Fil d'Ariane
La Cour internationale de justice (CIJ), plus haut tribunal des Nations Unies, a été saisie par l’Ukraine deux jours après le début de l’invasion russe. Après plusieurs jours d’audience, la CIJ a finalement rendu sa décision, le 16 mars, et ordonné à la Russie de mettre un terme à ses opérations militaires en Ukraine.
LIRE ICI: un résumé de l'ordonnance de la #CIJ en indication de mesures conservatoires en l’affaire relative à des Allégations de génocide au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (#Ukraine c. #Russie) https://t.co/NOYrDbEaw3 pic.twitter.com/7I01rvSb5x
— CIJ_ICJ (@CIJ_ICJ) March 16, 2022
Mais si les jugements de la CIJ sont censés être contraignants, la Cour n’a aucun moyen de faire appliquer ses ordres, qui n’ont donc qu’une valeur symbolique. Moscou, qui avait refusé de comparaître lors des audiences tenues sur l'affaire, les 7 et 8 mars derniers, a ainsi balayé la décision de la CIJ d’un revers de la main.
"Nous ne pourrons pas tenir compte de cette décision", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Dans un document écrit, la Russie a même réfuté la compétence de la cour sur l'Ukraine.
Face à la défiance de la Russie, la France a pris position et "salué", jeudi 17 mars, la décision de la Cour internationale de justice. Elle s'est dite prête à "intervenir" dans l'examen des "graves violations" du droit international imputées à Moscou.
Cette annonce française constitue un développement significatif dans l'examen de l'affaire par la CIJ. "L'intervention de la France constitue l'un des actes les plus forts qu'un État peut entreprendre pour soutenir l'Ukraine face aux violations du droit international par la Russie", relève Melanie O'Brien, professeur de droit international à l'Université d'Australie occidentale.
(Re)lire : la CIJ ordonne à Moscou de suspendre son invasion en Ukraine
De telles interventions sont "rares" à la CIJ et dans le cas présent, celle de la France pourrait être "suivie d'autres", note Cecily Rose, professeur à l'Université de Leyde, aux Pays-Bas. Des prises de position fortes, mais qui restent peu contraignantes pour Moscou.
La CIJ n’est pas la seule instance internationale à se dresser contre la Russie. Le 2 mars, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine : “Je suis convaincu qu'il existe une base raisonnable de croire que les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité allégués ont bel et bien été commis dans ce pays” a-t-il affirmé.
(Re)voir : justice internationale : Karim Khan élu procureur de la Cour pénale internationale
Il s’est engagé à inclure dans son enquête “toute nouvelle allégation de crime relevant de la compétence” de la CPI, “commis par toute partie au conflit sur quelque partie du territoire ukrainien que ce soit, et ce, de manière suivie.” Mais que peut-on vraiment attendre de cette enquête ? La procédure s’annonce longue.
Procureur #KarimAAKhanQC était en #Ukraine aujourd'hui. Lors d'une réunion avec Procureur général Iryna Venediktova, discussions sur le renforcement de la coopération à l'appui des enquêtes indépendantes du Bureau: «Cette enquête nécessite la coopération de tous les acteurs.» pic.twitter.com/8Rfj6Yraf7
— CPI-Cour pénale int. (@CourPenaleInt) March 16, 2022
Grâce à l’appui de 39 États parties, la procédure préliminaire a été accélérée, mais le processus s’annonce, malgré tout, très long. Pour l’heure, la CPI réalise un travail de collecte de preuves pour les chefs de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, commis depuis novembre 2014 et sans limite dans le temps.
Mais avant que des poursuites soient envisagées, il pourrait se passer des années. Et un procès n’assure pas de résultat : la Russie s’est retirée de la CPI en 2016, ce qui empêche la Cour de poursuivre des Russes sur le territoire de la Fédération de Russie. Quant à Vladimir Poutine, il semble intouchable tant qu’il reste président.
(Re)lire : justice internationale : "La CPI n'a connu que des procès africains, mais le futur devrait être différent"
La CPI a tout de même un moyen de pression, même s’il reste hypothétique et encore lointain. Car si la Cour venait à délivrer un mandat d’arrêt contre le président russe, Vladimir Poutine pourrait se trouver sérieusement entravé dans ses déplacements : en se rendant dans un État partie de la CPI, il risquerait d’être arrêté. Mais pour le moment, les actions de la justice internationale restent surtout symboliques, et ne semblent pas avoir d’effet sur le président russe.