Grand débat : les Français de l'étranger ont aussi participé

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Les Français de l'étranger ont participé à près d'une centaine de réunions du grand débat national, ici à Melbourne le 28 février 2019.  
© Photo twitter @AGenetet
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Emmanuel Macron doit livrer ce jeudi à 18h00 (16h00 GMT) en conférence de presse, ses réponses au grand débat, une semaine après l'incendie à Notre-Dame ayant entrainé le report de son allocution. Un débat qui ne s'est pas limité aux frontières de l'Hexagone et des territoires d'outre-mer. Aux quatre coins du monde, les Français établis à l'étranger ont eux aussi contribué à la grande réflexion nationale issue du mouvement des Gilets jaunes.
Loin des yeux, mais pas loin du coeur. Bien qu'ils aient choisi de construire leur vie ailleurs, pour un temps ou définitivement, les Français de l'étranger se sont sentis concernés et ont souhaité apporter leur pierre à l'édifice du Grand Débat national.

Bien souvent à l'initiative de leurs députés, pour beaucoup issus de la majorité présidentielle, près d'une centaine de réunions physiques, ou même virtuelles, ont été organisées dans toutes les circonscriptions, ou des cahiers de doléances numériques mis en place comme au Benelux. Selon les jours et les villes, ils n'étaient parfois qu'une dizaine, d'autres fois, bien plus : à Beyrouth au Liban près de 150 personnes se sont ainsi réunies.

Pour beaucoup d'expatriés, le Grand Débat a été l'occasion d'échanger sur des sujets de politique nationale et de rencontrer d'autres Français. "Nous avons été surpris de voir participer beaucoup de personnes que nous n'avions jamais vues, habituellement éloignées des affaires consulaires, raconte Anne Genetet, députée de la 11ème circonscription des Français à l'étranger (Asie - Océanie - Europe Orientale). Cela montre leur réel intérêt pour ce qui se passe en France. Et même si des questions spécifiques aux résidents à l'étranger ont émergé, ce sont essentiellement les sujets nationaux qui ont été abordés."
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Grand débat national à sydney australie (twitter @agenetet)

Dans le compte-rendu que les députés viennent de remettre au Premier ministre Edouard Philippe, ils soulignent que trois thématiques se sont particulièrement imposées : le poids et l’utilisation de l’impôt, l’urgence écologique, et la nécessaire évolution de nos pratiques démocratiques.

Des assemblées de citoyens tirés au sort ?

Les Français de l'étranger ont ainsi pu rapporter les expériences positives et négatives des pays dans lesquels ils vivent. Par exemple, au sujet du RIC : le référendum d'initiative citoyenne plébiscité par les Gilets jaunes ne fait pas consensus au Royaume-Uni dans le contexte du Brexit. Les habitants de Taïwan ont eux aussi mis en garde contre cet outil qui semble ne pas donner entière satisfaction chez eux.

Même chose en Amérique du Nord où "les Français de Californie ont souhaité alerter sur les dérives, mais ont tout de même ouvert des pistes de réflexion sur la co-construction entre les élus et les citoyens. Lorsque les referendums sont utilisés au niveau local, sur des enjeux concrets, de façon concertée et suivie avec les représentants élus, ils permettent de réconcilier les citoyens avec la démocratie et de leur donner du pouvoir sur des enjeux qui impactent leur quotidien" peut-on ainsi lire dans le compte-rendu.

En Amérique du Sud, où le RIC ne suscite pas la même inquiétude, on propose en outre la prise en compte du vote blanc avec l'annulation du scrutin au delà d'un certain seuil, mais aussi la création d'assemblées de citoyens tirés au sort, l'évaluation des représentants politiques en fin de mandat ou encore la mise en place du vote électronique pour les expatriés.

Les Français de Belgique alertent pour leur part quant au scrutin à la proportionnelle qui pose tant de difficultés dans leur pays d'adoption. On se souvient que le royaume a longtemps détenu le record du monde de la crise politique avec 541 jours sans gouvernement en 2010-2011.

Implacables contre la fraude et l'évasion fiscale

Côté fiscalité, les citoyens de la 4e circonscription (Benelux) recommandent entre autres une multiplication des tranches d'imposition pour un impôt sur le revenu plus juste, une meilleure imposition des GAFA "qui bénéficient d'un traitement fiscal très clément par rapport aux PME" (ndlr : un texte en ce sens a été adopté par l'Assemblée le 8 avril 2019) et réclament que le gouvernement se montre "implacable dans la lutte contre la fraude fiscale".

