Haïti : "J'ai très peur pour ma vie" déclare le journaliste Rodly Saintiné menacé de mort

Déjà compliquée, la situation s'est dégradée en Haïti depuis l'assassinat, le 7 juillet dernier, du président haïtien Jovenel Moïse. Port-au-Prince est plongée dans un climat d'insécurité où des gangs font la loi. Le journaliste haïtien, Rodly Saintiné, correspondant de RFI pour l'émission "Couleurs tropicales" est poursuivi par des membres d'un gang qui menacent de le tuer. Il appelle à l'aide les autorités et la presse internationale. Témoignage. 

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Rodly Saintiné
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« J’ai peur pour ma santé physique, pour ma vie, mais aussi pour ma santé psychologique ». Depuis plus d'un mois, Rodly Saintiné, journaliste à Port-au-Prince, a quitté son domicile à la suite d’une succession de menaces de mort. 

Poursuivi par des membres d'un gang, il s'est réfugié hors de chez lui dans un lieu tenu secret depuis le 20 juin dernier. Pour préserver leur sécurité, sa mère, son frère et sa fiancée se sont cachés eux aussi, mais chacun dans des lieux séparés. Une situation compliquée. "Il est difficile  de trouver des gens qui acceptent de nous héberger chacun parce qu'eux aussi prennent des risques". Rodly Saintiné affirme avoir peur pour la vie de ses proches.

Je dors à même le sol, il n’y a pas d’eau potable. Je suis obligé de me laver et de boire de l'eau de pluie récupérée, c'est-à-dire de l'eau sale

Rodly Saintiné

(Re)voir : Le poète Jean d'Amérique dénonce la "gangstérisation" de l’État en Haïti

De son côté, le journaliste vit dans des conditions précaires : "je n'habite pas dans un lieu fait pour recevoir des gens", dit-il, "je dors à même le sol, il n’y a pas d’eau potable. Je suis obligé de me laver et de boire de l'eau de pluie récupérée, c'est-à-dire de l'eau sale". Par crainte d'être repéré, il ose à peine sortir acheter de quoi manger. 

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L'assassinat d'un inspecteur de police, élément déclencheur de sa fuite

Rodly Saintiné habite à Cité Soleil, un quartier populaire dans lequel il a grandi mais il "est l'un des rares à être resté vivre ici". La zone est considérée comme l'une des plus dangereuses de Port-au-Prince. A la suite de ses prises de positions à la télévision contre "l’injustice sociale et les problèmes de sécurité qui gangrènent le pays" lors de l'émission "Bon après-midi", un magazine d'informations divers, il reçoit des menaces de mort. C'était en octobre 2020. Le jouranliste dépose alors une plainte à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), sans résultat jusqu'à aujourd'hui. 

Le 5 juin dernier, un inspecteur de police, Adolph Mirabel, est tué à Cité Soleil. Selon des informations parues très rapidement dans la presse et sur les réseaux sociaux, il aurait été assassiné par un des gangs du quartier. Dès lors, Rodly Saintiné est menacé. Être journaliste dans ce quartier, "c'est déjà être une cible potentielle" affirme-t-il. Il a beau clamer ne pas être à l'origine de cette fuite, il est pourchassé. "Des bandits lourdement armés sont venus me chercher pour m’exécuter. Heureusement je me suis échappé. J’aurais pu y laisser ma peau".

Une semaine après avoir quitté son domicile, un membre de sa famille se rend chez lui afin de récupérer des affaires. Il y découvre "une balle glissé sous la porte". Ces derniers jours, il apprend que "des membres du gang sont revenus à ma recherche dans le quartier. Ils vont voir des gens et leur demandent où je suis". S'il s'est exilé loin de cette zone, il affirme se sentir toujours en insécurité. "La situation actuelle du pays fait que des gangs se mettent en réseau entre différents quartiers. J'ai donc peur d'être repéré même là où je suis actuellement". 

Des bandits lourdement armés sont venus me chercher pour m’exécuter. Heureusement je me suis échappé. J’aurais pu y laisser ma peau

Rodly Saintiné

L'appel à l'aide


Le journaliste est allé déposer plainte au péril de sa vie. "En Haïti, si vous êtes menacé de mort, vous ne pouvez pas faire une démarche par mail ou par téléphone à la police. Vous devez vous déplacer physiquement". Il raconte avoir eu peur pour sa vie. "J'aurais pu être reconnu, c'était un gros risque" dit-il. Il n'a cependant pas de grands espoirs. "la faiblesse des institutions dans mon pays rend ce type de procédures très longues. Par ailleurs, les quartiers de Cité soleil sont pratiquement inaccessibles pour la police. C'est trop dangereux. Donc personne ne va venir enquêter" regrette-t-il.

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Son seul recours, affirme-t-il, est de faire connaître sa situation. "J’en appelle aux instances internationales, aux organismes de défense des droits humains, aux organismes de journalisme». Il demande de l'aide rapidement pour l'assister et le protéger. "J'essaie de tenir le coup. La situation commence à m’affecter psychologiquement. J’ai très peur, je fais des cauchemars tous les soirs".

L'insécurité grandissante du pays menace de plus en plus les journalistes. Le danger est réel. Le 30 juin dernier, les deux reporters Antoinette Duclair et Diega Charles ont été assassinés en plein coeur de la capitale.