La Russie a repris ce 2 novembre sa participation à l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes après avoir reçu des "garanties écrites" de la part de l'Ukraine sur la démilitarisation du couloir utilisé pour leur transport. Une annonce qui a calmé les cours mondiaux de céréales qui s’étaient envolés en début de semaine.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est garant de l'accord céréalier, crucial pour l'approvisionnement alimentaire mondial, a confirmé la reprise à partir du 2 novembre à la mi-journée des exportations ukrainiennes en mer Noire via le couloir sécurisé.
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"La Russie considère que les garanties reçues jusqu'à présent semblent suffisantes et reprend la mise en œuvre de l'accord", a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, autre garant de l'accord, a salué
"chaleureusement" la décision de la Russie.
Moscou avait suspendu le 29 octobre sa participation à l'accord céréalier après une attaque menée aux drones sur sa flotte basée en baie de Sébastopol, en Crimée annexée. L'armée russe a imputé cette opération à l'Ukraine avec l'aide
"d'experts britanniques" et assuré qu'elle avait été menée notamment depuis le couloir maritime réservé aux exportations ukrainiennes.
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Une série d'appels téléphoniques ces derniers jours entre responsables russes et turcs, notamment le 1er novembre entre Recep Erdogan et le président Vladimir Poutine, et l'intercession de l'ONU, semble avoir convaincu Moscou de revoir sa position.
"Grâce à l'implication d'une organisation internationale, ainsi qu'à la coopération de la Turquie, des garanties écrites nécessaires ont été obtenues de la part de l'Ukraine sur la non-utilisation du couloir humanitaire et des ports ukrainiens désignés pour l'exportation de produits agricoles pour des actes hostiles contre la Russie", indique l'armée russe.
Vladimir Poutine a toutefois affirmé dans une allocution diffusée en direct à la télévision russe que Moscou
"se réserve le droit de se retirer de cet accord en cas de violation de ces garanties par l'Ukraine".
Baisse du cours mondial des céréales
Malgré ce bémol, l’annonce a eu un effet immédiat sur les cours mondiaux des céréales qui s’étaient envolés en début de semaine.
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Le blé était retombé à 340,50 euros la tonne vers 13H30 GMT sur Euronext, en recul de 4,8% par rapport à la clôture mardi. Le colza avait chuté de 2% à 657 euros la tonne, et le maïs, très volatil, baissait d'1,5% à 332,75 euros la tonne.
Peu après l'ouverture à la Bourse de Chicago, le prix du blé de variété SRW cotait 8,43 dollars le boisseau, en baisse de 6,59%. Le maïs à 6,835 dollars perdait 2,04% et le soja cédait 0,54% à 14,28 dollars.
Le corridor, ouvert mi-juillet, a permis l'exportation de près de 10 millions de tonnes de céréales ukrainiennes coincées dans les ports de la mer Noire depuis le début du conflit, selon le Centre de coordination conjointe à Istanbul.
Le blé cristallise les tensions
À chaque secousse géopolitique, c'est sur le blé que s'expriment toutes les inquiétudes, même si le maïs représente près de la moitié des grains exportés par bateaux.
"Son prix monte plus haut car il sert à l'alimentation humaine" et non pas animale, explique Sébastien Poncelet du cabinet Agritel.
De nombreux pays européens comme l'Espagne ou l'Italie espèrent cependant s'approvisionner en maïs ukrainien, après une récolte déplorable à cause de la sécheresse.
La guerre continue aussi d'entraver les semis de blé en Ukraine: les surfaces semées devraient être environ 40% moins importantes que l'an dernier, explique Sébastien Poncelet, même si la saison n'est pas encore terminée.
À ces inquiétudes s'ajoutent d'autres problèmes liés notamment au climat, comme la dégradation de la récolte de blé en Argentine, qui pâtit à la fois de la sécheresse et de fortes gelées. La Bourse de Rosario a encore révisé à la baisse son estimation de production annuelle de blé à 13,5 millions de tonnes contre 22 millions l'an dernier, ce qui marquerait un plus bas depuis sept ans.
Selon le cabinet Agritel, cette piètre quantité pousse le gouvernement argentin à vouloir
"sécuriser son marché intérieur et à réfléchir à des mesures" pour éviter que tout le blé ne parte à l'export.
De plus, les premières estimations sur la qualité du blé d'hiver américain qui sera récolté en 2023 sont les plus mauvaises jamais enregistrées à cette date, explique Sébastien Poncelet.
"La première note de la saison marque les esprits, même si ça peut encore largement s'améliorer", souligne l'analyste.