Guerre en Ukraine : les matières premières en ébullition

Résultat de l'invasion de l'Ukraine et des lourdes sanctions imposées à la Russie, un certain nombre de matières premières stratégiques n'ont jamais coûté aussi cher ! Flambée des cours des hydrocarbures mais aussi d'un certain nombre de métaux : où en est-on et avec quelles conséquences ? 
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Station service en Allemagne Guerre Russie Ukraine
L'une des conséquences de la guerre en Ukraine, la flambée des matières premières. Ici, en Allemagne, les prix exorbitants des carburants à la pompe le 7 mars 2022.
© AP Photo/Martin Meissner
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Gaz et pétrole au sommet

Les consommateurs européens commencent à subir l'une des conséquences économiques très concrètes de la guerre en Ukraine lancée le 24 février par le président russe Vladimir Poutine. En France, le très médiatique patron des magasins de distribution qui portent son nom, Michel-Edouard Leclerc, l'annonce le 7 mars : "les prix de l'essence vont augmenter de huit à dix centimes cette semaine". Des prix déjà très élevés en raison de la reprise économique post-Covid19. Au sein de l'Union européenne, la barre des 2 euros le litre est déjà franchie dans la plupart des stations-services, et c'est du jamais vu.

La Russie est l'un des premiers producteurs mondiaux de gaz et de pétrole, et les investisseurs s'affolent d'éventuelles ruptures d'approvisionnement en hydrocarbures. Pour l'instant, les sanctions économiques évitent soigneusement le secteur de l'énergie, mais les Etats-Unis, moins dépendants que l'Europe grâce à leur production nationale et leurs autres sources d'approvisionnement, évoquent désormais une interdiction d'importer du pétrole russe.

► La Russie est le deuxième exportateur mondial de brut. Les cours du pétrole, qu'il s'agisse du Brent de mer du Nord ou du WTI américain, se sont approchés le 7 mars de leurs plus hauts historiques, dépassant brièvement 130 dollars le baril pour la première fois depuis 2008.

► Le prix du gaz atteint le même jour un record historique en Europe, à 345 euros le mégawattheure. L'Union européenne importe 40% de son gaz de Russie.

Les produits agricoles au plus haut

Champ de vlé en Russie AP Juillet 2021
Champs de blé dans le sud de la Russie, juillet 2021.
© AP Photo/Vitaly Timkiv, File

► La Russie, devenue en 2018 le premier exportateur mondial de blé, est "cruciale" pour alimenter la planète mais les capacités d'exportation de l'Ukraine inquiètent également. Les deux pays sont un "grenier à céréales" pour le reste du monde.
En Europe, le cours du blé flambe depuis le début du conflit pour atteindre ce lundi 7 mars un prix inédit, à 450 euros la tonne. Au 1er mars, la tonne était autour de 350 Euros !
L'approvisionnement en céréales des pays comme l'Egypte, l'Algérie ou d'Afrique sub-saharienne, de plus en plus dépendants des blés russes et ukrainiens, "risque de poser problème si les bateaux transportant les blés originaires de la mer Noire sont arrêtés" avertit Philippe Chotteau, chef économiste de l'Institut de l'Élevage à Paris.

"Le Liban dépend à 50% pour son alimentation du blé russe et ukrainien. C'est dire si pour certains pays, cela va être plus dramatique que pour nous, les hausses de prix. Là-bas, ce seront des pénuries", craint aussi Christiane Lambert, présidente de la première organisation représentant les agriculteurs en Europe, la Copa-Cogeca.

► L'Ukraine, quatrième exportateur mondial de maïs, était en passe de devenir le 3e exportateur de blé derrière la Russie et les Etats-Unis.
D'autres pays exportateurs, comme la Bulgarie, prennent des mesures pour limiter les exportations. La Hongrie a même interdit les ventes à l'étranger de céréales, ce qui contribue à resserrer l'offre d'un marché déjà très tendu avant l'invasion.

► Selon le cabinet spécialisé Agritel, "c'est sur l'huile de tournesol que pèse le plus grand danger". Célèbre pour ses champs de tournesol à perte de vue, l'Ukraine est premier producteur mondial de l'oléagineux et premier exportateur mondial de son huile et "la situation est très tendue sur le marché mondial des huiles", analyse Sébastien Poncelet, expert chez Agritel.

Métaux : automobile et aéronautique en première ligne

Les métaux industriels "les plus exposés" aux sanctions de la Russie par la communauté internationale sont l'aluminium, le nickel et le palladium, estime le centre d'analyse Capital Economics.

► Le groupe russe Rusal est le deuxième producteur industriel d'aluminium du monde. Ce métal a atteint un nouveau record historique ce lundi 7 mars sur la Bourse des métaux de Londres (LME), à 4.073,50 dollars la tonne.

► Ce mardi 8 mars au matin, le marché londonien des métaux (London Metal Exchange, LME) a suspendu la cotation du nickel dont le prix, qui avait déjà battu un record lundi en raison de craintes sur l'approvisionnement russe, a brièvement dépassé 100.000 dollars la tonne. En Russie, pour le nickel, il y a Nornickel Norilsk, dirigé par l'oligarque Vladimir Potanine. En 2019, la Russie était le troisième producteur de minerai de nickel derrière l'Indonésie et les Philippines, mais elle est en deuxième position pour le nickel raffiné, derrière la Chine. 
Après l'invasion militaire, Capital Economics estime que 7% du marché mondial du nickel raffiné "pourrait être affecté" par d'éventuelles sanctions. Or, le métal, qui bat aussi des records sur les marchés, est l'un des plus demandés sur la planète dans les usines de batteries électriques, censées permettre à l'industrie automobile d'abandonner le pétrole.

► Pour le palladium, qui décroche également un record absolu à 3.442,47 dollars l'once le 7 mars, dont la Russie contrôle 50% du marché mondial, l'automobile est aussi en première ligne. Il est utilisé pour la fabrication des pots catalytiques. 

► Le titane, métal prisé des avionneurs pour sa légèreté et sa très haute résistance, est également un enjeu indirect du conflit. La société russe VSMPO-Avisma, fondée en 1941 dans l'Oural, est le premier fournisseur de l'aéronautique mondiale, selon le directeur général du motoriste aéronautique français Safran, Olivier Andriès, qui dit disposer de "quelques mois de stocks" devant lui.