Guerre en Ukraine : pourquoi l’aciérie Azovstal est-elle devenue le dernier bastion de Marioupol ?

Quand les Russes ont conquis la majeure partie de Marioupol, les centaines de civils et soldats ukrainiens encore sur place se sont réfugiés dans le site métallurgique d’Azovstal. L’aciérie, utilisée depuis plus de deux mois comme forteresse, était jusqu’alors l’une des plus grandes aciéries d’Europe.

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L'usine métallurigique d'Azovstal
L'usine métallurigique d'Azovstal vue depuis la banlieue est de Marioupol, le 23 février 2022.
AP/ Sergei Grits
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Onze kilomètres carrés. Avant la guerre et la prise de Marioupol, l’immense site d’Azovstal faisait partie des plus gros fournisseurs d’acier d’Europe. Aujourd’hui, le complexe industriel sert de dernier bastion de résistance pour les soldats et civils qui n’ont pas pu ou pas voulu fuir leur ville.

Des kilomètres de souterrains 

Site peu accueillant et très vaste, pourquoi avoir choisi l’aciérie comme lieu de repli ? « C'est un des lieux les plus protégés de la ville, » explique Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). « Il y a des bunkers. Sous le site, il y a aussi près de 20 kilomètres de souterrains qui se situent à 30 mètres du sol, permettant une résistance féroce et rendant l'assaut des Russes particulièrement compliqué.»

Vue satellite du site métallurgique d'Azovstal à Marioupol
Vue satellite du site métallurgique d'Azovstal à Marioupol, dernier bastion de résistance ukrainienne.
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Cela fait alors plusieurs mois que les soldats de Moscou cherchent à prendre possession de l’usine éminemment stratégique dans la conquête de Marioupoul. En vain. Mais jusqu’à quand la résistance peut-elle tenir ? « On parle de 10 000 à 12 000 militaires russes qui participent au siège autour de l’usine, face à quelques centaines de soldats ukrainiens, jusqu’à 400 peut-être, dans l’aciérie », estime Emmanuel Dupuy.

La présence de civils sur place a toutefois entrainé la mise en place de couloirs humanitaires pour permettre leur évacuation.
Plus d'une centaine de civils ont pu être exfiltrés selon le président ukrainien Zelensky, ajoutant que les premiers évacués arriveraient à Zaporijjia, ville située à l'ouest de Marioupol.
L'ONU a confirmé que cette opération, menée en coordination entre l'Ukraine, la Russie et le Comité international de la Croix Rouge (CICR), se poursuivait.

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Violation de cessez-le-feu

Parallèlement à la mise en place de couloirs humanitaires, le Kremlin a assuré que l'armée russe respectait un cessez-le-feu unilatéral pour permettre l’évacuation. Les Ukrainiens ont cependant rapidement accusé les Russes de ne pas respecter la trêve militaire. « La Russie essaie d’anéantir les derniers défenseurs du site. […] Les occupants russes sont occupés à bloquer et essayer d'anéantir les unités ukrainiennes sur le territoire d’Azovstal », a dénoncé l’armée ukrainienne le 5 mai au matin, sensée être le premier jour du cessez-le-feu.

La seule volonté russe est de prendre la possession du site pour y planter symboliquement un drapeau russe. Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)

Selon les autorités militaires ukrainiennes, les troupes de Moscou auraient « repris l’offensive avec le soutien d'avions pour prendre le contrôle de l’usine ».
Le maire de Marioupol, Vadim Boïtchenko, parle même de la présence « d'artillerie lourde, de chars (et) d’aviation » ainsi que « des navires qui se sont approchés » des côtes, la partie sud de l'usine bordant la mer d’Azov.

Comme depuis le début du conflit, les versions s’opposent d'un camp à un autre : « Le président Vladimir Poutine avait annoncé qu'il ne voulait pas lancer d'assaut sur Azovstal, tout en ordonnant  qu'aucune mouche ne puisse sortir de la nasse de l'usine où se trouvent les soldats ukrainiens. C’est la raison pour laquelle les Russes accusent les Ukrainiens d’avoir déclenché l’assaut et que les Russes ont simplement répondu. »

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L’étau se resserre de jour en jour à Azovstal. Le président Zelensky a fait appel au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres pour aider à « sauver » les blessés se trouvant sur le site de l’aciérie.
Les Russes n’ont cependant jamais été aussi proches de faire tomber Marioupol : « La seule volonté russe est de prendre la possession du site pour y planter symboliquement un drapeau russe, afin que l'opinion public sache que désormais 100% de la ville est entre leurs mains. » analyse le spécialiste.
Les Russes prévoient déjà d’organiser un défilé militaire de victoire le 9 mai dans les rues de la ville portuaire, jour où la Russie célèbre chaque année sa victoire sur l'Allemagne nazie.