Il y a cinquante ans, Astérix lançait la France dans la conquête de l'espace

Le 26 novembre 1965, la France plaçait en orbite avec son lanceur Diamant son premier satellite au nom prometteur : Astérix. Elle devenait la troisième puissance spatiale au monde. Malgré l'âpreté de la concurrence, ses héritiers européens assurent aujourd'hui la moitié des vols commerciaux.
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Astérix
Satellite 1A Astérix, premier satellite francais (1965) modèle d'essais , Musée de l'Air et de l'Espace, Paris Le Bourget (France)
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L'anniversaire est un peu injustement éclipsé par le succès américain du programme Blue Origin du fondateur d'Amazon Jeff Bezos, dont la fusée vient de réussir ce 25 novembre une première avec son retour au sol en douceur. L'événement, il y a juste cinquante ans, n'en fut pas moins considérable pour une industrie spatiale française aussi audacieuse que balbutiante : le 26 novembre 1965, une fusée Diamant lancée depuis la base de Hammaguir au Sahara, place en orbite son premier satellite. Un objet de 42 kilos en forme de tonnelet rayé de bandes noires. Un nom malicieux comme un défi gaulois : Astérix.

Véhicule en préparation depuis près de quatre ans, la fusée Diamant, trois étages, est plus encore une héroïne de ces années 60. Avec son passager Astérix, elle propulse la France du général de Gaulle dans l'aventure de l'espace, derrière la Russie et les Etats-Unis. Celle-ci deviendra la troisième puissance spatiale au monde et permettra à l'Europe de rentrer par la suite dans le jeu.

Scepticismes

Huit ans plus tôt, en 1957 et en pleine guerre froide, l'URSS avait lancé le premier satellite artificiel, Spoutnik 1, marquant le début de la conquête spatiale. Quelques mois plus tard, les Etats-Unis parvenaient à mettre sur orbite leur premier satellite.

"A l'époque, tout le monde pensait qu'il n'y avait que les deux grands qui pouvaient lancer des satellites", raconte à l'AFP Jacques Blamont, qui a été le premier directeur scientifique du CNES (Centre national d'études spatiales) créé en 1962. "On pensait qu'on n'était pas compétents. Et puis c'était cher et certains pensaient que cela ne servait à rien", raconte l'astrophysicien de 89 ans.

Le retour au pouvoir du général de Gaulle en mai 1958 et l'avènement de la Ve République rebattent les cartes. Pour le général, la force de frappe est une priorité. Après des années de recherche, la France a fait exploser sa première bombe atomique en 1960 mais "il lui fallait aussi une fusée balistique capable de tirer si besoin sur Moscou, à 3.000 km de Paris", explique M. Blamont. 

Financée par le ministère de la Défense, la Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques (Sereb) est créée en 1959. Sa tâche est de concevoir une fusée pour lancer des missiles. Les dirigeants de la Sereb ont l'idée de fabriquer un lanceur également apte à mettre en orbite des satellites. "Une décision capitale pour l'avenir de l'espace européen", selon M. Blamont.

La proposition de la Sereb est présentée à de Gaulle. "Extrêmement intéressé à l'idée d'avoir un lancement de satellite peu coûteux mais qui permettrait de montrer que la France maîtrisait les fusées", il donne son feu vert. Le programme Diamant est lancé en 1961.

Pas de bip bip

Quatre ans plus tard, le 26 novembre 1965, la fusée Diamant A, haute de près de 19 mètres et pesant 19 tonnes, est sur la rampe de lancement de Hammaguir au Sahara."Le tir se passe bien", se souvient M. Blamont. La fusée met Astérix en orbite."C'est une importante réussite dont notre pays tout entier ressent la joie et la fierté", déclare le général de Gaulle.

 

Le 26 novembre 1965 s’élevait du désert d’Hammaguir, en Algérie, le premier lance-satellite de conception et de fabrication française : la fusée Diamant. Jacques Blamont, 1er directeur scientifique et technique du CNES, revient pour nous sur cet événement. Crédits : CNES. https://cnes.fr

Astérix, pourtant, reste muet et n'émet pas le bip bip caractéristique: en s'éjectant, la coiffe de la fusée a arraché les antennes du satellite. Ce sont des radars et des calculs qui permettent d'établir qu'Astérix est bien en orbite.

Le CNES, devenu le pilote de la politique spatiale française, poursuivra le programme jusqu'en 1975. Au total, douze fusées Diamant ont été lancées (trois échecs) d'abord depuis le Sahara puis à partir de la base de Kourou en Guyane française.

La fusée européenne Ariane, soutenue avec vigueur par la France, a pris la suite. Elle a lancé plusieurs centaines de satellites depuis 1979 et peut se targuer d'une part de marché d'environ 50% pour les vols commerciaux.

Rien n'est acquis. Face à une concurrence féroce, notamment de l'Américain SpaceX, l'Europe spatiale a décidé il y a un an de construire Ariane 6, une nouvelle fusée plus compétitive que l'actuelle Ariane 5 qui enchaîne les succès. Premier vol prévu en 2020.