Alors que l'épidémie de choléra s'aggrave en province et s'installe dans la capitale, Stéphane Reynier de Montlaux, chef de mission de Médecins sans frontières en Haïti, déplore les lenteurs des opérateurs internationaux à se déployer et appelle à une mobilisation « réellement générale ».
Des malades atteints du choléra à l'hôpital de Cité Soleil, le 10 novembre 2010 à Port-au-Prince, en Haïti (Photo AFP)
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L’épidémie de choléra est-elle en train d'envahir Port-au-Prince ? Depuis quelques jours, à Port-au-Prince, le nombre d’admissions quotidiennes a doublé dans les centres de Médecins sans Frontières et cela, c’est une vraie inquiétude. L’augmentation du nombre des cas est assez significative pour laisser penser que la capitale est touchée par l’épidémie. Particulièrement les camps de sinistrés ? En fait, les quartiers les plus pauvres, notamment Cité Soleil. Mais c’est aussi parce que c’est là que nous intervenons et nous n’avons pas une vue exhaustive. Dans d’autres quartiers, à l’inverse, l’augmentation n’est pas significative. Mais pour les camps, il est évident que leur présence même, leur état, leur manque d’hygiène ne peuvent que favoriser la propagation de l’épidémie et c’est une source d’inquiétude. La propagation est-elle en train de devenir « hors contrôle »? Hors contrôle, non, pas encore. Mais cela augmente assez vite pour qu’on soit très soucieux. Depuis le séisme, la capitale est pourtant pourvue d’une structure médicale assez dense. Cela ne suffit pas à affronter ce genre d’épidémie ? Pour l’instant, non. Ce dont on a besoin, ce sont des centres de traitement du choléra et c’est particulier. Dans l’immédiat, leur nombre semble suffisant pour le nombre de cas à traiter mais, à ce rythme, dans quelques jours, ils seront surchargés. Donc, on cherche à identifier des lieux pour en installer de nouveaux. Mais le problème ne se pose pas seulement à Port-au-Prince.
Des malades atteints du choléra à l’hôpital de Cité Soleil, le 10 novembre 2010 à Port-au-Prince, en Haïti
La situation vous parait plus inquiétante en province ? La carence est plus grande en province qu’à Port-au-Prince. Port-au-Prince est sous le feu des médias, il y a beaucoup de monde et il est clair qu’un début de couverture commence à s’y mettre en place. Mais je constate que dans les régions du Nord, de Cap Haïtien, ou celle de Léogane dont nous nous occupons, on ne voit pratiquement aucun acteur. Même si la capitale représente un souci majeur et légitime, parce que la ville est énorme, on ne doit pas s’y focaliser exclusivement. Il faut que la réponse soit nationale et que les O.N.G. se positionnent là où l'épidémie est en train de flamber.. La mobilisation n’est pas à la hauteur de la situation ? Ce qu’on observe, et c’est une source d’inquiétude c’est que MSF est en première ligne. Nous avons une collaboration excellente avec les autorités haïtiennes, il faut le reconnaitre. Elles sont conscientes de la situation et de leurs capacités et font ce qui est en leur pouvoir mais les relais tardent. Il y a une présence énorme d’ONG en Haïti et nous aurions besoin de ne pas être presque seul à aider le ministère de la santé dans cette réponse. Nous avons besoin que d’autres organisations s’impliquent, soit dans la prise en charge, soit dans la couverture sanitaire, l’approvisionnement en eau et le travail au niveau des agents de santé communautaires pour avoir une réponse plus rapide. Vous vous sentez seuls ? Que M.S.F. soit en première ligne, c’est logique. Nous avons un mode de fonctionnement qui est indépendant, non tributaire des administrations des Nations-Unies. Mais aujourd’hui, il est urgent que les Nations-Unies fournissent les leviers d’action aux O.N.G. qui travaillent dans leur réseau pour permettre une réponse plus complète, une couverture plus générale des besoins. Parce que finalement on voit que cette épidémie tend à se propager et touche chaque jour des zones qui n'étaient pas affectées la veille. Il est important que la mobilisation soit réellement générale.