Fil d'Ariane
Les «bateaux de la mort». C’est ainsi qu’on surnomme les embarcations illégales qui transportent les migrants vers la Grèce, principale porte d’entrée vers l’Europe. Ils sont de plus en plus nombreux : au premier trimestre 2015, 10.445 réfugiés ont fait ce dangereux voyage. Un chiffre qui a triplé depuis l’an dernier (2863). Après avoir trouvé et payé un passeur, ces passagers clandestins s’entassent sur des petites barques de fortune. Arrestations, accidents, noyades, ils prennent tous les risques et nourrissent l’espoir de se construire une vie meilleure en Europe.
Parmi eux, plus d’un million de réfugiés syriens ont déjà tenté de franchir la frontière turque pour accéder aux côtes grecques et fuir la guerre. À Athènes, on les croise aux coins des rues, dans une échoppe… ou dans un salon de tatouage. Comme chez Medusa Tatoo, où Zahir, un émigré syrien, a confié son avant-bras pendant plus de cinq heures à Vasilis Exarchos, célèbre tatoueur d’Athènes. Zahir ne veut rien raconter. Il ne veut pas qu’on filme son visage, pourtant souriant. Il tente même de faire croire que ce tatouage est «un coup de folie».
Mais il n’en est rien.
Une barque, remplie de migrants. Une île, en forme de tête de mort. «Les gens s’expriment à travers leurs tatouages, explique Vasilis Exarchos. En choisissant ce motif, Zahir veut faire passer un message, peut-être à la société française. Il veut dire que pour ces gens, leur vie est tellement en danger là-bas qu’ils acceptent de se mettre à nouveau en danger, pour arriver dans un endroit où ils pourront, tout simplement, vivre.»
Dans les rues de la capitale grecque, les murs sont pleins de graffitis et de messages politiques. Ici, le besoin de s’exprimer est criant. Certains, comme Zahir, le soulagent différemment, douloureusement, remplacent les bombes par les aiguilles, la peinture par l’encre. Vasilis se souvient aussi d’un palestinien, émigré de la bande de Gaza. Il s’était fait tatouer un enfant, fronde à la main, faisant face à cinq tanks. Une autre façon de raconter son histoire, et peut-être – surtout – de ne pas l’oublier.