Haïti - Une histoire meurtrie

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Haïti - Une histoire meurtrie
Rue de Port au Prince, 1920, Library of Congress
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Une vieille nation jamais stabilisée

Une vieille nation jamais stabilisée
Port au Prince, le port, en 1920, Library of Congress
L'histoire d'Haïti ne commence pas avec Christophe Colomb : avant l'arrivée des Espagnols le 5 décembre 1492, l'île était peuplée d'Indiens Arawak, Caraïbes et Taïnos qui furent exterminés par la colonisation. Cette violence première a sans doute marqué durablement le destin d'Hispaniola, ainsi que l'appela le célèbre navigateur/explorateur. Les autochtones décimés, les Colons exploitèrent l'île en organisant, dès le XVIème siècle la traite des esclaves noirs, déportés d'Afrique. Au XVIIème siècle, aiguillonnés par le cardinal de Richelieu, les Français remplacèrent les Espagnols sur la partie Ouest de l'île, la future Saint-Domingue.
Haïti - Une histoire meurtrie
La Révolution française dessina le futur de l'île : Toussaint Louverture, esclave affranchi, fut nommé gouverneur de la partie Est de l'île, une fois les Espagnols chassés, et les Anglais écartés. Mais l'ancien esclave voulut s'émanciper définitivement, et après voir instauré de son propre chef l'autonomie, à la tête de ses bataillons d'anciens déportés africains, il défit les troupes napoléoniennes venues le destituer. L'indépendance fut proclamée le 1er janvier 1804, et cette partie de l'ancienne Hispanolia reçut le nom d'Haïti. Mais l'instabilité devait marquer durablement la première République noire. Au XXème siècle, après une brève et désagréable occupation américaine, entre 1919 et 1934, le pays bascula de coups d'État en dictatures, de cataclysmes en cyclones, qui ont maintenu ce petit pays dans une très grande pauvreté, avec l'un des PIB le plus bas du monde et un indice de corruption parmi les plus élevés du monde. Cela n'empêcha pas une culture riche de s'y développer, en témoignent la kyrielle de poètes et d'écrivains qui se hissent aux meilleurs rangs de la littérature mondiale. Sylvie Braibant

“Un peuple fier, mais pour lequel le sens du service public est la chose la moins partagée“

Entretien avec Bogentson ANDRE, doctorant en démographie, Centre de Recherche en Population et Société (CERPOS), Université de Paris X

