La France a rendu hommage à ses 13 soldats tombés lors d'une opération militaire au Mali, le 25 novembre. La cérémonie présidée par Emmanuel Macron, s'est déroulée à Paris, en présence de 2500 personnes, venues saluer la mémoire des militaires.
L’image est solennelle. Treize cercueils ornés du drapeau tricolore, disposés en arc de cercle dans la cour des Invalides à Paris. En ce lundi 2 décembre, la France est confrontée à l’image funeste de son engagement militaire au Sahel. Un hommage national conduit par le chef des armées, Emmanuel Macron.
Les corps des treize soldats sont portés une dernière fois par leurs frères d’armes au son des tambours, avant d’être disposés dans la cour d’honneur de l’Hôtel des Invalides. Autour, ce sont les proches des défunts, les membres du gouvernement français, des militaires, des vétérans et des dizaines d’anonymes.
Un recueillement national
Le président français s’incline
« devant le sacrifice » de ces treize soldats morts en opération au Mali.
« Ils sont morts pour nous tous » assure t-il, dans une ambiance lourde et protocolaire.
La liberté a souvent hélas, le goût du sang versé. Emmanuel Macron, président français
« Ils sont morts en opération, pour la France, pour la protection des peuples du Sahel, pour la sécurité de leurs compatriotes et pour la liberté du monde, pour nous tous qui sommes là », ajoute le chef de l'Etat, face aux 13 cercueils disposés dans la cour pavée de l'Hôtel des Invalides, qui accueille depuis le XVIIe siècle vétérans et blessés de guerre.
« Leur engagement profond, modeste et discret n'est rendu public que par le sacrifice ultime, loin du fracas des mots inutiles », a-t-il dit en rendant hommage aux soldats tués dans la collision de deux hélicoptères lors d'une opération de combat, dans le nord-est du Mali.
Le président de la République a décliné l'identité et le parcours de chacun de ces soldats. Il s'est attaché à préciser en quelques mots l'engagement de chacun. Il est également revenu sur la nuit de leur décès.
« Les larmes coulent sur toutes les terres de France, mais ces larmes de tristesse sont mêlées d'espoir et de détermination. L'espoir en notre jeunesse, notre armée. La détermination à faire triompher les valeurs de notre République […]. Nous ferons bloc pour cette vie de peuples libres conquise grâce à nos armées », assure le chef de l'État.
Emmanuel Macron a ensuite décerné à chacun des treize soldats le titre de chevalier de la Légion d'honneur, en épinglant la fameuse médaille sur le coussin posé sur chaque cercueil. Chaque soldat a également été élevé d’un grade à titre posthume.
L'engagement français au Sahel en question
Ce lourd bilan humain fait l'effet d'un électrochoc en France, dont l'armée n'avait pas subi de telles pertes depuis l'attentat contre le QG français Drakkar à Beyrouth en 1983, qui avait fait 58 morts.
La mort des treize soldats a également relancé les questions autour de l'engagement français au Sahel, où la situation sécuritaire ne cesse de s'aggraver.
Le patron de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon réclame ouvertement le retour des troupes alors que 58% de Français sont favorables au maintien de l'opération, selon un sondage IFOP publié lundi.
Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta assistait à la cérémonie, de même que les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, le Premier ministre Edouard Philippe, et les responsables des principaux partis politiques.
Ce drame qui laisse treize orphelins de père et de nombreuses familles endeuillées.
Margot Louvet, 23 ans, venue de Gap (sud-est), arborait sur son tee-shirt la photo officielle, sur fond bleu blanc rouge, de son meilleur ami décédé, Antoine Serre, 22 ans, du régiment de chasseurs de la ville
"C'était une perle, le plus gentil, le plus généreux", a-t-elle déclaré à l'AFP avant la cérémonie, en réprimant des sanglots.
Un changement de stratégie ?
Les deux hélicoptères transportant les treize soldats sont entrés en collision alors qu'ils appuyaient des commandos parachutistes qui avaient repéré des pick-up suspects dans la zone frontalière avec le Niger et le Burkina Faso.
Cette région sert de repaire à des groupes djihadistes affiliés à l'Etat islamique ou Al-Qaïda. Aucun des occupants n'a survécu.
Les 13 soldats tués étaient tous officiers et sous-officiers. Ils servaient au 5e régiment d'hélicoptères de combat (5e RHC), au 4e régiment de chasseurs (4e RCH), au 93e régiment d'artillerie de montagne (93e RAM) et à la Légion étrangère. Tous étaient représentés à la cérémonie.
L'opération française Barkhane mobilise 4.500 hommes dans la bande sahélo-saharienne, une étendue vaste comme l'Europe, pour lutter contre les groupes armés. Mais après six ans de présence ininterrompue, et 41 morts côté français, l'horizon est de plus en plus sombre.
Les violences djihadistes persistent dans le nord du Mali et se sont propagées au centre du pays ainsi qu'au Burkina et au Niger voisins. Les pertes sont de plus en plus lourdes pour les armées locales, débordées. Emmanuel Macron avait annoncé jeudi dernier vouloir réexaminer la stratégie des forces anti-djihadistes françaises au Sahel, dans un contexte sécuritaire explosif, et appelé les Européens à s'engager davantage à leur côté.
Boubacar Salif Traoré, spécialiste des questions de sécurité et de développement, était sur notre plateau. Il revient sur la force militaire Takuba, qui sera mise en place en 2020, impliquant plus de forces européennes dans la crise sahélienne. Le spécialiste explique qu’une nouvelle définition stratégique de Barkhane s’impose face à un ennemi qui ne cesse de gagner en puissance.
« Barkhane ne peut pas tout faire et ne doit pas tout faire. Dans la tête des populations locales, c’est Barkhane qui doit s’occuper de l’ensemble du théâtre et peut-être même de jouer le rôle qui serait dévolu aux armes nationales. Donc il faut bien répartir les rôles, à ce que chaque acteur soit bien placé dans un contexte précis afin que la confiance revienne au sein de la population », a ajouté l'expert en sécurité et développement sur le plateau du 64 minutes de TV5MONDE.
"Le contexte que nous sommes en train de vivre au Sahel nous conduit aujourd'hui à regarder toutes les options stratégiques", avait-il lancé.
Le combat de la France au Sahel
"relève du temps long", a fait valoir pour sa part dimanche la ministre des Armées Florence Parly. Mais responsables et experts conviennent qu'il n'y aura pas d'issue à ce conflit par la seule force des armes et sans action politique, alors que se propagent le djihadiste et les violences qui ont déjà fait des milliers de morts.