Haïti : le Conseil présidentiel de transition peine toujours à stabiliser le pays

Alors que le président du Conseil présidentiel de transition, Leslie Voltaire, termine sa tournée européenne par une visite en France, après être passé par le Vatican où il a rencontré le pape François, la situation politique, sécuritaire et humanitaire en Haïti reste chaotique.  

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Leslie Voltaire

Le président du Conseil de transition d'Haïti, Leslie Voltaire, lors d'un entretien avec Associated Press à Rome, en Italie, le samedi 25 janvier 2025.

© AP Photo/Alessandra Tarantino
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Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, en juillet 2021, et la démission du premier ministre, Ariel Henry, sous la pression des gangs et de la communauté internationale, Haïti est confronté à une crise multiforme : instabilité politique, la violence sans cesse croissante des gangs, le déplacement massif des populations ainsi que la faim généralisée. 

L’emprise des gangs

A l’issue d’une réunion de haut niveau sur Haïti convoquée par les dirigeants de la CARICOM, la Communauté de la Caraïbe, le 11 mars 2024, à Kingston, en Jamaïque, un Conseil présidentiel de transition composé de neuf membres a été créé et un Premier ministre nommé. Garry Conille a été remplacé depuis le 11 novembre 2024 par l’homme d’affaires Alix Didier Fils-Aimé. 

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Par ailleurs, les autorités se sont engagées à organiser des élections générales en 2025, les premières depuis 2016, avant que n’arrive à échéance le mandat du Conseil présidentiel de transition, le 7 février 2026. Depuis lors, le pays s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’insécurité, et la situation humanitaire reste très préoccupante. Près d’un an après sa mise en place, le Conseil présidentiel de transition peine toujours à stabiliser le pays.

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Lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies le 22 janvier dernier, la directrice exécutive de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Ghada Waly, a déclaré que les gangs continuent d’étendre leur contrôle sur le territoire haïtien. Le plus actif de ces gangs, Viv Ansanm, s’est emparé récemment de zones clés à l’intérieur et dans les environs de Port-au-Prince. 

Violences et déplacements des populations

Les Nations unies estiment d’ailleurs que cette expansion territoriale résulte d’une action mise sur pied avec le concours des élites politiques et économiques haïtiennes, l’objectif étant de prendre le contrôle des ressources du pays. Conséquence : les gangs contrôlent actuellement près de 85% de la capitale haïtienne. Outre le trafic d’armes et de drogues, cette mainmise est basée sur la corruption et le blanchiment d’argent.   

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Les tactiques utilisées par les gangs haïtiens sont de plus en plus brutales et se traduisent la plupart du temps par des affrontements fréquents et meurtriers avec la population et les forces de l’ordre. D’après le dernier bilan de l’Organisation internationale des migrations, plus d’un million de personnes sont désormais déplacées à l’intérieur des frontières haïtiennes. 

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« Ce sont exactement 1 041 000 personnes, dont beaucoup ont été déplacées plusieurs fois, qui luttent contre une crise humanitaire qui s’intensifie », précise les Nations unies dans un communiqué publié le 14 janvier dernier. Fin 2023, l’ONU estimait que 315 000 personnes avaient déjà été contraintes de fuir leur domicile. En un an, ce chiffre a été multiplié par trois. Ce qui représente un peu moins de 10% de la population de ce pays qui compte 11,7 millions d’habitants.

Haïti, plaque tournante du trafic de drogue

Aujourd’hui, près des trois-quarts de la population haïtienne vit sous le seuil de pauvreté, d’après les données des Nations unies. Seul pays du continent américain à figurer dans le groupe des pays les moins avancés, Haïti est classé par le PNUD à la 170e position en termes d’indice de développement humain. A l’instabilité politique actuelle s’ajoute une crise économique qui se caractérise notamment par une inflation de 20% et une dépréciation de la gourde. L’ONU estime que près de la moitié de la population est actuellement confrontée à une insécurité alimentaire aiguë.    

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Selon la directrice exécutive de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Ghada Waly, Haïti est devenu une plaque tournante du trafic de drogue au cours des dernières décennies. Depuis les années 1980, un petit groupe d’individus constitué de parlementaires, d’hommes d’affaires, d’anciens militaires ou encore d’agents des forces de l’ordre, est à la tête du trafic de drogue. Ils sévissent en Haïti et aux Etats-Unis et se servent du commerce de l’anguille pour blanchir leurs revenus. 

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Le 18 janvier dernier, 217 policiers kenyans supplémentaires ont été déployés au sein de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), pour essayer d'endiguer la crise dans l'île. Ceux-ci s’ajoutent aux centaines de policiers déjà présents dans le pays, originaires du Kenya bien sûr, mais aussi du Guatemala, de la Jamaïque, du Belize, des Bahamas ou encore du Salvador. C’est en octobre 2023 que le Conseil de sécurité a autorisé l’envoi en Haïti de la MMAS, dont le mandat a été renouvelé jusqu’au 2 octobre 2025. Mais face aux difficultés de la MMAS à faire face à la violence des gangs, le Conseil présidentiel de transition appelle à une transition de cette force vers une opération de maintien de la paix.