Depuis le déclenchement de la crise en Grèce, en 2009, la dette ne cesse d’augmenter. Elle représentait environ 120% du PIB en mai 2010, lorsque le gouvernement a fait appel à l’assistance du FMI, de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne (BCE). Elle s’élève aujourd’hui à 175% du PIB. Pour développer un programme à la hauteur du défi, Alexis Tsipras s’est entouré d’une équipe d’économistes solides, enseignant souvent en Grèce, au Royaume-Uni, voire dans des universités américaines renommées. Député sortant, George Stathakis est souvent présenté comme le futur ministre de l’Economie d’Alexis Tsipras. Avec Syriza, il dénonce la financiarisation de l’économie. Il considère insoutenable la dette publique grecque et est favorable à l’application de réformes structurelles. En novembre 2014, George Stathakis, à la tête d’une délégation de Syriza, a rencontré à Londres des représentants de banques d’affaires et de fonds d’investissement. Il répond à Fabien Perrier, pour notre partenaire suisse,
Le Temps : Quels sont les effets des politiques d'austérité menées en Grèce ? Le programme a complètement échoué à trois niveaux. Tout d’abord, la récession est profonde : baisse de 25% du PIB. Le chômage, énorme, s’élève à près de 30%. Enfin, le modèle grec "d’Etat providence" s’est complètement effondré, à tel point que 34% des foyers vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Il est impossible de continuer avec ces politiques. Le programme de Syriza vise à en changer. "Changer de politique" signifie-t-il que Syriza veut commencer par renégocier la dette grecque? Nous voulons renégocier la dette sur deux bases. D’abord, créer un espace budgétaire pour les trois à cinq prochaines années afin que l’économie grecque renoue avec la croissance. Pour ce faire, nous voulons réduire le remboursement des intérêts de telle sorte qu’ils passent de 4,5% du PIB actuellement à environ 2% du PIB. Face aux problèmes immédiats, nous discutons également d’un moratoire sur le remboursement pour quelques années. Le second problème est la viabilité de l’économie grecque sur le long terme. Ainsi, nous demandons une renégociation afin que la dette grecque à long terme soit soutenable. Cela est crucial pour que l’économie grecque fonctionne de nouveau sur des bases normales et puisse avoir un nouvel accès aux marchés. En 1953, l’Allemagne a bénéficié d’une annulation de sa dette. Voulez-vous qu’une décision de ce type soit appliquée à la Grèce? En 1953, l’Allemagne a effectivement bénéficié d’un accord européen. Nous sommes favorables à ce que la dette soit renégociée au niveau européen et que ces négociations incluent d’autres pays qui affrontent un problème de dette. En tout cas, nous avons différentes versions d’un accord sur lequel nous travaillerons pour améliorer la situation. Nous mettrons tous ces arguments sur la table. Cependant, ni Angela Merkel, ni François Hollande ne semblent prêts à accepter un accord en ce sens. Avec qui pouvez-vous donc négocier ? Avec tout le monde à partir du moment où, lundi, nous serons le prochain gouvernement grec. Ils discuteront avec nous. Ce sont des dirigeants européens, élus. La procédure démocratique est l’élément le plus fort et le plus cohérent au sein de l’Union européenne. Certains affirment que Syriza mènera la Grèce hors de l’euro. Nous répondons que Syriza a toujours été un parti favorable à l’UE et à l’euro. Toujours ! Nous n’avons jamais fait du "Grexit" un thème de notre discours ni de campagne. Un "Grexit" serait une erreur. Nous voulons trouver une solution dans le cadre européen. Le point essentiel est d’en finir avec l’austérité, d’appliquer des politiques de croissance et d’élaborer des bases sérieuses pour une justice sociale. Mais, si les banques européennes refusent une restructuration, la Grèce risquerait alors de sortir de la zone euro... Ça ne se produira pas ! Cela signifie-t-il que vous avez déjà discuté avec les banques européennes ? Nous parlons à tout le monde. Et tous savent qu’une sortie de la Grèce de la zone euro provoquerait un tumulte global que personne ne souhaite, ni en Grèce, ni en Europe, ni chez un seul de nos partenaires. Parallèlement, Syriza a promis de restaurer le salaire minimum au niveau de 2010 : 751 euros brut. Comment comptez-vous procéder ? Nous annoncerons ce nouveau salaire minimum pour le secteur privé dès que nous aurons constitué un gouvernement. Le gouvernement précédent a annoncé sa réduction par décret, nous le restaurerons par la même voie. Est-ce viable ? Oui. Cette mesure concerne 8% des salariés du secteur privé et nous en avons discuté avec les entrepreneurs grecs avant de l’annoncer. Nous sommes ainsi d’accord pour dire que cette décision est souhaitable et possible. L’industrie grecque paie d’ores et déjà des salaires plus élevés. Cette mesure concernera essentiellement le secteur des services, notamment ceux qui ont été privatisés, ou encore les cliniques, l’hôtellerie… Nous pensons qu’il est juste de rétablir les salaires à un meilleur niveau.