Fil d'Ariane
Le Premier ministre haïtien Ariel Henry, dont les gangs et une partie de la population réclamaient le départ, vient d'annoncer sa démission. Le pays est sans président, depuis l'assassinat de Jovenel Moïse en 2021, sans parlement et désormais sans gouvernement. Un nouveau chapitre de la vie politique haïtienne s'ouvre. Comment peut s'organiser la transition politique dans le pays ? Analyse.
Des habitants de Port-au-Prince fuient leur quartier face aux violences des gangs armés ce 29 février 2024.
Plus de 80% du territoire échappe aux forces de l'ordre. Un puissant chef de gang, Jimmy Chérizier alias "Barbecue", a récemment menacé d'une "guerre civile" si Ariel Henry ne démissionnait pas. Le chef de gang contrôle également le port de Port-au-Prince. Selon l'Organisation internationale des migrations, 362.000 personnes sont actuellement déplacées en Haïti.
Ariel Henry à Nairobi au Kenya le 1er mars 2024. Ariel Henry dirigeait le pays depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021.
Le nouvel organisme de transition pourra-t-il organiser des élections rapidement dans un tel climat d'insécurité ? Clarence Renois plaide pour l'intervention d'une force multinationale. "La police nationale n'est plus en mesure de lutter contre l'insécurité. Des membres de la police ont été corrompus par les gangs armés. Une force issue de la communauté internationale doit être là en soutien de la police nationale", assure Clarence Renois.
Mais, pour, l'instant Washington exclut l'envoi de soldats dans le pays. Et le Kenya, qui devait être le fer de lance de la prochaine mission internationale de l'ONU, a décidé de suspendre l'envoi de ses 1000 policiers dans le pays. Nairobi estime que la mise en place d'une nouvelle instance de transition n'exige plus l'envoi de ses forces de sécurité.
Selon le spécialiste d’Haïti, Frédéric Thomas, la communauté internationale doit surtout ne pas répéter certaines erreurs du passé.
Clarence Renois, ancien candidat à la présidentielle.
"La communauté internationale a vu en Ariel Henry (le Premier ministre sortant) une solution politique. Puis, celle-ci s'est ravisée et a demandé son départ face à l'impopularité de ce gouvernement. L'arrivée d'une force multinationale ne réglera pas à long terme la question de l'insécurité. La mise au pas des gangs dépendra d'une reconstruction de l’État haïtien. Et cette reconstruction ne peut que passer par la mise en place d'un pouvoir légitime. La communauté internationale doit laisser le peuple haïtien choisir son gouvernement" , estime le chercheur.
"La communauté internationale doit comprendre que les Haïtiens doivent être libres de choisir leurs dirigeants. Il y a eu trop d'influence étrangère dans la vie politique haïtienne ces dernières années. Les résultats de cette ingérence ont été désastreux", constate aussi Clarence Renois.
Haïti : 40 ans d'instabilité politique.
1986 : le dictateur Jean-Claude Duvalier est chassé par un soulèvement populaire.
1991 : Le prêtre Jean-Bertrand Aristide, élu président en 1990, est renversé par un coup d’État militaire. Il est rétabli dans ses fonctions grâce à une intervention militaire américaine.
Réélu en 2000, Jean-Bertrand Aristide quitte à nouveau le pouvoir en 2004, sous la pression des États-Unis, de la France et du Canada. De 2004 à 2006, les affaires du pays sont gérés directement par l'ONU.
2016 : Michel Martelly, élu en 2011, finit son mandat en 2016 sans successeur, après l'annulation de la présidentielle de 2015. Le Parlement désigne un président provisoire. Jovenel Moïse est élu fin 2016.
Le 7 février 2021, le pouvoir judiciaire décrète la fin du mandat présidentiel. Jovenel Moïse estime, lui, qu'il lui reste un an au pouvoir. Le président est assassiné chez lui le 7 juillet.
En plein vide juridique, le Premier ministre Ariel Henry se maintient au pouvoir au-delà du 7 février 2022, qui devait marquer la fin du mandat du président Moïse
Le 11 mars 2024 Ariel Henry démissionne.
Une force internationale ne serait "pas suffisante", confirme l'ancien candidat à la présidentielle Clarence Renois. "Il faut que les jeunes aient un emploi et puissent vivre de leur métier. C'est le meilleur moyen d'éviter l'embrigadement de cette jeunesse dans les gangs. Mais cela passe par une aide internationale."