Fil d'Ariane
Les soldats azerbaïdjanais encerclent Stepanakert, la "capitale" du Haut-Karabagh, et la population "se terre", disent les séparatistes. Ces derniers annoncent avoir commencé les négociations du retrait de leurs troupes.
Un employé du gouvernement local essaie de calmer des résidents de la ville de Stepanakert au Haut-Karabakh ce 21 septembre après des tirs à armes à feux.
Les soldats azerbaïdjanais encerclent ce 22 septembre Stepanakert, la "capitale" de la région séparatiste surtout peuplée d'Arméniens du Haut-Karabakh où la population "se terre dans les caves".
"La situation à Stepanakert est horrible, les troupes azerbaïdjanaises sont partout autour de la ville, elles sont à la périphérie", a déclaré Armine Hayrapetian, qui représente dans la capitale arménienne le centre d'information du "gouvernement" de ce territoire sécessionniste.
"Les gens craignent que les soldats azerbaïdjanais ne puissent entrer dans la ville à tout moment et commencer des massacres", a-t-elle poursuivi.
Stepanakert et d'autres régions du Haut-Karabagh sont privées de la plupart des services de base depuis l'offensive éclair en début de semaine de l'armée azerbaïdjanaise pour reconquérir cette enclave, a ajouté Amine Hayrapetian.
"Pas d'électricité, pas de gaz, pas de nourriture, pas de carburant, pas de connexions internet ni téléphoniques", "les gens se terrent dans les caves", a-t-elle encore dit.
Les séparatistes arméniens ont accepté de déposer les armes à la suite de combats qui, selon eux, ont provoqué la mort de 200 personnes.
"Des négociations sont en cours avec la partie azerbaïdjanaise sous les auspices des soldats de maintien de la paix russes", ont fait savoir les autorités de ce territoire sécessionniste, qui ont capitulé après une offensive éclair des forces azerbaïdjanaises.
Cela doit permettre d'"organiser le processus de retrait des troupes et assurer le retour dans leurs foyers des citoyens déplacés par l'agression militaire", ont-elles poursuivi dans un communiqué.
Les parties discutent également de "la procédure d'entrée et de sortie des citoyens" du Haut-Karabakh, ont ajouté les séparatistes.
Ils ont eu la veille, en Azerbaïdjan, de premiers pourparlers en vue d'une "réintégration" à ce pays.
"Nous avons tellement de victimes, de morts et de blessés", raconte Amine Hayrapetian, sans fournir plus de détails.
Selon un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, l'Azerbaïdjan a promis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qu'il pourrait envoyer de l'aide et prendre en charge les soldats séparatistes blessés, avec des ambulances autorisées à venir d'Arménie.
"Des travaux sont en cours avec les forces de maintien de la paix russes pour récupérer les corps des combattants restés sur le terrain", a-t-il précisé.
D'après l'agence de presse d'État azerbaïdjanaise Azertag, Bakou a envoyé 40 tonnes d'aide humanitaire au Haut-Karabakh.
Selon le dernier bilan des séparatistes arméniens, l'opération militaire azerbaïdjanaise, qui s'est achevée en 24 heures le 20 septembre à la mi-journée, a fait au moins 200 morts et 400 blessés.
Dans le corridor de Latchine, la seule route reliant le Haut-Karabakh à l'Arménie mais bloquée depuis plus de neuf mois par l'Azerbaïdjan, des hommes attendent ce 22 septembre le retour de proches coincés dans cette région près d'un des derniers postes de contrôle tenus par l'armée arménienne.
"Ça fait trois jours et trois nuits que j'attends. Je dors dans la voiture", a confié à un journaliste de l'AFP Garik Zakarian, 28 ans, en quête de nouvelles de son beau-frère et de sa belle-mère, qu'il espère voir rapidement évacués.
Accusé de passivité face à l'Azerbaïdjan, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a reconnu ce matin au cours d'un conseil des ministres que "la situation" restait "tendue" au Haut-Karabakh où "la crise humanitaire se poursuit".
Mais "il y a un espoir de dynamique positive", a ajouté le chef du gouvernement, pour qui le cessez-le-feu entré en vigueur mercredi entre les séparatistes arméniens et Bakou est "globalement" respecté, malgré des "violations isolées" signalées hier.
L'Arménie est préparée pour accueillir, si besoin, "plus de 40.000 familles" du Haut-Karabakh, a-t-il assuré.
"Nous avons réservé des chambres dans des hôtels, préparé des lieux pour les accueillir. Nous avons tout préparé pour recevoir plus de 40.000 familles" de ce territoire peuplé majoritairement d'Arméniens, a déclaré Nikol Pachinian lors d'une allocution télévisée.
Ce 22 septembre, des personnes hostiles au Premier ministre Pachinian ont de nouveau manifesté à Erevan, la capitale de l'Arménie, pour protester contre la gestion de la crise au Haut-Karabakh par le gouvernement.
Les partis d'opposition, qui reprochent au Premier ministre d'avoir fait trop de concessions à Bakou, réclament sa démission et plusieurs de leurs dirigeants ont fait connaître leur intention d'ouvrir au Parlement une procédure de destitution à son encontre.
"Les gens doivent descendre dans la rue, le Karabakh a besoin de nous", s'est exclamée auprès de l'AFP Lida Mkrtchyan, 43 ans, originaire de cette région. "C'est un cauchemar dont nous ne pouvons pas nous réveiller. Pourquoi n'ouvrent-ils pas un couloir pour que les gens puissent partir ?"
Selon la police arménienne, 84 manifestants ont été arrêtés. Ces interpellations s'ajoutent à celles survenues mercredi et jeudi à la suite d'émeutes au cours desquelles des contestataires ont jeté des pierres et des bouteilles devant les bureaux de Nikol Pachinian.
Ce dernier a appelé au calme, tout en promettant d'agir "fermement" face aux émeutiers. Il faut emprunter "le chemin" de la paix, même s'il n'est "pas facile", avait-il exhorté le 21 septembre.
Le chef du gouvernement arménien a par ailleurs accusé la Russie, dont un contingent est déployé au Haut-Karabakh depuis la guerre de l'automne 2020, d'avoir failli à sa mission de maintien de la paix.
Selon l'Azerbaïdjan, six soldats de la paix russes ont été tués pendant son offensive. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a présenté "ses excuses" à son homologue russe Vladimir Poutine, selon le Kremlin.
Le succès militaire des Azerbaïdjanais nourrit les craintes d'un départ massif des 120.000 habitants du Haut-Karabakh, même si l'Arménie a promis qu'aucune évacuation de masse n'était prévue. Elle s'est néanmoins dit prête à accueillir "40.000 familles" de réfugiés.
Le Haut-Karabakh a déjà été le théâtre de deux guerres entre les anciennes républiques soviétiques du Caucase que sont l'Azerbaïdjan et l'Arménie : l'une de 1988 à 1994 (30.000 morts) et l'autre à l'automne 2020 (6.500 morts).