Dans la prison américaine, on l'appelait le "Français". Milton, un bibliothécaire du camp de détention, confiait récemment à l'AFP garder pour lui les magazines de football, son sport favori, "Onze", "France Football" ou "Planète Foot". "C'est le seul" à parler français, "il est toujours le premier à poser ses mains" sur ces magazines, ajoutait Milton, qui n'a pas souhaité divulguer son nom de famille. Arrivé à l'âge de six mois en France d'un père qui avait combattu pour la France pendant la guerre d'Algérie, le jeune homme, qui a passé en juillet son 34e anniversaire dans les geôles de Guantanamo, a sept demi-frères et soeurs, tous français, selon la biographie de Reprieve, l'organisation britannique qui se chargeait de sa défense depuis 2007.
Né d'un second mariage, il a vécu l'essentiel de son enfance dans la région lyonnaise dans une famille d'accueil. Il est le seul de sa famille à ne pas avoir la nationalité française. Nabil Hadjarab a attendu à Londres --où il se serait radicalisé selon les Etats-Unis-- que sa situation soit régularisée, en 2001, avant de se rendre en Afghanistan, où il a été arrêté à l'âge de 22 ans et vendu aux Etats-Unis, en échange d'une prime, lors de l'intervention américaine suivant les attentats du 11-Septembre.
Affaibli
"Nabil est arrivé en Algérie affaibli par sa grève de la faim, mais il est plein d'espoir pour l'avenir", a écrit jeudi son avocate Codi Crider. "Il est reconnaissant aux Algériens de l'avoir accepté, même s'il rêve de rejoindre un jour sa famille qui l'attend en France".
L'association française ACAT, Action des Chrétiens contre la Torture, qui s'occupe aussi de son cas depuis 2010, a dit espérer que "Nabil, qui a déjà passé plus d'un tiers de sa vie en détention malgré l'absence d'inculpation ou de condamnation, aura bientôt la possibilité de rejoindre ses proches en France".
Une pétition, lancée par son oncle français, qui le soutient depuis la mort de son père, a recueilli plus de 18.000 signatures pour demander son retour en France.
"Je suis citoyen français, plusieurs membres de notre famille ont servi dans l'armée française et tous les proches de Nabil vivent en France. Nous demandons l'aide du gouvernement français pour que mon neveu Nabil soit libéré et rentre dans le pays qu'il aime et dans lequel il a grandi: la France", a imploré son oncle Ahmad Hadjarab.
Le jeune Algérien faisait partie des 86 des 166 détenus de Guantanamo pouvant être rapatriés ou accueillis dans un pays tiers. Il en reste désormais 84 (sur 164), qui n'ont donc été ni inculpés ni jugés, faute d'éléments à charge.
Un bureau américain de révision des situations des détenus avait, dès 2007, recommandé son transfèrement mais Nabil Hadjarab est resté emprisonné depuis, sur des soupçons d'appartenance à Al-Qaïda.
Engagé il y a six mois dans une grève de la faim sans-précédent des hommes contestant leur détention, Nabil Hadjarab comptait parmi les prisonniers nourris de force par les autorités de Guantanamo, et avait engagé, sans succès, un recours judiciaire pour interdire cette procédure. "J'envisagerai de manger à nouveau lorsque je verrai des gens quitter cet endroit. Pas avant", écrivait-il récemment.