Haïti : les avocats manifestent après l'assassinat du bâtonnier du barreau de Port-au-Prince

Plusieurs centaines de personnes, en majorité des avocats en robe, ont manifesté jeudi 3 septembre dans le centre-ville de la capitale haïtienne pour réclamer justice suite à l'assassinat du bâtonnier du barreau de Port-au-Prince la semaine dernière à son domicile.

 
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Des avocats demandent justice après la mort du bâtonnier du barreau de Port-au-Prince, Monferrier Dorval. Port-au-Prince, Haïti, 3 septembre 2020.
REUTERS/Andres Martinez Casares
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Élu à la tête du barreau de Port-au-Prince en février, Me Monferrier Dorval, 64 ans, a été tué par balles vendredi  28 août au soir alors qu'il rentrait à son domicile.

"L'assassinat de Me Dorval attriste toute la République. Un homme de grande culture. Une grande perte pour le pays. J'adresse aux membres de l'Ordre des avocats de Port-au-Prince et à ses proches, mes plus sincères condoléances. Ce crime, comme tant d'autres, ne restera pas impuni", a réagi le président haïtien, Jovenel Moïse, samedi 29 août sur Twitter.
 

Samedi 29 août, le chef de l'Etat a décrété un deuil national de trois jours à compter de lundi 31 août, durant lesquels les drapeaux ont été en berne et les stations de radios invitées à jouer des musiques de circonstance.

Selon les premières indications de la police nationale haïtienne (PNH), Me Monferrier Dorval a été tué par balle à son arrivée à son domicile, sur les hauteurs de la capitale.
"Il semble qu'il ait été tué alors qu'il allait fermer sa barrière", a déclaré à l'AFP le porte-parole adjoint de la PNH. "Nous ne pouvons pas encore dire combien il y avait d'assaillants ni quels véhicules ils avaient", a-t-il ajouté.

Les citoyens indignés

La photo du corps de l'avocat ensanglanté, criblé de balles, a rapidement circulé via les réseaux sociaux en Haïti, suscitant la colère et l'indignation des citoyens.

La recrudescence de l'insécurité et l'impunité est dénoncée depuis plusieurs mois par différentes organisations de la société civile et de défense des droits humains.
En plus de réclamer justice pour toutes les victimes des violences de ces derniers mois dans les quartiers pauvres, les manifestants ont également scandé des slogans réclamant la démission du président Jovenel Moïse.  
 "Nous sommes tous livrés à nous-mêmes alors que nous avons un président qui est le garant des institutions", déplore Me Katiana Philippe."Je suis venue moi avec la Constitution pour rappeler à mon président de bien se souvenir de l'obligation qu'il a", ajoute la jeune avocate qui a défilé en brandissant un exemplaire de la loi fondamentale d'Haïti.

La colère face à l'impunité a été attisée par l'annonce que la scène du crime, placée sous scellés, avait été vandalisée alors que la maison de Me Dorval se situe dans le quartier de la résidence présidentielle.

Commis à trois semaines d'intervalle mi-juillet et début août, les meurtres par balles de deux nourrissons, de 4 et 8 mois, ont en outre provoqué une onde de choc à travers le pays. Les enquêtes pour identifier les auteurs des crimes n'ont pas encore abouti.
Entre janvier et juin 2020, le bureau des Nations unies en Haïti a relevé qu'au moins 159 personnes avaient été tuées et 92 autres blessées en raison de la violence liée aux gangs.
 

Défilé de gangs                  

                  
La recrudescence de l'insécurité et l'impunité sont dénoncées depuis plusieurs mois par différentes organisations de la société civile et de défense des droits humains.  
Jeudi 27 août, un homme d'affaires a été tué par balle dans son véhicule au coeur de la capitale à la mi-journée sans que les auteurs de l'attaque ne puissent être identifiés ou arrêtés.

La police n'avait pas dressé de cordon de sécurité, laissant les badauds se presser contre la voiture.

Fin juin et début juillet, deux manifestations pacifiques organisées dans la capitale pour dénoncer ce climat d'insécurité avaient été réprimées avec force par la police.
Des membres de gangs avaient ensuite défilé dans les rues du centre-ville de Port-au-Prince, exhibant leurs armes et tirant régulièrement en l'air.

Aucune unité de police n'était alors intervenue pour interrompre cette marche, retransmise en direct sur les réseaux sociaux par certains participants.