Dans la 10e circonscription (Proche-Orient, Afrique centrale et de l'Ouest), on insiste sur le fait que cette lutte contre l'évasion fiscale doit être améliorée tant pour les particuliers que les grands groupes. Ici on réclame aussi l'obligation de prendre en compte les préconisations de la Cour des comptes dont le rôle doit être, selon ces citoyens, revalorisé pour une meilleure gestion des dépenses publiques.
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Grand débat national à Libreville au Gabon, le 15/03/19 (compte twitter Amelia Lakrafi : @Amelia_LKF)
Et partout, les Français demandent une plus grande transparence quant à l'utilisation qui est faite de leurs impôts, ainsi que de la pédagogie sur ce que chacun "coûte" à la collectivité en terme d'éducation, de santé, etc. Mais à l'étranger comme en France, on note une "ambivalence entre l'attachement aux services publics français, surtout en comparaison avec le reste du monde, et le besoin d'une baisse des prélèvements obligatoires" rapporte Alexandre Holroyd, député de la 3e circonscription (Europe du Nord).

Climat : les jeunes sur le front

À Londres, les élèves du lycée français Charles de Gaulle ont également participé au Grand Débat. Inquiets pour leur avenir, ce sont les questions liées à l'environnement qui ont eu la primauté chez eux. Les jeunes réclament "des mesures fortes voire punitives pour faire progresser la transition énergétique" explique le compte-rendu des parlementaires.

Tout le contraire des Français de la 11e circonscription qui jugent les dispositions actuelles trop punitives justement et les souhaiteraient plus "positives et incitatives".

La synthèse des deux se trouve sans doute dans les conclusions des Français de la 1ère circonscription (États-Unis-Canada) qui souhaitent "accorder à l'État un pouvoir de sanctions immédiates, la mise en place d’une politique de “shaming” (ndlr : il s'agit de donner honte aux moins vertueux), et de subventions d’activités pour les entreprises non polluantes."

La responsabilisation des entreprises avec le principe du pollueur-payeur, la taxation du transport aérien et maritime, le développement de circuits courts et d'une économie circulaire sont également cités. Les Français du Benelux rappellent l'importance d'agir au niveau européen sur ces questions.

Le vote électronique pour les Français de l'étranger ?

Des questions spécifiques aux Français de l'étranger ont également émergé, notamment quant à l'accès aux services publics. Sur des aspects pratiques d'abord liés à leur éloignement, ils réclament la décentralisation des services, la dématérialisation des démarches avec la mise en place d'un guichet unique pour les expatriés, mais aussi la mise en place du vote électronique pour les Français de l'étranger dont le lieu de résidence peut être très éloigné des bureaux de vote.

Ils demandent également la mise à disposition d'une enveloppe budgétaire pour le consulat afin de financer des services publics qui semblent prioritaires aux résidents locaux. Le coût de l'enseignement dans les lycées français est aussi mis en avant, l'idée d'un tarif spécifique pour les Français a été proposée, tout comme l'accompagnement des enfants en situation de handicap dans le réseau AEFE (Agence pour l'eseignement français à l'étranger) avec la prise en charge par la collectivité des auxiliaires de vie scolaire comme en France.

Du point de vue fiscal, les Français de l'étranger réclament entre autres la suppression de certaines cotisations inadaptées à leur situation. En effet, la Contribution sociale généralisée (CSG) et la Contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) permettent de financer la protection sociale dont ne bénéficient pas les expatriés qui cotisent dans le pays où ils résident. 

Le 17 octobre 2018, le ministre français des comptes publics Gérald Darmanin a annoncé la fin dès 2019 de ces deux cotisations pour ceux qui relèvent d'un régime de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Union européenne, de l'espace économique européen ou de Suisse. Aujourd'hui il apparaîtrait sensé de l'étendre à tous les Français de l'étranger.

Lesquelles de ces mesures seront finalement retenues par l'exécutif ? C'est toute la question. Le président de la République aura-t-il à coeur de satisfaire ceux qui ont largement contribué pour sa campagne mais surtout massivement  voté pour lui en 2017 ? Pour mémoire, 14% des dons pour le candidat Emmanuel Macron provenaient des Français de l'étranger. Ils lui ont aussi accordé 40,4% des voix au premier tour de la présidentielle. 

La déclaration du chef de l'État, repoussée après l'incendie de Notre-Dame de Paris, est attendue dans les prochains jours.

Revoir notre vidéo "Les conclusions du grand débat national en images" :

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