Fil d'Ariane
Le président russe serait prêt à un conflit “prolongé” en Ukraine, misant sur la capacité de son peuple à accepter les sacrifices de la guerre longue, affirme ce mardi la directrice du renseignement national américain. Ses analyses se sont révélées plutôt fiables par le passé et permettent de sonder les intentions de Vladimir Poutine.
Le 22 avril dernier, la CIA livrait des prévisions sur les ambitions de Moscou en Ukraine et dans le monde en 2022, à l’occasion de la sortie de l’ouvrage “Les Nouvelles Menaces sur notre monde vues par la CIA", (Éditions Équateurs, 2022). Ces prévisions des renseignements américains sont d’autant plus intéressantes qu’ils étaient parmi les premiers à prédire une invasion russe en Ukraine en février dernier.
Ukraine : quel rôle joue la CIA dans le conflit ?
Près d'un mois plus tard, ce mardi 10 mai, la directrice du renseignement américain, Avril Haines, affirmait devant les sénateurs que le président russe Vladimir Poutine semblait se préparer à un "conflit prolongé" en Ukraine. Qu’est-ce que cela veut-il dire ?
Vladimir Poutine espère que la détermination des États-Unis et de l'Union européenne s'affaibliront à mesure que les pénuries alimentaires, l'inflation et les coupures d'énergie s'aggraveront.Avril Haines, directrice du renseignement américain.
La Russie se dit plus disposée et capable à assumer les conséquences à long terme de la guerre que ses adversaires, a déclaré Avril Haines aux sénateurs ce mardi. Vladimir Poutine "espère que la détermination des États-Unis et de l'Union européenne s'affaibliront à mesure que les pénuries alimentaires, l'inflation et les coupures d'énergie s'aggraveront", a-t-elle ajouté.
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Face à la détermination russe, les Ukrainiens sont aussi dans une logique de reconquête. La voie diplomatique semble difficile à imaginer, selon Avril Haines.
Le lieutenant-général Scott Berrier, chef de la Defense Intelligence Agency, évoque même “une impasse sur le champ de bataille.” Une impasse d’autant plus grande que les ambitions de Poutine ne semblent pas coïncider avec les capacités de l’armée russe. De fait, la guerre pourrait devenir “plus imprévisible et mener les deux belligérants à l’escalade”, s’inquiète Avril Haines.
La stratégie russe inclut la consolidation du contrôle d'un pont terrestre reliant la Russie, le Donbass et la Crimée, selon les déclarations d’Avril Haines. “Vladimir Poutine veut faire la jonction entre la Crimée et les territoires conquis autour de la Crimée.”(...), détaille Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) .
Il va petit à petit grignoter le territoire pour aboutir à une sorte de cohérence géographique. Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)
“Il va, petit à petit, grignoter le territoire pour aboutir à une sorte de cohérence géographique”, ajoute-t-il. “Concrètement, et c’est ce que nous dit Haines, il va focaliser son attention sur Odessa, au large de la Crimée et semer une forme de halo autour de Kherson, où Internet a été coupé. À Marioupol, il va donner l’impression que la cité est en train de renaître de ses cendres”, a-t-il ajouté.
Selon les renseignements américains, l'objectif de Poutine est d'étendre un pont terrestre vers la Transnistrie, comprenant la prise d’Odessa. Cette région séparatiste est reconnue par la communauté internationale comme faisant partie de la Moldavie. Mais cette tentative a peu de chances d'aboutir, selon les renseignements américains.
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Dans cette stratégie, "le prochain mois ou les deux prochains mois de combats seront significatifs pour Vladimir Poutine. Les Russes tentent de revigorer leurs efforts", affirme Avril Haines.
Les menaces nucléaires de la Russie sont des tentatives pour dissuader l'Occident de fournir à Kiev une aide plus meurtrière, explique Avril Haines. Mais si Washington ignore ces menaces, Poutine pourrait autoriser une nouvelle série d'exercices d'armement nucléaire, a ajouté Avril Haines. Ces exercices pourraient impliquer des missiles intercontinentaux mobiles, des bombardiers lourds et des sous-marins stratégiques.
Nous continuons par ailleurs à penser que Poutine n'autoriserait probablement l'utilisation d'armes nucléaires que s'il percevait une menace existentielle. Avril Haines, directrice du renseignement américain
"Nous continuons par ailleurs à penser que Poutine n'autoriserait probablement l'utilisation d'armes nucléaires que s'il percevait une menace existentielle", a-t-elle nuancé. Poutine pourrait considérer la perspective d'une défaite en Ukraine comme constituant une telle menace. "Nous pensons que Poutine pourrait percevoir la menace comme existentielle s'il a l'impression de perdre la guerre en Ukraine et que l'OTAN est sur le point d'intervenir dans ce contexte", a déclaré Avril Haines.
A la suite de ces conclusions avancées par le renseignement américain, la Chambre des représentants a approuvé ce mardi 10 mai un programme d'aide de 40 milliards de dollars comprenant près de 15 milliards de dollars d'équipement militaire, de formation, de soutien au renseignement et de salaires pour l'armée ukrainienne.