Fil d'Ariane
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- Guy Béart est mort et la poésie est en deuil
La notoriété est cruelle. Avec le temps, Guy Béart était surtout connu pour être le père de l'actrice Emmanuelle Béart. Et pourtant, un grand artiste vient de s'éteindre, n'en déplaise aux ricanneurs qui, depuis un échange aigre-doux avec Serge Gainsbourg , associaient souvent son nom à un label de ringardise.
On peut parler de mise a mort cathodique.
Celles et ceux qui aimaient l'oeuvre de Guy Béart furent consternés. Les autres, forcément plus nombreux, plus bruyants, celles et ceux qui prisaient le scandale facile applaudissaient. Ils avaient pourtant tout faux.
L'homme qui s'est écroulé sur le trottoir à Garches, près de Paris et qui n'a pu être ranimé, était un grand poète, à l'égal de Brel et de Brassens. Mais oui. Chacune de ses chansons évoque un moment de sa vie. Ainsi, Hôtel-Dieu rend hommage à sa mère décédé :
Pour une femme morte dans votre hôpital
Je réclame, Dieu, votre grâce
Si votre paradis n'est pas ornemental
Gardez-lui sa petite place
La voix au téléphone oubliait la pitié
Alors, j'ai couru dans la ville
Elle ne bougeait plus déjà d'une moitié,
L'autre est maintenant immobile
(Hôtel-Dieu)
Né en Egypte, au Caire, il y a 85 ans, cet ingénieur des Ponts et Chaussées, Béhart de son vrai nom, aura démarré sa carrière en 1954, dans les petits cabarets parisiens enfumés de la Rive Gauche. Auparavant, il aura prêté son talent d'auteur-débutant à Patachou ("Bal chez Temporel"), Zizi Jeanmaire ("Il y a plus d'un an") et Juliette Gréco ("Qu'on est bien").
Son enfance bourlingueuse lui a appris la tolérance et l'amour du différent. Il a en effet passé son enfance au Proche-Orient, en Italie et en Grèce suivant son père, comptable de formation et surtout créateur d'entreprises.
Remarqué par Boris Vian et Jacques Canetti, directeur des Trois Baudets, ses chansons surprennent et enchantent. Epoque bénie pour un vivier de talents ! Brel, Mouloudji, Dary Cowl, Philippe Clay, Georges Brassens, Raymond Devos débutent eux-aussi à ce moment-là.
Son verbe magique portée par une voix presque impossible, cassée, voilée, et son accompagnement musical, plutôt sommaire, séduisent rapidement. La communion se fait. Le talent est là, indiscutable et alors indiscuté. Il y a chez Béart une élégance du verbe, une légèreté rafraichissante.
C'était le temps où l'on dégustait des chansons comme un grand cru. Et la télé ne se privait pas d'être une formidable caisse de résonance à ces artistes qui permettaient aux téléspectateurs de se soustraire à la pesanteur du quotidien. Il devient ainsi producteur des émissions télévisées de 1966 à 1972.
Ses chansons deviennent rapidement des classiques. Citons, en 1960, la chanson "L'Eau vive", écrite pour le film éponyme et qui devient un classique dans les familles mais aussi les cours de récréation ou les colonies de vacances.