Grenoble : un patient tétraplégique marche grâce à un exosquelette relié au cerveau

Pour la première fois, un homme paralysé des quatre membres a pu se déplacer grâce à un exosquelette, contrôlé par le cerveau. Une innovation mise en place par une équipe du centre de recherche biomédicale Clinatec, à Grenoble.

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Exosquelette
L'équipe du professeur Alim-Louis Benabid, neurochirurgien et spécialiste de la maladie de Parkinson a mis au point un exosquelette contrôlé par le cerveau via des neuro-prothèses implantées. Un patient tétraplégique s'est déplacé aidé par ce procédé pour la première fois.
(Capture d'écran)
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Thibault, jeune lyonnais de 28 ans est paralysé des quatre membres depuis quatre ans, suite à une chute. Il a été sélectionné par l’équipe du Professeur Alim-Louis Benabid, exerçant à l’université Grenoble Alpes et au centre Clinatec. Il y a deux ans, l’équipe a implanté deux neuroprothèses dans le cerveau de Thibault, au niveau des zones sensorimotrices supérieures du cerveau. Ces deux plaques de quelques centimètres carrés, remplies de capteurs électroniques permettent de transmettre les “signaux envoyés par le cerveau et les traduire en signaux moteurs”, décrit le Professeur Benabid. “Le cerveau est toujours capable de générer les ordres qui habituellement font bouger les bras et les jambes, mais il n’y a personne qui les exécute”, poursuit le spécialiste de neurochirurgie, également auteur principal de l'étude publiée dans The Lancet Neurology, ce vendredi 4 octobre. 

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Une première mondiale

Au début de l’expérimentation, Thibaut s’est d’abord entraîné chez lui sur un simulateur. Il a commencé par déplacer un avatar virtuel sur un écran, depuis son lit. ”J’ai dû réapprendre petit à petit. La plasticité cérébrale fait qu’on retrouve les ordres à envoyer pour obtenir les bons mouvements, de manière beaucoup plus souple, beaucoup plus naturelle” explique le jeune patient à la presse. Une fois cette première étape “virtuelle” effectuée, le jeune homme s'est rendu trois jours par mois à Grenoble, pour faire ces mêmes exercices, mais cette fois, avec l’exosquelette, qui ressemble à une armure futuriste. Il a pu faire quelques pas, plier le coude, lever les épaules, porter un verre à sa bouche, le tout filmé par l'équipe de chercheurs.

“C’est un message d’espoir pour les personnes dans le même état que moi : il y a des choses possibles, même si on a un gros handicap”, raconte Thibault. Quand il pense le mouvement, son cerveau émet des ondes électriques, captées de manière continue par la neuro-prothèse implantée, qui les transmet en temps réel à l’exosquelette. Ainsi, le jeune homme est capable de faire bouger ses membres paralysés. 

Le prototype (prothèses cérébrales et l’exosquelette) est le résultat de plus de dix ans de recherches de plusieurs équipes. “Je ne pensais pas qu’on pourrait aller aussi loin”, confie-t-il. Il poursuit : “ça a été un plaisir de pouvoir faire avancer la science”

Trois prochains patients prévus

Le professeur Benabid indique qu’un autre patient est prévu pour un implant d’électrodes en novembre prochain, et deux autres d’ici quelques mois. La suite des essais permettra d’améliorer l’équilibre et la précision pour saisir des objets de l’exosquelette. “Cela nécessite des calculs très lourds et des temps de réaction très rapides, sur lesquels on est en train de travailler, en utilisant l’intelligence artificielle”, explique l’équipe de chercheurs. 

Cette réussite est une première pour les chercheurs français et promet des perspectives notables pour les personnes tétraplégiques. Même si d’autres équipes ont déjà implanté des électrodes pour stimuler le cerveau de patients, l’étude du centre de recherche Clinatec est la première à utiliser l’interface neuronale directe pour contrôler un exosquelette. L'an dernier en Suisse, des patients paralysés des jambes ont réussi à se déplacer, équipés d'exosquelettes, mais ces derniers n'étaient pas connectés au cerveau humain.  

Ces progrès scientifiques pourront, à terme, permettre aux personnes tétraplégiques de diriger leur fauteuil roulant, ou de guider un bras motorisé, améliorant ainsi leur autonomie et leur quotidien, selon le Pr Benabid. Il insiste cependant : “on répond à un problème médical, un corps humain qui a été blessé et qui a des déficits. On est dans ‘l'homme réparé’ et pas ‘l'homme augmenté’ “

Même si le procédé est encore perfectible et ne permet pas complètement au jeune homme d'utiliser cet exosquelette dans la vie de tous les jours, l’essai clinique a été validé. L’équipe devrait présenter la totalité de leurs résultats à la presse dès lundi 7 octobre 2019.