Fil d'Ariane
La Russie a annoncé vendredi l'achèvement du gazoduc controversé Nord Stream 2, un tube de 1.230 kilomètres sous la mer Baltique rejoignant l'Allemagne qui, selon ses détracteurs, va accroître la dépendance européenne à l'égard Moscou.
Communiquée sobrement par le géant gazier Gazprom, cette annonce a un goût de triomphe pour la Russie, alors que les tensions diplomatiques engendrées par ce projet à 10 milliards d'euros ont un temps été si fortes que certains croyaient qu'il ne verrait jamais le jour.
Pour ses détracteurs, en Europe comme aux Etats-Unis, le gazoduc va accroître durablement la dépendance énergétique européenne à l'égard de la Russie, grand rival stratégique de l'Occident, et constitue une trahison des intérêts de l'Ukraine, un allié occidental face à Moscou.
Suite à cette annonce, la présidence ukrainienne s'est empressée de proclamer que "l'Ukraine allait se battre contre ce projet politique russe jusqu'à son achèvement, après celui-ci et même après le commencement des livraisons de gaz".
Nord Stream 2 : le gazoduc de la discorde
Saluant "l'une des plus grands constructions énergétiques au monde", la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova a indiqué, citant Gazprom, que les premiers approvisionnements en gaz pourraient se faire "d'ici la fin de cette année" si le régulateur allemand donne son aval.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a appelé à une mise en service "au plus vite".
Nord Stream 2 doit doubler les livraisons de gaz russe vers l'Allemagne, principal promoteur du projet. Il est achevé à un moment où les prix du gaz en Europe atteignent des records face à des stocks bas avant l'hiver.
Il se heurte néanmoins aussi à de nouvelles règles de l'UE sur le transport du gaz, contre lesquelles Gazprom a introduit des recours.
Ce tube d'une capacité de 55 milliards de m3 de gaz par an parcourt 1.230 kilomètres sous la mer Baltique sur le même parcours que son jumeau Nord Stream 1, opérationnel depuis 2012.
Pendant des années, le projet a opposé Washington et Berlin mais aussi les Européens entre eux, ainsi que la Russie et l'Ukraine. Finalement, un surprenant revirement de Washington, après l'arrivée au pouvoir de Joe Biden, a permis l'élaboration d'un compromis germano-américain pour tenter de clore ce litige.
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Un des aspects les plus controversés de Nord Stream 2 est qu'en contournant la voie de livraison traditionnelle via l'Ukraine, il va priver cet allié de l'Occident d'environ un milliard d'euros par an de frais de transit.
Kiev craint également que cela ne la rende plus vulnérable vis-à-vis de Moscou, la privant d'un levier d'influence important.
Critiquée sur ce dossier, la chancelière allemande Angela Merkel avait souligné fin août en Ukraine que Berlin fera tout pour faire prolonger le contrat de transit russo-ukrainien expirant en 2024 et insisté que le gaz ne devait être utilisé par Moscou comme d'"une arme".
Mais le président ukrainien Volodymyr Zelensky lui avait signifié considérer Nord Stream 2 comme une "arme géopolitique dangereuse".
Exploité par Gazprom, le projet, estimé à plus de 10 milliards d'euros, a été cofinancé par cinq groupes énergétiques européens (OMV, Engie, Wintershall Dea, Uniper, Shell).
L'Allemagne est au sein de l'UE le principal promoteur du gazoduc, le présentant comme un projet économique nécessaire pour accomplir sa transition énergétique et pérenniser les livraisons à toute l'Europe.
Les Etats-Unis voit d'un mauvais oeil le tube, considérant qu'il renforce les intérêts russes, au moment ou les Américains veulent vendre aussi aux Européens leur gaz de schiste.
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L'UE est elle divisée. La Pologne ou les pays Baltes s'inquiètent de voir les Européens plier devant les ambitions russes.
Même en Allemagne, Nord Stream ne fait pas l'unanimité.
L'administration de l'ancien président américain Donald Trump avait voté en 2019 une loi imposant des sanctions contre les entreprises impliquées dans sa construction.
Entamé en avril 2018, le chantier a, de ce fait, été interrompu en décembre 2019 alors qu'il ne restait que 150 kilomètres de tube à poser, avant de reprendre un an plus tard.
Joe Biden a renoncé à le bloquer, estimant qu'il était trop tard et qu'il valait mieux miser sur l'alliance avec l'Allemagne dont Washington souhaite s'assurer la coopération dans d'autres dossiers.