L’espoir continue de s’écrire sur des murs au revêtement décrépi. Les dessins changent régulièrement. Il y est toujours question de la Palestine, du Retour. Sur ceux que le temps efface on en peint de nouveaux.
Rien n’est définitif à Chatila. Mais le provisoire est devenu quotidien.
C’est dur de parler de Chatila. Les réfugiés palestiniens, c’est un sujet difficile. On ne sait quoi ajouter à tout ce qui a déjà été dit, écrit, filmé. Tout le monde s’est habitué au terme. « Réfugié palestinien ». Les réfugiés intéressent un temps. En ce moment par exemple, c’est le terme « réfugiés syriens » qui émeut dans les pays occidentaux. Mais si ça dure trop longtemps, les gens finiront par s’habituer.
Je n’ai pas vu Chatila évoluer sur 30 ans. Mais depuis 8 ans, j’y passe du temps. J’y ai vécu même, si on peut dire. Pendant trois semaines, la première année. On m’a immédiatement prêté un petit appartement, au dessus d’un magasin, en plein milieu du camp.
Je m’y suis fait de vrais amis. J’y ai bu des litres de thé trop sucré et de cafés amers. J’y ai appris quelques rudiments d’arabe. J’y ai fait des dizaines de reportages. J’ai entendu les mêmes histoires des centaines de fois. Je les ai enregistrées, montées et envoyées, pour être diffusées sur des écrans de télévision.
Et effectivement, ça n’a encore rien changé. Mais comme eux continuent de raconter, moi, je continue de tourner. Parce qu’un jour, quelqu’un a parlé « d’une terre sans peuple pour un peuple sans terre », et que ce « peuple inexistant » a environ 20.000 représentants parqués à 10 minutes de chez moi. Et plus de 430.000 autres dans le reste du pays où je vis.