Grèce : l'Etat vend de nouveau ses entreprises publiques

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Grèce : l'Etat vend de nouveau ses entreprises publiques
Le ministre des affaires étrangères applaudit le nouveau premier ministre grec, Antonis Samaras
Photo : AFP
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Le nouveau premier ministre grec, Antonis Samaras vient d'obtenir le vote de confiance de son parlement, quelques heures avant la réunion des ministres des finances de la zone euro à Bruxelles qui a lieu ce lundi 9 juillet 2012. Ce vote a permis d'entériner l'accélération des privatisations du secteur public en échange d'un assouplissement de la part de ses  principaux créanciers, le FMI et l'UE. Que vaut cette stratégie ?

« La privatisation s'accompagne en général d'une diminution des coûts, obtenue au prix d'une réduction, parfois très importante, de la masse salariale »

"Vendre les meubles" : telle est en quelque sorte le projet du nouveau gouvernement de coalition grec. Le premier ministre Antonis Samaras, président du parti de droite Nouvelle Démocratie s'est engagé à ralentir la politique d'austérité qui a plongé la Grèce depuis 4 ans dans la récession. Mais en échange d'un nouveau plan massif et sans commune mesure de privatisations (voir encadré : "La future privatisation grecque en détail").
L'idée est simple : le produit de ces "ventes" de parts d'entreprises d’État serait affecté à la réduction de la dette souveraine pour participer au redressement des finances publiques. Dans le même temps, ces privatisations sont un appel aux investisseurs censés relancer l'économie hellénique doublées d'une Europe qui l'exige de tous ses membres. La stratégie d'échanger ces privatisations contre une diminution du plan de rigueur est compréhensible. Face à une population exaspérée, socialement bouillonnante et une extrême droite en pleine ascension, le gouvernement de coalition a-t-il vraiment le choix ?
Une dette de 350 milliards pour 50 milliards de privatisations en 2015 ?
Taille dans les dépenses publique ou privatisations, dans les deux cas les comptes risquent de ne pas être bons : en 2010, déjà, Athènes s'était engagée auprès de la Troïka (Commission européenne, FMI et BCE) à opérer un plan de privatisations d'un montant de 50 milliards d'euros à l'échéance de 2017. Fin 2011, seuls 1,8 milliards avait été engrangés. La difficulté à faire basculer des secteurs économiques entiers jusque là réservés au public vers le privé est réelle. Avec des effets et conséquences pas seulement positifs :"En devenant privée, l'entreprise se focalise sur sa rentabilité, souligne Emmanuelle Auriol, de l'école d'économie de Toulouse : Elle échappe aux obligations d'aménagement du territoire, aux pressions pour mettre en œuvre des politiques de patronage et d'emploi. La privatisation s'accompagne en général d'une diminution des coûts, obtenue au prix d'une réduction, parfois très importante, de la masse salariale. Il n'est donc pas surprenant que les syndicats grecs fassent front contre ces réformes. Mais une fois privatisée, une entreprise ne peut plus compter sur les contribuables pour éponger ses déficits. Pour les usagers, les privatisations s'accompagnent souvent d'une augmentation des prix, parfois en amont de la réforme, ainsi que de politiques de sélection de la clientèle. Les sociétés privées se concentrent en effet sur les segments rentables du service, au détriment des zones les plus dépeuplées ou défavorisées. Dans certains pays, ces mesures ont été si impopulaires qu'elles ont conduit à des changements de majorité et à des renationalisations" (article du supplément du Monde économie (Privatiser pour sauver la Grèce ? 2011) ).
Le désendettement de l’État grec ne sera pas profondément accentué par les privatisations : il est prévu, au mieux, 50 milliards d'euros en 2015. Si tout se passe comme prévu, ce qui n'a pas été le cas depuis 2 ans. les 50 Milliards prévus représentent environ 15% de la dette du pays. Insuffisant.
Grèce : l'Etat vend de nouveau ses entreprises publiques
La poste hellénique sera privatisée à 40% en 2012, à 90% à termes.
Privatiser ou non : y-a-t-il le choix d'un point de vue économique ? 
Pour l'économiste François Xavier Chauchat, "les dirigeants grecs ressortent exactement la même liste de privatisations aujourd'hui que depuis toujours, sur laquelle ils n'ont rien fait. Tout ça n'est absolument pas nouveau. Mais cette privatisation est indispensable à long terme, parce que le problème de l'économie grecque, c'est un problème de gouvernance :  ce problème de gouvernance s'exprime particulièrement par la main-mise des politiques dans l'ensemble des secteurs de l'économie." Et François Xavier Chauchat de conclure : "dans la logique du marché européen, de toute manière, tous ces secteurs doivent être exposés à la concurrence. La Grèce n'a donc pas vraiment le choix, et en plus, si elle commence à vraiment opérer ces privatisations, la Troïka lui permettra de faire moins d'austérité. Le seul hic c'est que personne ne croit qu'elle va le faire véritablement, bien que ce gouvernement soit plus engagé à ce niveau que les précédents. Jusque là la Grèce a fait de l'austérité sans bénéficier des avantages que la privatisation aurait pu lui apporter : aujourd'hui il lui faut aller de l'avant et passer ce cap." 