“Un peuple fier, mais pour lequel le sens du service public est la chose la moins partagée“
Votre pays est très souvent confronté aux événements malheureux (cataclysmes, instabilité politique, crise alimentaire, extrême pauvreté etc...) y a-t-il une explication à ces drames à répétition ? Le pays a connu plusieurs évènements malheureux depuis toujours. La raison principale c’est que Haïti se trouve sur la trajectoire des intempéries qui frappent la région caraïbe une année sur deux et se situe entre deux plaques tectoniques (les plaques caraïbe et nord-américaine). Le dernier séisme de cette importance a eu lieu en 1770. A ce moment, la ville de Port-au-Prince a été détruite partiellement.
Haïti - Une histoire meurtrie
Pourquoi un pays comme Haïti qui fait face malheureusement et régulièrement à ces catastrophes n'arrive toujours pas à gérer ces événements ? La difficulté à gérer ce type d’évènement tient au fait qu’on est un pays où l’État est très faible au plan institutionnel. On est un peuple fier, mais le sens du service public est la chose la moins partagée. Les autorités ne se donnent pas les moyens, les hommes d’affaires, ou ceux qui sont dans le commerce, travaillent en vase clos, là où ce sont leurs intérêts personnels qui les intéressent. Construire une nation où tout le monde a le droit de vivre, où les richesses sont mieux partagées, semble n’être pas la priorité et de l’élite et de l’État.
Haïti - Une histoire meurtrie
Haïti est la première nation noire à s'être émancipée après l'abolition de l'esclavage... Pourquoi ne parvient-elle pas à perpétuer cet esprit de liberté dans la gestion de ses institutions ? Certes, nous sommes la première nation du monde à avoir conquis notre indépendance, de la France en janvier 1804, et à imposer un ordre nouveau où l’esclavage était banni à jamais. Mais, l’État qui a succédé au système colonialiste était un État oligarchique, prédateur et despotique. Le modèle de société post esclavagiste s’est construit sur celui de la société antérieure. La raison principale tenait à la volonté des pères de la patrie de maintenir le système de plantation. Pour y parvenir, il a fallu imposer le caporalisme agraire. Ce contre quoi les anciens esclaves se sont révoltés en voulant créer un système égalitaire. Le modèle économique promu était la petite propriété où le jardin était l’espace de production et de socialisation. Moi, je ne parlerais pas de perpétuer l’esprit de liberté dans la gestion de ses institutions. Le peuple haïtien dans son ensemble veut avoir plus d’État. En votant en masse en décembre 1990 pour le président Aristide, l’enjeu était la participation dans la gestion du pays à travers des hommes et femmes qu’on aurait choisis. Le peuple espérait que l’État prenne ses responsabilités en dotant le pays d’institutions viables, efficaces, dont le fonctionnement se fasse selon des règles et normes objectives, transparentes, qui tiennent compte des intérêts des plus faibles.
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Comment fonctionnent les institutions en Haïti depuis son indépendance en 1804 ? On ne peut pas traiter de cette question ici, en quelques lignes. Mais, on peut dire sommairement que les institutions se caractérisent par une faiblesse chronique. Le point de vue néoclassique pose la question du fonctionnement de l’État comme un problème technique. La solution est la mise en place d’un État responsable sans intérêt de classe. Ce serait donc un État qui travaille dans le sens de l’intérêt général. Or, selon cette approche, NOS dirigeants ont toujours eu une attitude indifférente pour la croissance économique. Le caractère prédateur de l'État haïtien est présenté comme une cause aggravante. Pour les tenants des approches « dépendantistes », l’État à travers ses institutions depuis l’indépendance, a toujours mis en œuvre une politique de production de denrées exportables. Le fait de ne pas tenir compte du déséquilibre entre les prix des produits agricoles et les produits manufacturés a affaiblit le système agraire haïtien. A partir de ces deux points de vue, on peut observer que l’on est en présence d’une société où l’intérêt des plus faibles est loin d’être pris en compte. Dans quel état économique se trouve ce pays depuis son indépendance ? À partir de l’indépendance, la situation économique doit être comprise en fonction de nos considérations antérieures, développées plus haut. Deux modèles économiques étaient en présence : celui de la plantation, qui donne priorité aux produits d’exportation, et celui de la petite propriété où ce sont les produits viviers qui sont prioritaires.
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Comparée à la République Dominicaine sa voisine (située dans les Caraïbes), pourquoi Haïti n'arrive pas à se sortir de son extrême pauvreté. Cette question renvoie à la dimension historico-structurelle. Pour sortir de l’extrême pauvreté, il convient de se questionner sur la question des politiques économiques. Une politique économique qui n’a pas pour objectif le plein emploi ne pourra s’adresser aux multiples problèmes du pays. La concentration de la population dans l’aire métropolitaine (région durement frappée par le séisme), résulte d’un exode rural galopant. Et ce dernier est la conséquence de la crise de l’économie paysanne. La situation sociale et politique pourrait-elle évoluer un jour et comment ? La situation sociale et politique pourrait évoluer dans la mesure où il existe une volonté réelle des forces vives du pays pour le changement. Les solutions ne manquent pas, mais malheureusement la recherche de la satisfaction des intérêts particuliers semble être l’élément le plus important pour nos élites. D’abord, il faudra commencer par la lutte contre l’impunité et la corruption. Puis, la transparence dans la gestion de la chose publique devra être la règle. La recherche de l’efficacité et le respect des normes comptables dans la passation des marchés éviteraient, enfin, le détournement des règles. Propos recueillis par Christelle Magnout, 15 janvier 2010 Les photos de Port au Prince (début du XXème siècle) et la carte (1796) sont tirées du catalogue de la Library of Congress

Les origines tourmentées de la république haïtienne

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Dans le billet hebdomadaire qu'il réalise pour Kiosque, Julien Brunn revient sur les commencements tourmentées de la jeune république noire, le destin tragique de Toussaint Louverture, et les relations difficiles avec la France, le dernier colon en place... Kiosque, 17 janvier 2010 1'35

Une succession de drames

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Première république noire indépendante, Haïti porte un lourd passé marqué par l'esclavage, le colonialisme, la dictature et l'instabilité politique. Sujet France 3 14 janvier 2010 - 2'17