Fil d'Ariane
L'annonce par le Qatar le 9 novembre de la suspension de sa médiation entre Israël et le Hamas a anéanti les espoirs d'un accord de trêve dans la bande de Gaza et de libération des otages retenus dans le territoire palestinien.
Le ministre des Affaires étrangères du Qatar Mohammed ben Abdoulrahmane Al Thani lors d'un point presse avec Antony Blinken, à Doha en octobre 2023.
Le riche État du Golfe, qui abrite le bureau politique du Hamas et une importante base américaine, a joué un rôle clé dans les négociations indirectes menées depuis l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien en Israël le 7 octobre 2023.
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Ces pourparlers, menés avec deux autres pays médiateurs - États-Unis et Égypte - visent à obtenir la libération des otages retenus à Gaza et à mettre fin à une guerre qui a fait plus de 43.600 morts dans le territoire palestinien. Mais samedi 9 novembre, le ministère qatari des Affaires étrangères a annoncé que Doha avait suspendu sa médiation jusqu'à ce que les belligérants fassent preuve de "sérieux" dans les discussions.
Depuis une pause d'une semaine dans les combats fin 2023, associée à la libération de dizaines d'otages, les discussions sont dans l'impasse.
Début novembre, le Hamas a rejeté une proposition de trêve à court terme, exigeant un cessez-le-feu durable. Israël, de son côté, a promis de poursuivre la guerre jusqu'à atteindre son objectif d'anéantir le Hamas et de ramener les otages chez eux.
Le Qatar se présentait comme le seul pays à se présenter comme un acteur neutre si l'on considère le fait que l'Égypte a une frontière commune avec la Gaza et que les États-Unis sont le principal soutien d'Israël. Il a déjà joué les médiateurs dans d'autres conflits internationaux, notamment en Ukraine où il a contribué à la réussite d'échanges de prisonniers, en Syrie et en Afghanistan.
Les négociations sur Gaza ont besoin d'un intermédiaire et "je ne vois pas comment ce pourrait être quelqu'un d'autre", affirme Andreas Krieg, du King's College de Londres. Les pourparlers sont toutefois à un stade "où il n'y a plus de processus de négociation", explique-t-il. Le Hamas a été "affaibli" par les assassinats de ses dirigeants, Yahya Sinouar en octobre et Ismaïl Haniyeh en juillet, poursuit ce spécialiste du Moyen-Orient, en soulignant la difficulté de "maintenir un processus de négociation après la mort des principaux interlocuteurs".
Selon Anna Jacobs, du groupe de réflexion International Crisis Group, le mouvement palestinien "estime qu'il a déjà accepté un plan de cessez-le-feu américain durant l'été". Mais cette proposition n'a jamais abouti à un accord. Le Hamas considère que les Israéliens "sabotent les négociations en ajoutant constamment de nouvelles conditions", notamment le maintien d'une présence militaire à Gaza, affirme l'analyste.
Le ministère qatari des Affaires étrangères a rejeté le 9 novembre les affirmations selon lesquelles Doha pourrait fermer le bureau du Hamas dans le pays. "L'objectif principal du bureau au Qatar est d'être un canal de communication entre les parties concernées, et ce canal a contribué à obtenir un cessez-le-feu" précédemment, a déclaré son porte parole, Majed al-Ansari.
Un haut responsable du Hamas a affirmé à l'AFP que le mouvement n'avait reçu aucune demande de quitter le Qatar. Une source diplomatique avait affirmé auparavant à l'AFP qu'avec le retrait du Qatar de son rôle de médiateur, le bureau du Hamas "n'a(vait) plus de raison d'être".
Compte tenu des démentis du Qatar et des responsables du mouvement, "il est peu probable qu'il y ait une grande fermeture publique du bureau du Hamas, et une expulsion de ses dirigeants", estime Anna Jacobs. En avril, le Qatar avait déjà fait part de son mécontentement au Hamas, incitant ses membres à se tourner vers la Turquie, avant de revenir deux semaines plus tard à la demande des États-Unis et d'Israël.
Le Hamas semble aujourd'hui dans les "limbes", sous une pression qui pourrait s'accentuer dans les semaines à venir et le pousser à s'installer probablement en Iran, dit Andreas Krieg. La Turquie a été présentée comme un hôte potentiel, mais il est peu probable que ce pays membre de l'Otan veuille contrarier les États-Unis, ajoute-t-il.
Pour Anna Jacobs, les dirigeants du mouvement pourraient rester en dehors du Qatar "jusqu'à ce que des négociations plus sérieuses reprennent". Le Qatar avait dit en avril réévaluer son rôle de médiateur après avoir fait l'objet de critiques, notamment d'hommes politiques israéliens et américains.
Doha a signalé sa volonté de reprendre ses efforts lorsque les conditions le permettront, mais il veut montrer qu'il est "prêt à user de tout (son) poids et de toute (son) influence sur le Hamas", affirme Andreas Krieg.