son refus de s'y engager, Israël exige que Gaza soit complètement démilitarisée et le Hamas éliminé. Or, celui-ci insiste pour y rester. Ce blocage fait craindre une reprise des hostilités, ce qui "serait catastrophique" selon l'ONU. Dans la foulée, le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a annoncé avoir accéléré l'envoi d'une aide militaire d'environ quatre milliards de dollars à Israël.
Le 2 mars, le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas a annoncé la mort de quatre personnes "à la suite d'attaques israéliennes en divers endroits du territoire". L'armée a elle dit avoir visé "plusieurs suspects" manipulant un "engin explosif" dans le nord de Gaza.
Auparavant, la Défense civile gazaouie avait signalé des "bombardements d'artillerie et tirs à partir de chars israéliens visant des zones en bordure de la ville d'Abassan al-Kabira, à l'est de Khan Younès" (sud). "Après vérification, nous n'avons pas connaissance du moindre bombardement d'artillerie dans cette zone", a réagi un porte-parole de l'armée israélienne. La Croix-Rouge a demandé "que tous les efforts soient faits pour maintenir le cessez-le-feu".
Territoire pauvre et exigu, la bande de Gaza a été ravagée par l'offensive israélienne, qui a plongé ses 2,4 millions d'habitants, pour la plupart déplacés, dans une crise humanitaire majeure. En Israël, l'attaque du 7-Octobre, d'une ampleur inédite, a été vécue comme un traumatisme national, à l'heure où l'exigence de libération des derniers otages retenus à Gaza reste très forte.
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Israël "porte la responsabilité" du sort des otages, a affirmé le Hamas dimanche, ajoutant à la pression sur le gouvernement israélien. L'attaque du 7-Octobre a fait 1 218 morts côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Ce jour-là, 251 otages ont été emmenés dans Gaza. La riposte israélienne a fait au moins 48.388 morts, essentiellement des civils, d'après les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.