Le président et la Première ministre de la Finlande se sont dits favorables à une adhésion "sans délai" à l'OTAN, un immense pas vers une candidature devant être officialisée le 15 mai. La Suède va prendre elle aussi le même engagement auprès de l’Alliance atlantique. Le Kremlin a immédiatement réagi en affirmant qu'une adhésion du pays nordique à l'alliance militaire occidentale constituerait "assurément" une menace contre la Russie.
Finlande et Suède vont demander à adhérer à l’OTAN. Les dirigeants des deux pays nordiques y sont favorables. Mais de telles démarches prennent du temps. Dans l'attente, inquiets de la réaction de la Russie, les deux pays cherchent des assurances de protection pendant les mois nécessaires à leur entrée formelle dans l'alliance atlantique, à l'image des accords signés le 11 mai avec Londres.
Des "arrangements" avec des grands pays de l'OTAN
Ces derniers mois, Stockholm et Helsinki ont multiplié les contacts et les rencontres internationales pour s'assurer le soutien des membres de l'OTAN à leur adhésion.
Mais selon les dirigeants des deux pays, les discussions ont aussi visé plus récemment à obtenir des assurances, notamment des membres les plus puissants, sur la protection de la Suède et de la Finlande.
Voir : Suède et Finlande demandent à adhérer à l'OTAN
Durant la période d'adhésion - qui implique notamment une ratification par tous les membres, ce qui prend plusieurs mois - le candidat reste un non-membre, qui ne peut pas bénéficier du parapluie de l'article 5 de défense mutuelle.
Le secrétaire général de l'alliance, le Norvégien Jens Stoltenberg, a toutefois estimé qu'il serait possible de trouver des
"arrangements". Pour le cas suédois, il a ainsi évoqué une
"présence accrue" des forces de l'OTAN en mer Baltique ou dans son proche voisinage.
Si la Suède était attaquée et se tournait vers nous pour nous demander du soutien, nous le lui apporterions.Boris Johnson, Premier ministre du Royaume-Uni
C’est ce qu’a assuré Boris Johnson en signant avec son homologue suédoise Magdalena Andersson une
"déclaration politique de solidarité", y compris militaire.
"Si la Suède était attaquée et se tournait vers nous pour nous demander du soutien, nous le lui apporterions", a-t-il promis le 11 mai.
Un accord similaire a été signé avec le président finlandais dans la soirée du 11 à Helsinki.
"Ce n'est pas aussi solide que l'article 5, mais c'est ce que nous aurons durant la période intermédiaire", explique à l'AFP Joakim Paasikivi, enseignant en stratégie militaire à l'école supérieure de défense de Suède.
Il peut s'agir par exemple d'augmenter sa présence militaire dans le secteur, ou de dire qu'on soutiendra la Suède et la Finlande en cas de besoin, souligne ce lieutenant-colonel.
(RE)voir : Face à l'invasion de l'Ukraine que peut faire l'OTAN ?
Membres de l'Union européenne, la Suède et la Finlande bénéficient aussi de la clause d'assistance mutuelle prévue par l'article 42-7.
Côté américain, des responsables interrogés par l'AFP se bornent à assurer que des solutions seront trouvées, mais qu’il est prématuré d’en parler.
76% des Finlandais favorables
"La Finlande doit être candidate à l'adhésion à l'OTAN sans délai", ont affirmé ce 12 mai le président finlandais Sauli Niinistö et la Première ministre Sanna Marin dans un communiqué commun. Une conférence de presse du tandem exécutif finlandais devant officialiser les
"décisions concernant la politique de sécurité de la Finlande" doit se tenir dimanche 15 mai.
On était seuls en 1939, on ne veut pas se retrouver seuls une nouvelle fois.Nick Paterson, un entrepreneur finno-britannique de 56 ans
Pour le président finlandais, longtemps un avocat du dialogue Est-Ouest, la Russie ne peut s'en prendre qu'à elle-même de voir son voisin rejoindre l'alliance.
"Si nous adhérions (à l'Otan), ma réponse (à la Russie) serait: c'est vous qui avez causé cela, regardez-vous dans le miroir", a dit Sauli Niinistö.
La prise de position officielle des deux dirigeants marque la bascule de la ligne du pays nordique, qui partage une frontière de 1.300 kilomètres et un passé douloureux avec la Russie.
Voir : Ukraine : la Finlande va-t-elle rejoindre l'OTAN ?
Dans le pays de 5,5 millions d'habitants, 76% de la population est désormais en faveur de l'adhésion, selon un sondage publié le 9 mai, soit le triple de son niveau d'avant-guerre.
"On était seuls en 1939, on ne veut pas se retrouver seuls une nouvelle fois", dit à l'AFP Nick Paterson, un entrepreneur finno-britannique de 56 ans.
