"Gilets jaunes" : Paris sous haute tension

Pour l'acte IV du mouvement des "gilets jaunes", Paris s'était doté d'un dispositif exceptionnel de 8 000 membres des forces de l'ordre ce samedi 8 décembre 2018, sur les 89 000 déployés dans le pay. Après une matinée relativement calme, la situation s'est tendue dans l'après-midi, avec plus de 1400 interpellations et près de 200 blessés. 
Chargement du lecteur...
TV5MONDE / AP (photo)
Chargement du lecteur...
© TV5MONDE
Partager 7 minutes de lecture

Après une matinée relativement calme, des heurts ont éclaté ce samedi 8 décembre 2018 à différents endroits de Paris lors de la quatrième grande journée de mobilisation des "gilets jaunes", née de la contestation contre l'augmentation de la taxe sur les carburants.placée sous très haute sécurité.
 

Des gaz lacrymogènes aux abords des Champs-Elysées, le Drugstore de Publicis de l'avenue attaqué, des vitrines brisées avenue de Friedland, une barricade enflammée sur les Grands-Boulevards où les véhicules blindés de la gendarme ont été déployés... Des points de tension se sont soudainement créés en début d'après-midi alors que contrairement au samedi précédent aucun incident majeur ne s'était produit jusqu'à la mi-journée.

Et pourtant, après la guérilla urbaine du week-end dernier, les autorités ont revu leur stratégie et leur dispositif de maintien de l'ordre. 89 000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés, dont 8 000 à Paris appuyés par 14 "VBRG", véhicules blindés à roue de la gendarmerie.

Les manifestants quant à eux sont un peu moins nombreux que la semaine dernière à la même heure : 31 000 en France (contre 36 000 samedi 1er décembre), dont 8 000 à Paris, selon le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nuñez.

Prenant les devants, les autorités ont renforcé les contrôles en amont. Plus de  1 385 personnes ont été interpellées au total en fin de journée. Quelque 975 gardes à vue ont été enregistrées.. Un nombre déjà bien supérieur au total des interpellations (412) effectuées dans la capitale samedi dernier. Par ailleurs, 179 blessés, dont trois forces de l'ordre, ont été admis dans un hôpital. 

Paris, ville éteinte

Tout n'est pas encore réparé après les débordements du 1er décembre que les commerçants redoutent déjà de nouveaux débordements. Les magasins des Champs-Elysées ont été priés de ne pas ouvrir ce samedi - une demande de la préfecture.

► #Giletsjaunes : Journée ultra-violente le 1er décembre à Paris 
► #Giletsjaunes : Le jour d'après

Ailleurs, dans la capitale, une douzaine de musées sont restés fermés. La Tour Eiffel et L'Arc de Triomphe aussi. Plusieurs théâtres et l'Opéra ont annulé leurs représentations. Trente-six stations de métro étaient fermées.

A 13h30 (11h30 TU), manifestants et forces de l'ordre étaient engagés dans un face à face très tendu, comme l'explique Karine Henry, en direct des Champs-Elysées, à Paris :


C'est vers 10h30 à Paris (8h30 TU) que les premiers incident éclatent, comme explique notre correspondante Karine Henry :


A 8 heures ce matin  (6 heures TU), pourtant le calme régnait encore sur les Champs-Elysées, comme nous l'expliquait Karine Henry :

Le temps des barricades 

Un peu partout dans la capitale française, les chantiers ont été sécurisés pour éviter que le matériel ne soit utilisé comme projectiles.

En France, 89 000 membres des forces de l'ordre sont mobilisés, 8 000 rien qu'à Paris. Et en renfort, des blindés de la gendarmerie. Un dispositif exceptionnel annoncé à la télévision par le Premier ministre. Les autorités multiplient les appels au calme, demandent de ne pas venir manifester à Paris. Mais les "gilets jaunes" affichent une détermination à toute épreuve.

"Paris aux casseurs"

Soucieux d'éviter des morts et des blessés, des représentants des "gilets jaunes libres", un collectif qui réclame au gouvernement plus de mesures pour aider ceux qui arrivent de moins en moins à boucler leurs fins de mois, ont appelé à manifester pacifiquement, et pas à Paris pour éviter d'être assimilés à des "casseurs".

