Fil d'Ariane
Grâce à la médiation des Nations Unies, les forces pro gouvernementales yéménites et les rebelles houthis ont annoncé avoir scellé un accord pour une trêve de deux mois. Un conflit oppose les deux parties depuis 2014 qui sont soutenues dans la région par l’Arabie Saoudite et l'Iran.
Une trêve de deux mois entre en vigueur samedi au Yémen en vertu d'un accord arraché par les Nations unies aux forces progouvernementales et aux rebelles Houthis engagés dans une guerre dévastatrice depuis près de huit ans.
Dans ce conflit qui a fait des centaines de milliers de morts selon l'ONU et poussé ce pays pauvre de la péninsule arabique au bord de la famine, une précédente trêve dans l'ensemble du pays convenue en 2016 entre les belligérants et d'autres décidées unilatéralement ont fait long feu.
Les belligérants ont répondu positivement à la proposition des Nations unies d'une trêve de deux moisHans Grundberg, émissaire de l'ONU pour le Yémen
Voisine du Yémen, l'Arabie saoudite, riche monarchie pétrolière du Golfe, est depuis 2015 à la tête d'une coalition militaire qui aide le président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi, face aux Houthis soutenus par l'Iran qui nie leur fournir des armes.
La cessation des hostilités dans l'ensemble du pays doit entrer en vigueur à 19H00 (16H00 GMT), au premier jour du mois de jeûne musulman du ramadan, a annoncé vendredi dans un communiqué Hans Grundberg, émissaire de l'ONU.
"Les belligérants ont répondu positivement à la proposition des Nations unies d'une trêve de deux mois", a-t-il dit en soulignant qu'elle pouvait être "renouvelée avec (leur) consentement".
Cette annonce est le couronnement des efforts de M. Grundberg qui tente depuis des mois de parvenir à une trêve et de relancer les négociations en vue d'un règlement au Yémen où les puissances régionales rivales, l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite, se livrent à une guerre par procuration.
Cette trêve est annoncée le premier jour du mois sacré du ramadan. Elle est l’objet de consultations intra-yéménites qui se sont tenues mercredi à Ryad. Les rebelles Houthis ne s’y sont pas rendus, refusant tout dialogue en territoire "ennemi".
Jeudi, l'émissaire de l'ONU a discuté séparément avec des représentants des Houthis à Oman et ces derniers jours avec ceux du pouvoir yéménite et du royaume saoudien à Ryad.
La coalition a dit "soutenir l'accord du gouvernement yéménite pour une trêve" de même que "les efforts de l'ONU pour la consolider", selon la télévision saoudienne Al-Ekhbariya.
"Les parties ont accepté d'arrêter toutes les offensives militaires aériennes, terrestres et maritimes au Yémen et au-delà de ses frontières", a déclaré dans un communiqué l'envoyé de l'ONU pour le Yémen.
"Les parties se sont également accordées pour autoriser les pétroliers à entrer dans les ports de la province de Hodeida et aux vols commerciaux d'opérer à partir et vers l'aéroport de Sanaa, avec des destinations prédéterminées dans la région", a précisé Hans Grundberg.
La coalition contrôle l'espace aérien et maritime du Yémen, et seuls les vols de l'ONU sont autorisés via l'aéroport de Sanaa. Un "blocus" dénoncé par les Houthis.
La capitale Sanaa est aux mains des rebelles de même que les ports de la province de Hodeida. Hodeida est la seule région du Yémen à faire l'objet d'un accord de démilitarisation, signé sous l'égide de l'ONU en 2018. Ces ports sont essentiels pour l'acheminement de l'aide humanitaire.
Dans ce contexte de désescalade, le diplomate a ajouté que les belligérants avaient "accepté de se rencontrer sous son égide pour ouvrir des routes à Taïz et d'autres régions du Yémen". "L'objectif de cette trêve est de donner aux Yéménites un arrêt nécessaire de cette violence, une assistance humanitaire et l'espoir que ce conflit puisse se terminer, ce qui est le plus important", a-t-il dit.
L’Envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen Hans Grundberg a annoncé vendredi que les parties belligérantes à ce conflit ont répondu positivement à la proposition de l’ONU d’une trêve de deux mois entrant en vigueur samedi 2 avril@UNYemenhttps://t.co/VfhT9pkMkF
— ONU Info (@ONUinfo) April 1, 2022
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé lors d'une rencontre avec des journalistes à "utiliser cet élan" pour que cette trêve soit "pleinement respectée et renouvelée".
Le président américain Joe Biden a "salué" vendredi l'annonce de la trêve, mais juge que "ce n'est pas assez". Il reconnaît cependant que cette trêve de deux mois offre "un répit longtemps attendu par la population". "Les négociateurs doivent entreprendre la difficile et nécessaire démarche vers un compromis politique pouvant apporter une paix durable à tous les habitants du Yémen", a-t-il estimé dans un communiqué.
L'ONG Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) a elle dit espérer "le début d'un nouveau chapitre, qui donnera aux Yéménites une chance de se relever dans la paix et la stabilité".
Après sept ans d'intervention, la coalition commandée par les Saoudiens n'a pas réussi à déloger les rebelles des régions conquises dans le nord du pays.
Selon des observateurs, les rebelles affichent une certaine intransigeance imputée au manque de fermeté de la communauté internationale à leur égard.
Les efforts en vue d'un cessez-le-feu se sont intensifiés après une escalade des attaques des Houthis contre le royaume saoudien. Samedi 26 mars, les Houthis avaient de leur côté annoncé une trêve de trois jours extensible à certaines conditions, après avoir mené vendredi seize attaques contre des cibles en Arabie saoudite.
L'une de ces attaques a provoqué un gigantesque incendie dans un site pétrolier à Jeddah (ouest) proche du circuit de Formule 1 qui accueillait le Grand Prix. Ces attaques n'ont pas fait de victimes.
En représailles, l'aviation saoudienne a bombardé des zones contrôlées par les Houthis.
En représailles, l'Arabie saoudite avait bombardé samedi des zones contrôlées par les Houthis, notamment à Sanaa et Hodeida, avant de décréter mardi soir un cessez-le-feu à partir de mercredi 30 mars pour le mois de jeûne musulman du ramadan, le premier cessez-le-feu unilatéral de la coalition depuis avril 2020.
Selon l'ONU, le conflit a causé la mort de près de 380.000 personnes, dont une majorité de décès indirects liés à la faim, aux maladies et au manque d'eau potable, tandis que des millions d'autres ont été déplacées. Une grande partie de la population, notamment les enfants, est confrontée à une faim aiguë, avec des situations proches de la famine.