Fil d'Ariane
Le chef de la junte militaire de Guinée Conakry, le capitaine Moussa « Dadis » Camara, dans un camp militaire à Conakry, le lundi 9 mars 2009. "Nous devons nettoyer notre maison de fond en comble. Seuls les militaires peuvent le faire. Ce n'est qu'une fois notre maison nettoyée que nous pourrons organiser des élections."
Évadé ou enlevé ? L'extraction samedi de prison de Moussa Dadis Camara est un soubresaut de plus dans la trajectoire extravagante du petit capitaine, devenu dictateur associé à l'une des pages les plus sombres de l'histoire de la Guinée.
Moussa Dadis Camara, 58 ans, détenu à Conakry depuis septembre 2022, a été emmené par un commando armé, sans qu'apparaisse clairement s'il s'est évadé ou a été extrait de force.
Le capitaine Dadis Camara, 58 ans, était emprisonné depuis l'ouverture du procès historique d'un massacre commis en 2009 sous sa présidence. Il y répondait avec dix co-accusés de cette tuerie sans laquelle son éphémère passage au pouvoir serait resté dans les mémoires pour les prestations télévisées saugrenues où il humiliait des faire-valoir.
Un retour de cette destinée qu'il invoque constamment, qui a fait d'un obscur officier un chef d'Etat incongru, et d'un chef d'Etat un criminel présumé.
Il était président ce 28 septembre 2009 et les jours suivants quand les Bérets rouges de sa garde, des soldats, des policiers et des miliciens ont assassiné dans un stade de Conakry et alentour des dizaines de personnes réunies pour le dissuader de se présenter à la présidentielle prévue en janvier 2010. Des dizaines de femmes y ont été violées.
Le capitaine Camara et un groupe d'officiers s'étaient emparés du pouvoir le 23 décembre 2008 après l'annonce de la mort du président Lansana Conté. "Sans effusion de sang", insiste-t-il.
Le lendemain, il s'autoproclamait président. Aucun civil ne pouvait gérer ce pays gangréné par la corruption et dirigé depuis l'indépendance par des autocrates, justifiera-t-il ensuite.
Le capitaine Camara était alors un inconnu, un Guerzé, ethnie de Guinée forestière, très loin de Conakry. Son père, analphabète selon lui, était paysan. "Moi, je suis un homme du peuple (...) je suis né dans une case", martèle-t-il une fois au sommet.
Après des études universitaires insignifiantes, il est entré en 1990 dans cette institution primordiale qu'est l'armée, où il a fait carrière dans l'intendance.
C'est son engagement en 2007 et 2008 dans des mutineries pour des questions de soldes qui lui a valu le ralliement d'un certain nombre de camarades, disent ces derniers.
"Je suis le père de la Nation, c'est ce que le destin aussi a voulu", lance-t-il en 2009.
Au début, son discours pour le peuple lui vaut l'adhésion de nombreux Guinéens. Il fait au président et voisin sénégalais Abdoulaye Wade l'impression d'un "jeune pur qui veut bien faire".
Un officier dort en attendant le chef de la junte militaire, le capitaine Moussa 'Dadis' Camara, dans une salle d'attente adjacente à sa chambre dans un camp militaire à Conakry, le lundi 9 mars 2009. Personne ne semble savoir pourquoi le président dort toute la journée et sort la nuit, mais certains murmurent qu'il craint un contre-coup d'État la nuit.
Invariablement ceint de sa tenue de camouflage, béret rouge sur la tête, il met en scène son autorité devant les foules et les caméras. Vociférant ou plaisantant, le regard intense, il traite devant tout le monde un homme d'affaires russe de voleur, fait la leçon aux diplomates étrangers, suspend en direct le directeur général des douanes. C'est le "Dadis Show", exalté et confus.
Rapidement, la multiplication des arrestations et le flou entretenu par le capitaine Camara sur ses intentions en vue de la présidentielle sèment la division. Sa santé mentale est mise en doute.
Le 28 septembre 2009, l'incongru tourne au tragique. Lui dit avoir été "débordé" par des hommes hors de contrôle. Il continue à parler à la troisième personne et assure que "le président Dadis était dans son bureau", celui où il travaille au milieu de portraits de lui-même, dans le camp militaire Alpha Yaya Diallo.
Le 3 décembre, son aide de camp lui tire dans la tête parce qu'il aurait tenté de faire peser toutes les charges sur lui. Il est évacué vers le Maroc puis le Burkina Faso où, en janvier 2010, sur médiation ouest-africaine, il renonce à gouverner.
En exil, forcé à l'abstinence politique, il se convertit au christianisme. Il annonce sa candidature à la présidentielle de 2015 mais est rattrapé la même année par le 28-Septembre, inculpé et empêché de se présenter.
15 janvier 2010. Le chef de la junte militaire guinéenne, le capitaine Moussa "Dadis" Camara, blessé lors d'une tentative d'assassinat six semaines plus tôt, à Ouagadougou, au Burkina Faso. Le chef militaire blessé de la Guinée a cédé vendredi à d'intenses pressions pour rester en exil temporaire au Burkina Faso, une décision qui apaisera immédiatement les craintes d’une reprise du conflit et ouvrira la voie à une transition vers la démocratie. La décision du capitaine Moussa "Dadis" Camara, après trois jours de négociations fébriles tard dans la nuit, est considérée comme une étape cruciale pour son pays, qui, selon les diplomates, aurait pu sombrer dans la guerre civile s'il était revenu.
Il rentre en septembre 2022 pour le procès. Il entend "dire (sa) part de vérité". Il connaît l'avanie d'être incarcéré.
En décembre, dix semaines après l'ouverture du procès, le "petit capitaine devenu président par le biais du destin" selon ses mots passés est appelé à déposer. En boubou sombre, son éternelle gourmette au poignet, il se répand en obséquiosités devant ce juge qu'il aurait sans doute démis sous les yeux de la Guinée entière autrefois.
Moussa "Dadis" Camara s'exprime à son arrivée d'exil à Conakry, en Guinée, le mercredi 22 décembre 2021. L'homme qui a mené un coup d'État en Guinée en 2008 et dont le bref mandat a été marqué par un massacre dans un stade contre des manifestants pacifiques est revenu en Afrique de l'Ouest, après plus d’une décennie d’exil.
Mais il retrouve sa superbe au fil du procès suivi par le pays fasciné. Il nie toute responsabilité, crie au complot et refuse de demander pardon. Il convoque les philosophes Héraclite et Emmanuel Kant, les pharaons égyptiens et Napoléon et le souvenir de son père.
"Beaucoup peuvent penser: +Ah ! Dadis Camara est fou+. Dadis Camara n'est pas fou, Dadis Camara est généreux parce que Dadis Camara reconnaît ses ancêtres".