Haïti : des élections législatives en suspens

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Comptage des votes dans un bureau de Port-au-Prince, dimanche 9 août 2015.
©AP Photo/Dieu Nalio Chery
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Les premières élections depuis 2011 se sont déroulées dimanche 9 août. Ces législatives haïtiennes ont été marquées par une faible participation et de nombreux incidents. Les résultats sont attendus pour le 19 août.

Après quatre années vierges de toute élection, dues à une crise profonde entre le chef de l'Etat Michel Martelly et l'opposition, les Haïtiens étaient attendus dans les bureaux de vote ce dimanche 9 août 2015. A l’issue de ce premier tour du scrutin législatif, le Conseil électoral provisoire (CEP) s’est déclaré « globalement satisfait », mais reconnaît quelques incidents et sabotages. Elena Valenciano, chef de la mission d'observation électorale de l'Union européenne, a déclaré à l'AFP qu’en dépit des incidents, les problèmes pouvaient « être corrigés ».

Les 5,8 millions d’électeurs inscrits étaient appelés à élire l’ensemble de leurs députés et les deux tiers du Sénat. Mais selon le CEP, environ 290 000 d’entre eux n’ont pas pu accomplir leur devoir civique puisque 4% des centres de vote ont été affectés par des actes de violence entraînant leur fermeture avant l'horaire prévu par la loi. Les membres du CEP vont maintenant décider si les scrutins seront réorganisés dans les circonscriptions concernées. Leur réponse est attendue avant mercredi 12 août.

Mais Pierre-Louis Opont, président du CEP, refuse de fournir une estimation globale sur la participation ainsi que sur les violences qui ont émaillé la journée de vote. Dimanche soir, il affirmait cependant que l’administration électorale allait « sévir là où on devra sévir. Le CEP ne va pas rester les bras croisés : on va réagir ».

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Un votant pour les élections législatives à Port-au-Prince le 9 août 2015.
©AP Photo/Dieu Nalio Chery

Une ambiance tendue

Dimanche matin, au moins trois centres de votes ont en effet été saccagés dans la capitale Port-au-Prince. Les urnes ont été jetées à terre et les bulletins déchirés par des individus encore non identifiés, a constaté une journaliste de l'AFP.  Trois centres de vote auraient aussi été incendiés à Savanette (département du centre), selon la présidente du parti d'opposition (social-démocrate) Fusion, Edmonde Supplice Beauzile.

Depuis le lancement de la campagne électorale le 8 juillet 2015, cinq personnes sont mortes dans des affrontements. Pour assurer la sécurité du scrutin, 7026 policiers nationaux ont été déployés sur le territoire haïtien le jour du vote. Ils étaient appuyés par quelque 2500 policiers des Nations unies. La Mission de stabilisation en Haïti de l'ONU (Minustah) avait aussi prévu la mobilisation de 2370 militaires.

Si les partis politiques ont montré un engouement historique pour ce scrutin, 128 formations s'étant enregistrées auprès de l'administration, les citoyens, eux, ne se sont pas pressés aux urnes. Dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, qui concentre pourtant un tiers de la population, aucune file d'attente ne s'est formée devant les nombreux bureaux de vote. Selon les observateurs nationaux et internationaux, la participation se serait révélée plus importante dans les petites villes de province mais est restée faible à l'échelle du pays.

Sabotage

Pierre-Louis Opont a également expliqué que certaines personnes avaient délibérément décidé de saboter le système. Directement mis en cause, un chef de service du CEP serait parti vendredi soir avec un stock de mandats et le matériel de fabrication des accréditations servant aux représentants des partis politiques. Légalement, tout candidat au poste de député ou sénateur peut être représenté par un mandataire dans les bureaux de vote de sa circonscription.

Samedi soir et dimanche matin, les partis politiques ont exprimé leur colère car ils n'ont pas pu obtenir les accréditations nécessaires pour que leurs représentants veillent à la bonne tenue du vote. Le CEP a porté plainte car ce comportement est susceptible de porter préjudice à l'Etat. Le fonctionnaire mis en cause est aujourd'hui recherché.

Un long processus électoral

En accord avec la loi électorale, aucun média, parti, ou citoyen n'est encore autorisé à publier des résultats, même partiels. Ce n'est qu'après vérification de tous les documents que les premiers résultats seront officialisés par le CEP.

Selon le calendrier électoral, ils seront rendus public le 19 août. Les partis politiques et candidats auront alors trois jours pour les contester. Après délibération des tribunaux électoraux, les résultats définitifs devraient être publiés le 8 septembre, soit dans un mois.

Plus de 1800 candidats étaient en lice pour 139 mandats parlementaires à pourvoir dans cette élection. Son second tour est prévu en octobre. La présidentielle est quant à elle programmée les 25 octobre et 27 décembre prochains. En six mois, la quasi-totalité des élus doivent ainsi être renouvelés puisque les maires et élus locaux seront aussi désignés avant la fin de l’année.

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Plusieurs personnes attendent leur tour pour voter aux élections législatives à Port-au-Prince le 9 août 2015.
©AP Photo/Dieu Nalio Chery

Des élections sous assistance

Alors que le pays peine toujours à se relever du terrible séisme de 2010, qui a par ailleurs aggravé une situation économique et sociale déjà catastrophique, Haïti a fait appel à l'aide de la communauté internationale pour financer l'organisation de ses élections. Le budget pour le scrutin législatif  était estimé par le CEP à 38 millions de dollars. Le coût de l’ensemble des élections pour 2015 pourrait s'élever à 66 millions de dollars. Seuls 44 millions (dont un quart fourni par l'Etat haïtien) sont pour l'heure disponibles dans le fonds géré par le programme des Nations unies pour le développement.

Offrant un soutien logistique et financier, la communauté internationale veille également à la bonne tenue des scrutins. Depuis juillet, l'Union européenne a déployé une mission en Haïti. Une soixantaine de ses observateurs étaient présents dimanche. L'Organisation des Etats américains a pour sa part envoyé en Haïti 28 observateurs, venant de 12 pays différents.