Haïti : “Bébé Doc“, mort sans avoir été jugé

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Haïti : “Bébé Doc“, mort sans avoir été jugé
Sorte de père Fouettard dans le folklore haïtien, le “Tonton Macoute“ devint le surnom donné aux membres de la milice paramilitaire des Duvalier.
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L'ancien dictateur haïtien, Jean-Claude Duvalier, est décédé ce 4 octobre à Port-au-Prince d'une crise cardiaque, à l'âge de 63 ans. Surnommé "Bébé Doc", en référence à son père dont il avait hérité le pouvoir, il comparaissait devant la justice haïtienne pour crimes contre l'humanité. Il a donc disparu avant la fin de son procès.

Itinéraire d'un dictateur

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05.10.2014Par Liliane Charrier, avec AFP
"La famille nous a téléphoné ce matin pour envoyer un hélicoptère-ambulance après son malaise cardiaque.  Nous n'avons pas eu le temps de le transporter, on a essayé de donner des soins sur place puis on a constaté le décès." C'est par ce communiqué laconique que la ministre haïtienne de la Santé, Florence Guillaume Duperval, a annoncé la disparition de Jean Claude Duvalier ce 4 octobre 2014. Dans une première réaction, le président haïtien Michel Martelly s'est dit "attristé" par son décès ; il a adressé ses condoléances "à sa famille, à ses proches et à ses partisans à travers le pays". Dans son dernier tweet, il appelle au pardon et à l'union nationale :
Une réaction qui a choqué beaucoup d'Haïtiens, mais pas seulement :
L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, elle, déplore que la justice haïtienne n'ait pu juger "Baby Doc" avant sa mort :
Ni fleurs, ni hommages Jean-Claude Duvalier, 63 ans, dont les avocats soulignaient régulièrement la frêle santé, vivait retiré dans un quartier huppé des hauteurs de Port-au-Prince depuis son retour surprise au pays en 2011. Devant la maison où il est décédé, pas de fleurs ni d'attroupement, personne pour répondre aux questions de quelques photographes. Il avait été surnommé "Bébé Doc", après avoir hérité du pouvoir de son père François Duvalier en 1971, à l'âge de 19 ans. Il s'était alors déclaré président à vie avant d'être renversé en 1986 par une révolte populaire soutenue par la communauté internationale. Comme son père, Jean-Claude Duvalier a dirigé son pays d'une main de fer, muselant l'opposition, arrêtant les dissidents en s'appuyant sur les "Tonton Macoute". Créée en 1958 par le président François Duvalier, puis également en fonction sous son fils Jean-Claude, cette milice paramilitaire entièrement dévouée aux Duvalier faisait de l'extorsion et du crime organisé ses moyens de subsistance. Elle s'est rapidement forgé une sinistre réputation en raison des violations graves des droits de l'homme dont ils se rendirent coupables contre les opposants et les populations.                   Jean-Claude Duvalier était revenu à la surprise générale en Haïti en 2011 après avoir passé vingt-cinq ans en exil en France. Accueilli par de nombreux partisans nostalgiques, il avait alors déclaré être revenu pour "aider le peuple haïtien". Depuis son retour, de nombreuses plaintes ont été déposées contre lui, pour arrestations illégales, tortures, emprisonnements et exil forcé de ses opposants, mais aussi détournements de fonds lors de ses quinze années à la tête du pays le plus pauvre des Amériques.
Aucun procès                    En janvier 2012, un juge d'instruction avait ordonné son renvoi devant un tribunal correctionnel pour détournements de fonds, mais n'avait pas retenu les poursuites pour crimes contre l'humanité, estimant les faits prescrits. Cette décision avait provoqué l'indignation des organisations de défense des droits de l'homme et des victimes, qui avaient fait appel. En février 2014, ils obtenaient de la justice haïtienne l'ouverture d'une nouvelle enquête.                   Un juge haïtien estimait que "les actes reprochés à M. Duvalier constituaient des crimes contre l'humanité et étaient, de par leur caractère continu, imprescriptibles". Il jugeait qu'il existait de "sérieux indices relatifs à la participation indirecte et à la responsabilité pénale de Jean-Claude Duvalier". Concrètement, la justice a chargé un nouveau juge d'instruction de recueillir de nouvelles informations auprès des plaignants et d'interroger des anciens dignitaires du régime. A l'issue de cette enquête, décision devait être prise de poursuivre ou non l'ancien dictateur. "Qu'avez-vous fait de mon pays ?" Les avocats de Jean-Claude Duvalier ont dénoncé une "monstruosité juridique" et porté un recours devant la Cour de Cassation pour s'opposer à l'ouverture de cette nouvelle enquête. Après plusieurs refus de comparaître, Jean-Claude Duvalier s'était présenté pour la première fois devant la cour d'appel de Port-au-Prince en février 2013. Il avait alors recueilli les applaudissements nourris de ses partisans réunis dans la salle d'audience en déclarant "avoir fait le maximum pour assurer une vie décente à (ses) compatriotes" durant ses années au pouvoir.                   "A l'époque, le gouvernement gérait la misère, mais les entreprises publiques fonctionnaient bien (...) et les Haïtiens envoyaient leurs enfants à l'école. Je ne peux pas dire que la vie était rose, mais les gens vivaient décemment... A mon retour, j'ai trouvé un pays effrondré et rongé par la corruption. (...) C'est à mon tour de demander: qu'avez-vous fait de mon pays ?", s'était-il exclamé devant la cour.