Dans certaines régions, une interdiction de manifester a été décrétée dans plusieurs points sensibles du Pas-de-Calais, tandis qu'à Montauban, 28 cocktails Molotov et trois bombes artisanales ont été saisis sur un rond-point occupé par des "gilets jaunes". Plusieurs pays européens ont conseillé la prudence à leurs ressortissants, tandis que les Américains sont eux encouragés à faire "profil bas". A Bruxelles, une centaine de personnes a été arrêtée.

Les institutions fragilisées

Au bout de quatre semaines de protestations, le mouvement des gilets jaunes a très largement dépassé le cadre des taxes et de la hausse des carburants. Un mouvement contre la baisse généralisée du niveau de vie qui a réussi à fragiliser les institutions, comme l'illustre cette caricature de presse paru dans le quotidien britannique The Times :

Macron gilets jaunes
©Courrier international

Emmanuel Macron s'adressera aux Français en début de semaine prochaine. Son entourage précise que le président français ne s'est pas exprimé avant la manifestation de samedi 1er décembre pour ne pas "jeter d'huile sur le feu"

Trump s'en mêle


Donald Trump a critiqué une nouvelle fois samedi l'accord de Paris sur le climat, estimant que le mouvement des "gilets jaunes" en France était la preuve que cet accord "ne marche pas" et affirmant, sans preuves, que des manifestants scandaient "Nous voulons Trump".

"L'accord de Paris ne marche pas si bien que ça pour Paris. Manifestations et émeutes partout en France", a écrit sur Twitter le président américain alors que des manifestants défilaient dans le pays pour une quatrième journée d'actions. 



"Les gens ne veulent pas payer de grosses sommes d'argent, beaucoup aux pays sous-développés (qui sont gouvernés de manière discutable), avec l'objectif, peut-être, de protéger l'environnement", a poursuivi le 45e président des Etats-Unis, coutumier des tweets matinaux.      
 
Ce n'est pas la première fois que le locataire de la Maison Blanche donne son opinion sur ce mouvement. Il avait déjà ironisé mardi sur les concessions faites par Emmanuel Macron aux "gilets jaunes", estimant que l'accord de Paris était voué à l'échec.  

Cette nouvelle attaque intervient au moment même où près de 200 pays sont réunis à Katowice, en Pologne, pour la 24e conférence mondiale sur le climat.

Erdogan aussi

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué samedi la "violence disproportionnée" selon lui des autorités françaises face aux manifestations de "gilets jaunes", ajoutant qu'il suivait la situation "avec préoccupation".

"Le désordre règne dans les rues de nombreux pays européens, à commencer par Paris. Les télévisions, les journaux regorgent d'images de voitures qui brûlent, de commerces pillés, de la riposte des plus violentes de la police contre les manifestants", a déclaré M. Erdogan.

La Turquie est "à la fois contre les scènes de chaos provoquées par les manifestants et contre la violence disproportionnée qui leur est opposée", a poursuivi le chef de l'Etat turc lors d'un discours à Istanbul, ajoutant qu'il suivait la situation "avec préoccupation".

Ces manifestations sont largement couvertes par les médias turcs, qui ont notamment diffusé en boucle ces derniers jours des images montrant des lycéens agenouillés et mains sur la tête après avoir été interpellés à Mantes-la-Jolie, près de Paris.

►Lycéens interpellés à Mantes-la-Jolie : la vidéo qui choque

"Ah ! Voyez un peu ce que font les policiers de ceux qui critiquaient nos policiers", a raillé le président Erdogan, jugeant que l'Europe avait "échoué sur les plans de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés".

La Turquie est régulièrement critiquée par les pays européens et les organisations de défense des droits de l'homme, qui dénoncent l'érosion de l'Etat de droit dans ce pays ces dernières années.

Les autorités turques ont notamment brutalement réprimé de grandes manifestations antigouvernementales au printemps 2013.