Soumise à une forme de neutralité forcée par Moscou durant la Guerre froide, l'ancienne province russe (1809-1917), envahie par l'Union soviétique en 1939, avait adhéré à l'Union européenne et au Partenariat pour la Paix de l'OTAN après la chute de l'Union soviétique, mais était restée non membre de l'alliance.
"C'est très important que les dirigeants de notre pays soient sur la même longueur d'onde et je pense que c'est une bonne décision", estime Ville Laakso, un avocat de 31 ans.
Au Parlement, une très large majorité des 200 députés est acquise avec seulement une dizaine d'opposants déclarés.
Lire : Sécurité européenne : l'OTAN toujours vivante, toujours clivanteLa chambre se réunira lundi 16 au matin pour étudier la proposition de l'exécutif, avec probablement une mise au vote, a fait savoir son président Matti Vanhanen à la télévision publique Yle.
La décision formelle sur l'adhésion doit être prise par un Conseil sur la sécurité et la politique étrangère, réunissant le chef de l'État, la Première ministre et plusieurs ministres.
"On doit espérer que la Suède, notre proche partenaire, fera la même conclusion et que nous pourrons candidater ensemble", a affirmé le ministre finlandais de la Défense Antti Kaikkonen.
Même attente en Suède
Côté suédois, une revue stratégique préparée par le gouvernement et les partis au Parlement sera rendue publique ce 12 mai, avant une réunion sans doute décisive du parti social-démocrate au pouvoir dimanche 15.
Les deux pays, membres de l'Union européenne, inquiets des réactions russes cherchent une assurance. Cela explique la signature d’un traité avec le Royaume Uni le 11 mai. Ils peuvent aussi compter sur l'article 42.7 d'assistance mutuelle des traités européens, a rappelé aujourd’hui le ministre finlandais des Affaires étrangères Pekka Haavisto devant le Parlement européen.
Cette période, qui implique notamment une ratification par les Parlements de chacun des 30 membres actuels de l'Alliance, peut prendre plusieurs mois.
Quel calendrier d'adhésion?
Une fois la décision prise par un pays tiers d'adhérer, les membres de l'OTAN doivent accepter à l'unanimité de l'inviter à les rejoindre, lançant alors des pourparlers d'adhésion.
Le patron de l'OTAN ayant promis d'accueillir la Suède et la Finlande
"à bras ouverts" en cas de candidature, cette première phase du processus peut être rapide, de l'ordre de
"quelques jours à quelques semaines", estime Charly Salonius-Pasternak, chercheur à l'Institut finlandais des affaires internationales. De quoi être prêt pour un sommet de l'OTAN prévu fin juin à Madrid, selon les analystes.
Reste alors le processus de ratification par l'ensemble des 30 Etats membres, généralement parlementaire.
"Pour l'instant il est difficile de voir un pays qui essaierait vraiment de ralentir ou d'arrêter le processus", note Charly Salonius-Pasternak.
L’inconnue de la Croatie
Un pays pourrait toutefois profiter de l'occasion pour négocier son soutien.
Le président de la Croatie Zoran Milanovic a appelé le Parlement de son pays à rejeter l'adhésion tant que la Bosnie voisine ne réformerait pas une loi électorale.
Au total, le processus d'adhésion a pris une année pour le 30ème membre, la Macédoine du Nord.
Le ministre finlandais des Affaires étrangères Pekka Haavisto a estimé le 10 mai que la date la plus précoce à ses yeux pour entrer dans l'Otan serait en octobre.
Quelle réponse russe?
Avant même la guerre en Ukraine, Moscou a mis en garde la Suède et la Finlande contre les
"conséquences politiques et militaires d'une adhésion".
Voir : [À Vrai Dire] La Russie a t-elle été flouée par une extension graduelle de l’OTAN à l’est ?
Joakim Paasikivi, enseignant en stratégie militaire à l'Ecole supérieure de défense de Suède, s'attend à
"une rhétorique russe agressive et menaçante", ainsi qu'à des actes
"hybrides comme des cyberattaques, plus graves que celles que nous avons connu par le passé", visant le système financier ou les infrastructures énergétiques, ou encore des violations des frontières aériennes ou maritimes.
Les experts interrogés par l'AFP jugent très improbable voire exclu le scénario d'une attaque militaire, notamment parce que l'armée russe est largement mobilisée en Ukraine.
Toujours selon Charly Salonius-Pasternak, Moscou pourrait imaginer bloquer le processus d'adhésion
"en occupant une île ou une portion de territoire", la Russie ayant
"récemment pris des décisions ne semblant pas très rationnelles dans notre perspective".
"Mais je pense que les pays de l'OTAN verraient venir et que cela ne serait pas trop difficile pour la Finlande à gérer militairement" conclu le chercheur à l'Institut finlandais des affaires internationales.