Guadeloupe : la mangrove pour réduire le risque de submersion

Le Conservatoire du littoral en Guadeloupe s'engage dans la lutte pour la conservation des mangroves. Dans ce département d'Outre-mer français, au fil des années, des grandes entreprises ont remplacé la présence des mangroves sur le bord du littoral. L'espace que ces plantes marins occupaient s'est considérablement réduit. A travers ce projet, le Conservatoire ambitionne de réduire le risque de submersion au Guadeloupe.
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Mangroves au Mexique
Une femme patauge dans un marais lors d'un projet de restauration de mangroves au Mexique
(AP Photo/Eduardo Verdugo)
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"En 67 ans, la forêt humide de Jarry, est passée de 320 à 180 ha, soit une perte de plus d'un tiers d'espace naturel", s'inquiète Angélique Gourdol, la chargée de mission au conservatoire du littoral de Guadeloupe.

Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à travers le temps, Jarry est la troisième plus grande zone industrielle de la Guadeloupe. Située sur la commune de Baie-Malhault, à proximité du port autonome de Pointe-à-Pitre, Jarry regroupe de nombreuses entreprises industrielles et commerciales avec 31.000 salariés.

"On a coutume de dire que c'est le poumon économique de l'île", rappelle Angélique Gourdol. 

Cet espace de transition entre le milieu marin et terrestre est l'endroit où les mangroves peuvent s'installer et s'élever en toute tranquilité.  Mais, cette dernière est troublée depuis de nombreuses années. La mangrove est un forêt marin composé principalement de palétuviers. Elle croisse dans des eaux calmes et peu profondes. Les palétuviers sont des arbres gigantesques qui ont le corps plongé dans l'eau et les racines bien ancrées dans la terre. 

La salinité de l'eau de la mer n'est pas un obstacle à leur développement. Ils sont considérés comme les gardiens du précieux écosystème du littoral.

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Application de la loi foncière

Angélique Gourdol pilote aussi un projet appelé Ja-Riv, une contraction de Jarry et de Rivage, lancé en 2016.

Ja-Riv  vise à récupérer les terrains appartenant au Conservatoire, mais occupés illégalement par des entreprises, installées là au fil du temps, parfois depuis plusieurs dizaines d'années explique la responsable. 

Le Conservatoire vise la récupération de 13 hectares. "Nous en avons déjà libéré 4 et nous visons l'ensemble de ces espaces d'ici 2026", précise -t-elle.

Une fois libéré, la prochaine étape est de restaurer ces terrains en forêt marécageuse ou en mangrove, et d'implanter un sentier piéton qui ferait tout le tour de la zone centrale, soit près de 9 km. 

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Les entreprises participent, bon gré mal gré. "Certaines vont jusqu'au contentieux administratif, mais globalement ça se passe bien : on négocie en bonne intelligence pour allier au mieux la contrainte économique des sociétés et l'impératif écologique", conclut Angélique Gourdol avec un sourire. 

Généralement,  l'argument de la loi foncière suffit à convaincre les sociétés concernées. Sur ces terrains, passés du domaine public maritime au Conservatoire du Littoral en 2010, l'entreprise doit avoir un titre de propriété ou une autorisation d'occupation non expirée, sinon elle est hors la loi.

Ce qui fait qu'en plus des submersions de tempêtes, au Guadeloupe, on s'attend à ce que la submersion soit chronique et répétée en 2030 et jusqu'à 180 jours par an, en 2060.
Virginie Duvat, autrice du volet du 6e rapport​ du GIEC

Risques environnementaux au Guadeloupe

En janvier 2022, lors d'une conférence à Paris, l'autrice du volet du 6e rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) sur les petites îles, Virginie Duvat, explique : "Dans des territoires d'îles hautes, comme la Guadeloupe, la zone de Pointe-à-Pitre, Jarry, le Raizet, qui concentre la majeure partie de la population, des infrastructures et des activités économiques du territoire sont installées à moins de 80 cm d'altitude". Ce qui fait qu'en plus des submersions de tempêtes, au Guadeloupe, on s'attend à ce que la submersion soit chronique et répétée en 2030 et jusqu'à 180 jours par an, en 2060", précise-t-elle.

Parallèllement, ces terrains du littoral occupés par les entreprises sont régulièrement inondés souligne Angélique Gourdol. Et, le dérèglement climatique accru les risques d'inondation au Guadeloupe. Sauvegarde des mangroves, la solution ?

Dans un communiqué sur les mangroves, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)  rappelle :" longtemps déconsidérées, les mangroves ont fait l’objet d’une attention croissante à partir des années 2000 du fait de nombreux services qu’elles fournissent : protection des côtes contre la houle et l’érosion, purification de l’eau, nurserie pour les poissons, habitat essentiel pour l’avifaune et les crustacés ou encore stockage de carbone".

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Francesco Fautra, qui a repris la société de son père situé à Jarry est conscient des risques environnementaux liés à ces espaces illégalement occupés par des entreprises sur le bord du littoral. 

Pour lui, c'est à la nouvelle génération de corriger les erreurs du passé et d'assumer celles des gens qui nous entourent. "La mangrove a été colonisée par les hommes à une époque où peut-être on ne connaissait pas tout. Mais, notre génération est sensibilisée à ces problématiques. Aucun d'entre nous ne pourra dire qu'on ignorait les enjeux",  conclut Francesco Fautra. 

Fin avril, les inondations ont fait au moins un mort sur ce territoire français. Face à ce problème environnemental et climatique, le Conservatoire du littoral en Guadeloupe mise sur la préservation des espaces naturels occupés par les mangroves pour réduire le risque d'immersion dans ce pays.