Haïti : des élections entre le séisme et le choléra
Les Haïtiens devaient élire dimanche 28 novembre de nouveaux dirigeants qui vont hériter d'un pays écrasé par le séisme du 12 janvier dernier, avec plus d'un million de sinistrés et une population aujourd'hui menacée par le choléra, sans illusions sur les remèdes de la classe politique. 18 candidats se présentaient pour succéder au président René Préval - qui ne peut constitutionnellement se représenter - et désigner députés et sénateurs.
Manifestation contre les Nations-Unies le 18 novembre 2010 à Port-au-Prince (photo AFP)
Près de trois cent mille tués dans le séisme du début de l’année. Toujours un million et demi de sans-abri ou réfugiés sous tentes. Un État détruit ; une administration - littéralement - en ruine, et en ruines. Un pouvoir sous la tutelle de bailleurs de fonds. Un territoire quadrillé par une armée onusienne elle-même impuissante, entourée de centaines d’organisations dites humanitaires souvent peu contrôlables. Un cyclone. Le choléra. Plus de mille six cents décès aujourd’hui. Des centaines de milliers de cas redoutés à moyen terme. Un climat de peurs, de tension et de méfiance à l'égard d'une force des Nations-Unies mal perçue car objectivement occupante et aujourd'hui accusée, peut-être non sans raisons, d'avoir apporté la maladie d'Asie. Et l’élection. Dix huit candidats aujourd’hui (il y en eut plus ; certains ont été invalidés, d’autres ont abandonné) pour un fauteuil présidentiel dont on ne discerne pas précisément ces jours-ci le caractère enchanteur.
Il est pourtant convoité et la compétition bien réelle, devenue même – sporadiquement et localement – meurtrière : deux tués dans le sud-ouest du pays, des affrontements dans le Nord. PASSER L'ÉLECTION Et si des voix se sont élevées pour demander le report de l’élection au motif des circonstances, elles n’ont guère été entendues au soulagement d’une communauté internationale (États-Unis, France, Canada, ONU, UE …) désireuse de voir cette étape au moins franchie. En temps de drames comme en temps de paix, la politique revêt en Haïti une dimension singulière nullement atténuée par l’incapacité évidente des élus – ou leur peu d’empressement - à améliorer le sort de leur peuple. On aurait tort de voir dans ce goût insistant pour la chose publique la seule expression d'une naïveté culturelle.
Conséquence d’une histoire marquée de dictatures et d’occupations étrangères : si les Haïtiens ont abandonné l'essentiel de leurs illusions quant à l'abnégation de leurs élites, ils n'en conservent pas moins, et parfois avec rage, le désir de peser sur leur destin et l'attachement à une liberté sans doute relative mais chèrement conquise. Alors que leur souveraineté nationale ou citoyenne se réduit à peu de chose, le regain d’effervescence politique et sociale actuel ne facilite certes pas la reconstruction du pays - pas vraiment commencée - ni la lutte – urgente - contre le choléra. Il n’en est pas pour autant infondé et les colères haïtiennes ne sont pas toutes déplacées.