Guerre au Yémen : de nouvelles armes livrées à l'Arabie saoudite ?

Lundi 20 mai, des dockers de Gênes ont empêché le chargement du cargo saoudien, le Bahri Yanbu, qui devait embarquer divers matériels et, selon Amnesty International, des armes susceptibles d'être utilisées dans la guerre au Yémen. Ce même bateau devait se rendre au Havre, le 8 mai dernier, avant de devoir faire demi-tour.
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Caesar
Un exemple des canons Caesar ici utilisés par des soldats français, à Al Quim en Irak.
© Photo libre de droits, prise par l'armée américaine / Spc. Zakia Gray
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Finalement, le bateau saoudien n'aura fait ni escale au Havre début mai ni chargement. Il a continué sa route jusqu'au port espagnol de Santander, le 13 mai.
C'est en Italie, dans le port de Gênes (Italie) qu'il a fait escale le 20 mai. Des dockeurs ont empêché le chargement du bateau, ne voulant pas faciliter le transport de matériel ou d'armes pouvant être utilisés dans la guerre au Yémen.

Le cargo a désormais mis le cap sur le port d’Alexandrie, en Égypte. Les errances du bateau ont commencé en France où sa venue avait fait polémique. 

Mercredi 8 mai, la ministre française des Armées Françoise Parly a confirmé sur BFMTV que le bateau saoudien Bahri Yanbu allait effectuer un chargement d'armes. Des armes susceptibles d'être utilisées dans la guerre au Yémen. Elle a cependant assuré qu'elle ne disposait d'aucun "éléments de preuves" montrant l'utilisation de ces armes contre des civils yéménites. Selon la ministre des Armées, ces pièces d'artillerie sont destinées à l'Arabie saoudite, en vertu d'un contrat commercial signé il y a plusieurs années.

Interrogée sur BFMTV, la ministre n'a par ailleurs pas précisé la nature de ces armes. Une source gouvernementale précisait à l'AFP "qu'il ne peut pas s'agir de canons Caesar puisqu'il n'y a aucune livraison de Caesar en cours"

Toutefois, le média Disclose confirme que le bateau doit bien être chargé de huit canons de type Caesar, que pourrait utiliser au Yémen l'armée saoudienne contre les rebelles houthistes, minorité chiite soutenue par l'Iran, ennemi du royaume. Pour rappel, Disclose publiait mi-avril une enquête dévoilant l'implication d'armes françaises dans la guerre au Yémen. L'enquête montrait que 48 canons Caesar étaient produits par l’industriel français Nexter, détenu à 100% par l'Etat français.

Besoin de transparence

Mardi 7 mai, sur les bancs de l'Assemblée nationale, le député havrais Jean-Paul Lecoq (PCF) avait interpellé le gouvernement sur la nécessité d'obtenir plus de transparence sur la composition du chargement et sur l'utilisation de ces armes. "Vous savez monsieur le député que le Havre est un grand port français et qu’il n’est pas étonnant qu’un cargo saoudien s’y arrête. C’est un port majeur qui accueille les cargos des pays du Golfe et dessert la région du Moyen-Orient", a répondu la secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq.
Disclose précise qu'avant son arrivée au Havre, le cargo a fait escale au Royaume-Uni et en Belgique. Il est soupçonné d’avoir embarqué des armes de fabrication belge lors de son passage au port d’Anvers.

Réactions des ONG

Les déclarations de la ministre n'ont pas tardé à faire réagir les ONG. L'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) a publié hier un communiqué. Ils annoncent avoir mandaté le cabinet Ancile Avocats pour déposer un référé permettant de bloquer l’acheminent des armes, "en vue de faire en sorte que la France ne puisse se rendre complice des exactions commises au Yémen et respecte ses obligations internationales".

Par ailleurs, neuf ONG réclament "l'établissement d'une commission parlementaire permanente de contrôle des ventes d'armes, comme en Suède, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas". Le député havrais Jean-Paul Lecoq l'avait également demandé lors de sa question au Parlement : "Nombre de démocraties qui font du commerce d'armes, le font sous le contrôle de leur Parlement". Il ajoute : "l'Allemagne a décidé de geler depuis octobre 2018 les ventes d'armes à l'Arabie saoudite".

Un traité a pourtant été adopté en 2013 par l'ONU, visant à réguler le commerce des armes dans le monde, que la France avait ratifié.

Tout cela "montre de nouveau l'obstination de la France à poursuivre ses transferts d'armes à ce pays malgré le risque indéniable et parfaitement connu des autorités françaises qu'elles soient utilisées contre des civils", a commenté Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch, dans un communiqué.