La future privatisation grecque en détail

09.07.2012
La future privatisation grecque en détail
Le ministre des finances, Yiannis Stournaras
OTE, numéro un des Telecoms en Grèce. L'Etat détient16% et envisage de céder l'intégralité de sa participation. - Banque Postale. Les 34% du capital pourraient être cédés avant le 31 décembre.  - Les ports du Pirée et de Salonique L'Etat détient encore 75% des deux principales infrastructures portuaires du pays. Il n'exclut pas de s'en défaire totalement d'ici la fin de l'année. - Société d'eau de Salonique. L'objectif affiché du gouvernement est de céder jusqu'à 40% des 74% du capital q'uil détient. - EAS. Cette entreprise spécialisée dans les systèmes de défense est détenue à 100% par l'Etat. L'objectif est de céder jusqu'à 66% du capital au 4e trimestre. - Loterie nationale. La part du capital détenu par l'Etat doit passer de 100% à 51% voire 33% avant la fin de l'année. - Le groupe gazier DEPA. Aujourd'hui controlé à 65%, cette entreprise ne le sera plus qu'à 32% d'ici le 31 décembre. - Trainose. La compagnie nationale des chemins de fer pourrait être totalement privatisée. L'Etat prévoit en effet de céder de 49 à 100% du capital au 4e trimestre. - Larco. L'Etat entend céder les 55% qu'il détient encore dans le groupe minier avant la fin de l'année. - Odie, l'ambition du gouvernement est de céder dans le courant du 4ème trimestre 100% du capital de cet équivalent du PMU en France. - Casino Mont Parnes  L'Etat prévoit de céder les 49% qu'il détient encore avant le 31 décembre. - Les licences de téléphonie mobile seront cédées à 100% au quatrième trimestre. - Hellinikon. Cet ancien aéroport détenu à 100% devrait être totalement privé d'ici la fin de l'année. Le programme pour 2012 et 2013 (entre parenthèse, le capital détenu, la part que le gouvernement prévoit de céder et la date prévue pour cette privatisation) - Aéroport International d'Athènes (55% - jusqu'à 21% - 1e trim 2012) - Autoroute Egnatia Odos (100% - jusqu'à 100% - 1e trim 2012) - Poste Hellénique (90% - jusqu'à 40% - 1e trim 2012) - Opap Paris sportifs (34% - jusqu'à 34% - 1e trim 2012) - Ports régionaux (77-100% - 43 à 66% - 2012) - Société d'eau Athènes (61% - jusqu'à 27% - 3e trim 2012) - EVO, défense (51% - jusqu'à 16% - 2e trim 2012) - Caisse des dépots&consignes(100% - 2012) - DEI Electricité de Grèce (51% - jusqu'à 17% - 4e trim 2012) - Sie autoroute Hellene 1 (100% - 2012) - Aéroports régionaux 1 (100% - jusqu'à 49% - 2012) - Hellinikon, IIe tranche ( 2012) - Participations bancaires (jusqu'à 100% - 2013) - Banque agricole ATE (76% - jusqu'à 25% - 2013)