Grèce : le diktat de l'austérité

Le Parlement grec a voté jeudi pour la deuxième fois en deux jours en faveur d'un plan qui va imposer quatre ans d'austérité supplémentaire au pays en échange d'une aide financière internationale, sur fonds de tension sociale et de violence urbaine. Une majorité de 155 députés sur 300 se sont prononcés en faveur de la loi d'application qui détaille le plan cadre draconien déjà adopté mercredi pour réaliser 28,4 milliards d'euros d'économies budgétaires en quatre ans et engager pour 50 milliards de privatisations d'ici 2015. Le programme d'austérité n'en demeure pas moins contesté à l'intérieur du pays et son réalisme divise également les créanciers.
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Grèce : le diktat de l'austérité
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L'Europe et ses potions

L'Europe et ses potions
George Papandreou arrive devant le Parlement grec le 16 juin 2011 © AFP Panagiotis Tzamaros
(mise à jour 30 juin 2011) Par Pascal Priestley Ce n'est pas un triomphe ni la promesse d’un été radieux, mais tout de même la première bonne nouvelle depuis longtemps pour le Premier ministre grec Georges Papandreou : par 155 voix (toutes socialistes sauf une) sur 300, le Parlement a adopté mercredi 29 juin le très impopulaire plan d’austérité présenté par son gouvernement.   Ce dernier constituait la condition expresse des bailleurs de fonds de la zone euro pour valider le versement de 12 milliards d’euros, cinquième tranche d’un prêt de 110 milliards consenti il y a un an par leurs pays et le FMI. Sans lui, Athènes ne serait pas en mesure de faire face à ses échéances de remboursement de sa dette à court terme.   Faillite, effet domino, éclatement de la zone euro… les superlatifs s’accumulent dans les médias pour prédire les conséquences de cette éventuelle défection sur l’économie européenne et mondiale sans pourtant que l’inéluctabilité de ces scénarios apocalyptiques ne soient avérée, la Grèce représentant ... 2,6 % du PIB de la zone euro et 4 % de ses déficits cumulés.   Crainte majeure des Européens, au-delà des leçons de morale d’États qui ne brillent pas tous par leur vertu ménagère : que « l’incident de paiement » grec, consacrant l’échec de son plan de sauvetage, ne jette un doute sur tous les pays jugés fragiles au premier rang desquels figurent le Portugal, l’Espagne, l’Irlande mais aussi peut-être quelques autres.   Plus que la réticence prévisible d’une Grèce épuisée à s’administrer un nouveau et douloureux tour de vis, c’est pourtant bien le spectacle de la division de l’Europe et sa pusillanimité à secourir l’un des sien qui sont a l’origine, ces derniers jours, de l’affolement – d’ailleurs relatif – des marchés.   LE GREC PARESSEUX   Le trophée de la mauvaise gouvernance revient en la matière à l’Allemagne qui, toute à sa vision obsessionnelle du Méditerranéen paresseux et en sieste permanente avant sa « retraite à cinquante ans » payée par le contribuable bavarois, a retardé et fragilisé l’aide européenne. Sa demande ultime aux créanciers privés d’une participation au sauvetage n’est certes pas immorale mais elle est apparue comme une hésitation de plus dans un contexte d’urgence, voire comme l’affichage d’une réticence ou incapacité des États à assumer leurs responsabilités. Plus empathique, la France, elle, tente d'élaborer une voie techniquement complexe qui consisterait à inciter le secteur privé à réinvestir dans un prêt à long terme (30 ans) une part (à déterminer) du produit des obligations grecques arrivées à échéance.
Grèce : le diktat de l'austérité
Affrontements lors d'une manifestation contre l'austérité à Athènes le 15 juin 2011 © AFP Aris Messinis
Ces subtilités irritent quelque peu les États-Unis (14 294 milliards de dollars de dette) qui se sont alarmés des tergiversations européennes. A l’image de l’ancien responsable de la Réserve fédérale Alan Greenspan, Washington craint que l’incendie sur le vieux continent ne traverse rapidement l’Atlantique et nombre de ses experts jugent le défaut de paiement de la Grèce à terme inéluctable et les plans d’austérité imposés à sa population trop durs pour être durablement praticables.   Largement dictés par des considérations intérieures ou idéologiques, leur efficacité, pourrait-on ajouter, est bien loin d’être certaine. D’inspiration très néolibérale, ils consistent pour l’essentiel en privatisation massive d'un peu toute la Grèce (ports, aéroports, poste, banques, énergie... Apport total espéré : 50 milliards d'euros), remise en cause d’un régime des retraites déjà en pratique bien moins paradisiaque qu’on ne le dit (voir ci-contre), destruction d’un secteur public déjà réduit par les mesures précédentes d’austérité, diminution des investissements d’État, libéralisation des transports et de l’énergie, mais s’attaquent assez modestement au premier mal de la Grèce : sa fiscalité.   L’appauvrissement et la dégradation des conditions de vie qu’ils occasionneront à court terme sont en revanche une certitude dont les dizaines de milliers d’ « indignés » qui défilent régulièrement dans le pays ne sont pas seuls à s’inquiéter. Dans son dernier rapport annuel, l’assez peu gauchiste département des Affaires économiques et sociales de l'ONU observe que "les mesures d’austérité prises par certains pays comme la Grèce et l’Espagne face à un endettement public excessif menacent non seulement l’emploi dans le secteur public et les dépenses sociales, mais rendent la reprise plus incertaine et plus fragile". "Les gouvernements, ajoute le rapport, doivent réagir avec prudence aux pressions en faveur de la consolidation budgétaire et de l’adoption de mesures d’austérité s’ils ne veulent pas risquer d’interrompre le redressement de leur économie". L’Europe, de toute évidence, ne pense pas si loin.

Repères

Dette publique en 2010 : env. 330 milliards soit 143 % du PIB   Déficits publics : 10,5 % Taux de chômage officiel : 12 % Prêt de l’Europe et du F.M.I. : 110 milliards sur trois ans ; c’est le versement de la cinquième tranche (12 milliards) qui est actuellement marchandé   Principaux créanciers : les grecs eux-mêmes, la France, l’Allemagne, les États-Unis, l'Italie