Fil d'Ariane
Deux jeunes femmes pratiquent l'hypnothérapie dans une salle de classe.
Au lycée agricole privé de Saubrigues, c’est en classe que les élèves pactisent avec leur inconscient. Leur méthode : apprendre les langues vivantes dans un état hypnotique. Contrairement aux apparences, ils ne dorment pas, ils apprennent et ajustent leurs accents.
C’est l’entreprise Hypnoledge qui fournit ces cours un peu particuliers, compilés dans une méthode de 45 heures. Julien Micheaux, l'un des cofondateurs de l’entreprise explique pourquoi l’hypnose est un atout : « Le cerveau est dans un état de conscience modifiée et son optimisation permet de décupler ses ressources ».
L’hypnose n’est pas magique !
Vianney Descroix, hypnothérapeute
Une hyper concentration qui pourrait donc faciliter la mémorisation. Mais ceci reste encore à prouver, aucune étude scientifique ne l’a démontré à ce jour.
« Il faut être vigilant sur l’aspect pilule magique de l’hypnose. Cela reste un facilitateur d’apprentissage, mais cela ne remplacera jamais les cours traditionnels »,
explique Julien Micheau, cofondateur d’Hypnoledge.
L’entreprise envisage d’approcher l’éducation nationale pour lui proposer ses cours, et pourquoi pas, étendre sa palette aux leçons de mathématiques et de français. La start-up propose déjà ce service sur la toile. Etre hypnotisé en ligne pour apprendre et parfaire une langue étrangère, en échange d’un abonnement mensuel.
Tout le monde a déjà pu faire l’expérience d’un état hypnotique dans sa vie quotidienne. Etre hypnotisé par un paysage, un feu de cheminée, ou même par l’évasion d’un bon roman. L’hypnose cherche à provoquer intentionnellement cet état de conscience modifiée, ce moment précis où les choses sont perçues autrement.
Perte de contrôle, manipulation, ésotérisme. Les stéréotypes concernant l’hypnose ont la vie dure. « Les gens ont des représentations de l’hypnose très éloignées de la réalité. Ils imaginent que sous hypnose, ils sont inconscients et que l’on peut prendre le contrôle sur eux. Ce qui est évidement faux », précise Vianney Descroix, chirurgien-dentiste et chef du service odontologie de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris.
L’hypnose de spectacle a permis de populariser la pratique, mais lui a aussi conféré une dimension mystique.
« L’hypnose deviendrait ainsi quelque chose d’un peu maléfique et mystérieuse alors qu’au contraire, c’est une pratique bienveillante, proche des gens et de leurs besoins », ajoute-t-il.
Si l’on considère l’hypnose comme un phénomène naturel, elle se pratique depuis toujours. Les chamans ont d’ailleurs toujours utilisé des techniques de transe hypnotique comme outils de guérison.
Dans les pays occidentaux, c’est à partir du XVIIIème siècle que l’hypnose médicale se développe, notamment avec le médecin autrichien Anton Mesmer, un des premiers à inventer le magnétisme sur les animaux, et à chercher à provoquer chez les êtres humains cet état de focalisation de l’attention.
Le médecin britannique James Braid confère à la pratique un usage médical fiable. Il introduit l’hypnose dans la chirurgie. Après sa mort, le flambeau a été repris par des Français, dont les neurologues Hyppolite Bernheim à Nancy et Jean Charcot, à la Salpêtrière à Paris.
Dès 1923, Milton Erikson met en place une forme d'hypnose, à laquelle il lègue son nom. C’est l’hypnose eriksonienne, qui est la forme d'hypnose la plus pratiquée de nos jours. La British Medical Society reconnaît à l'hypnose un rôle de procédure médicale dès 1955.
Arrêter la cigarette, lutter contre l’anxiété ou apprendre les langues vivantes. L’hypnose est partout, mais est-elle vraiment efficace dans tous les domaines ?
Pour le docteur Descroix, différentes études scientifiques ont démontré son efficacité dans le champ somatique au bloc opératoire, pour diminuer l’anxiété et la douleur des malades.
L’hypnose permet également de soulager les patients atteints de maladies liées à l’intestin irritable. Dans le champ de la psychologie, « on a encore des doutes et des questions, mais de plus en plus de données scientifiques nous prouvent que l’hypnose a un apport très positif », reprend l’hypnothérapeute.
En revanche, pour le professionnel, il y a très peu d’informations pour valider l’efficacité de l’hypnose pour apprendre les langues étrangères. Il dénonce une possible dérive: « les gens s’assoient sur la notoriété actuelle de l’hypnose, pour vendre tout et n’importe quoi ! ».