Guerre en Ukraine : ce que les Russes ne peuvent plus voir, plus dire, plus faire

Tour de vis radical contre les médias et les réseaux sociaux, l'accès à l'information des citoyens russes est totalement verrouillé en Russie. Tour d'horizon des dernières restrictions et des plateformes d'information ne diffusant plus en Russie. 
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En Russie, médias et réseaux sociaux sont muselés. Les citoyens russes sont soumis à de nouvelles lois liberticides. 
AP Photo/Michael Probst
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Une loi punit désormais par de lourdes peines de prison toute diffusion d'« informations mensongères sur l’armée ». Russes et résidents en Russie encourent désormais jusqu'à 15 ans de prison.

Entre le blocage de Facebook et cette nouvelle loi adoptée le 14 mars, la population russe n'a désormais quasiment plus accès qu'aux discours officiels. Pour Darren Linvill, spécialiste des manipulations digitales russes de l'université américaine de Clemson, l'objectif de Moscou reste avant tout de « contrôler sa propre population ». 

Le président Vladimir Poutine entend ainsi imposer son récit officiel sur l'invasion de l'Ukraine, présentée comme une opération limitée de maintien de la paix. 

(Re)lire : Russie : des médias étrangers suspendent leur couverture par crainte des sanctions

Nombre de publications et de journalistes ont été étiquetés "agent de l'étranger", ce qui les soumet notamment à de lourdes procédures administratives et des poursuites en cas de manquement, même minime.

Ces amendements, adoptés par les parlementaires russes prévoient également des peines pour les « appels à imposer des sanctions à la Russie », qui est confrontée à de dures mesures de rétorsion occidentales.

D’autre part, les Russes risquent d’être arrêtés et condamnés s’ils manifestent dans la rue leur opposition à la guerre en Ukraine. En témoignent, les chiffres de l’ONG OVD-Info, publié quotidiennement. Depuis le 24 février, 11.000 personnes auraient été arrêtées en Russie. Dimanche 6 mars, 2.500 manifestants ont été arrêtés dans une trentaine de villes. 

(Re)voir : Russie : "Les derniers espaces de liberté d'information sont annihilés"

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Les autorités russes ont également interdit aux médias d'utiliser des informations autres que les déclarations officielles sur l’invasion russe en Ukraine. Elles bannissent l'utilisation des mots « guerre » et « invasion ». Le Kremlin présente l'invasion de l'Ukraine comme une « opération spéciale », visant à « protéger » les populations russophones d'Ukraine d'un « génocide ».
 

Les médias supprimés ou restreints

Le régulateur russe des médias a ordonné vendredi le blocage de Facebook, à qui il reproche de bloquer des médias proches du pouvoir (la chaîne RT et le site Sputnik) en Europe.

Le régulateur russe Roskomnadzor a d'ailleurs assuré qu'il commençait à restreindre l'accès à Twitter, dont le gouvernement ukrainien se sert avec succès auprès de l'Occident, dans la guerre de communication avec Moscou.

La chaîne de télévision indépendante par internet Dojd a annoncé la suspension de son activité, et l'emblématique station de radio Ekho Moskvy (Echo de Moscou) sa dissolution après le blocage de leurs sites.

Le journal russe indépendant Novaïa Gazeta annonce que le régulateur russe Roskomnadzor a bloqué les sites web de plusieurs médias et journaux russes : 

Dernier en date, le site d'information Mediazona, l'une des dernières voix indépendantes en Russie, a indiqué dimanche avoir été bloqué par les autorités en raison de sa couverture de l'invasion en Ukraine. Mediazona est une publication en ligne qui couvre notamment les affaires judiciaires impliquant des militants politiques, les manifestations d'opposition et les cas d'abus contre des prisonniers.

(Re)lire : Cyberguerre Russie-Ukraine : "On n'a pas encore vu toute la puissance de feu de la Russie"

Le site russe indépendant Meduza (basé à Riga, en Lettonie) et Radio Free Europe, antenne russe de RFE/RL, continuent leurs programmes mais n'émettent plus en Russie. 

Les médias étrangers 

De nombreuses chaînes d'information étrangères se sont vues suspendre leur distribution en Russie, ayant refusé d’occulter leurs programmes d’information. C’est notamment le cas, depuis samedi soir aux environs de 22 heures, de TV5MONDE Europe.

C’est également le cas de France Télévisions, Arte France, France 24, Deutsche Welle, la BBC, CBS, CNN, NBC, TVE, etc.

L'autorité russe avait auparavant annoncé avoir restreint l'accès à la BBC, à la radiotélévision internationale allemande Deutsche Welle (DW), à Voice of America et à d'autres sites d'information.
 

Les médias qui ne traitent plus la guerre en Ukraine

Le journal russe indépendant Novaïa Gazeta, lauréat du Nobel de la paix 2021, a indiqué se voir "obligé de supprimer de nombreux contenus" pour éviter les sanctions, mais vouloir "continuer à travailler ».

Le site d'information économique russe The Bell a aussi indiqué le 4 mars avoir décidé de ne plus couvrir la guerre en Ukraine, afin de protéger ses journalistes des sanctions pénales.

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Transgresser et contourner la censure 

Lundi, une initiative lancée par le collectif de hackeurs militants Anonymous a consisté à alerter la population russe sur la guerre en Ukraine en utilisant la fonction « avis » sur des restaurants russes répertoriés sur Google Maps. Ce stratagème n'a pas fonctionné. Vendredi 4 mars, Google et Tripadvisor décidaient de bloquer l’ajout de commentaires, photos et vidéos sur leurs plateformes. 

"Face à une augmentation récente des contributions sur la guerre en Ukraine sur Google Maps, nous avons mis en place des protections additionnelles pour surveiller et bannir les contenus qui enfreignent nos règles", a expliqué une porte-parole de Google à l’AFP.

Le collectif Anonymous invite les citoyens à contourner la censure sur la guerre en Ukraine en postant des avis sur Google Maps : 

Certains utilisateurs russes font également usage d’ un réseau privé virtuel (VPN), pour crypter la connexion entre leur appareil et le serveur auquel ils souhaitent accéder. Le service utilisé ne peut ainsi pas voir réellement le pays depuis lequel ils se connectent. Les VPN payants et changeant régulièrement d’adresse IP sont bien souvent les plus performants et parviennent à passer entre les mailles du filet. Les autres sont bloqués par le gouvernement, bien que l’usage de cette technologie reste légale. 

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Le système permet l’accès sans restriction aux médias étrangers ou indépendants ou aux réseaux sociaux comme Facebook et Twitter. 

Selon les données de la compagnie Atlas VPN, rendues publiques mardi, la demande de VPN en Russie a bondi de 241% le 25 février, au début des bombardements en Ukraine, pour culminer à 1076% le 26 février et 1906% le 27.