Fil d'Ariane
Les près de 10.000 manifestants dénonçaient le fait que l'élu communiste russe Sergueï Gavrilov, à Tbilissi dans le cadre d'une rencontre annuelle de l'Assemblée interparlementaire sur l'orthodoxie, ait été invité à prendre la parole devant le Parlement géorgien depuis la tribune du président du Parlement, alors qu'ils considérent la Russie comme un pays occupant.
Une protestataire porte une pancarte avec le slogan "La Russie est un occupant" devant le Parlement géorgien à Tbilissi, le 20 juin 2019Les protestations, marquées par des affrontements qui ont fait 240 blessés dont 160 manifestants et 80 policiers selon les autorités, ont été condamnées par le Kremlin comme une "provocation russophobe".
Ces réactions reflètent les relations à fleur de peau entre les deux pays près de 30 ans après la chute de l'URSS et plus de dix ans après la "guerre éclair" les opposant, et qui se sont terminées par l'occupation de facto par la Russie de deux régions géorgiennes.
L'opposition a demandé à ses partisans de ressortir dans la rue à Tbilissi vendredi à partir de 19H00 locales (15H00 GMT).
"Le peuple géorgien et les partis d'opposition demandent la tenue d'élections législatives anticipées et la démission du président du Parlement et du ministre de l'Intérieur", a affirmé à l'AFP Grigol Vachadzé, leader du Mouvement national uni, crée par l'ancien président en exil Mikheil Saakachvili. "Des manifestations pacifiques permanentes se poursuivront jusqu'à ce que ces demandes soient remplies".
Dans la nuit de jeudi à vendredi, la police a repoussé à coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc des milliers de manifestants s'étant réunis devant le Parlement.
Les manifestants ont tenté d'entrer dans le Parlement, avant d'être repoussés. Près de 3.000 personnes se sont ensuite à nouveau rassemblées avant d'être dispersées vendredi matin par la police, qui a procédé à des arrestations.
L'ONG Human Rights Watch a dénoncé les actions de la police contre une foule "non-violente".
La présidente du pays, Salomé Zourabichvili, a interrompu une visite au Belarus pour rentrer à Tbilissi.
Lors d'un discours à la télévision, le Premier ministre Mamuka Bakhtadzé a promis que les "leaders d'une opposition destructrice" ayant organisé selon lui "des violences de masse" seraient confrontés à la justice.
Le milliardaire géorgien Bidzina Ivanichvili, considéré comme le véritable homme fort du pays à la tête du parti au pouvoir Rêve géorgien, a tenu un discours d'apaisement, assurant dans un communiqué "partager pleinement l'indignation sincère des citoyens géorgiens".
"Il est inacceptable que le représentant du pays occupant préside une rencontre au Parlement géorgien", a-t-il ajouté, précisant avoir demandé au président de l'assemblée de suspendre la conférence religieuse.
Dans une interview au quotidien Kommersant, Sergueï Gavrilov, rentré à Moscou, a défendu une réunion à caractère culturel et a nié avoir participé à des affrontements militaires dans les régions séparatistes de Géorgie.
"Ce qu'il s'est passé hier en Géorgie n'est rien d'autre qu'une provocation russophobe et ne peut que susciter notre inquiétude", a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, disant avoir relevé des "signes agressifs contre des citoyens russes".
La présence de parlementaires russes a suscité de vives protestations dans l'ex-république soviétique du Caucase qui s'est opposée à la Russie lors d'une brève guerre en août 2008. L'armée russe était alors intervenue sur le territoire géorgien pour voler au secours de la petite Ossétie du sud, territoire séparatiste prorusse où Tbilissi avait lancé une opération militaire.
En cinq jours seulement, la petite armée géorgienne avait été vaincue par l'armée russe. Les hostilités avaient pris fin après la conclusion d'un accord de paix arraché sous la médiation du président français de l'époque Nicolas Sarkozy, dont le pays assurait la présidence tournante de l'Union européenne.
Les deux régions séparatistes prorusses d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud (20% du territoire géorgien) sont frontalières de la Russie et comptent toujours des troupes russes sur leur territoire. Après la guerre, Moscou a reconnu les deux régions séparatistes comme "Etats indépendants".