Immigration : Haïti au bord de la crise de nerfs

Le plan dominicain d'enregistrement des étrangers a pris fin le 17 juin et, depuis, plus de 17 000 personnes sont entrées sur le sol haïtien, ce qui ne va pas sans provoquer de graves crispations. L'ONG Human Rights Watch dénonce notamment  un vide juridique.
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Haïti migrants
Des migrants haïtiens jetés hors de la République dominicaine le 17 juin 2015 doivent retourner en Haïti. 
©AP Photo/Rebecca Blackwell
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A l'origine de cet afflux, un plan national de régularisation mis en place par le gouvernement dominicain. Le but était d'officialiser la situation de quelque 500 000 personnes en situation irrégulière vivant dans le pays.

Un projet mûri depuis plusieurs années. Le quotidien anglais, The Guardian, rappelle qu’en octobre 2013 un arrêt de la Cour constitutionnelle a «retiré aux enfants d’immigrés haïtiens leur citoyenneté dominicaine, et ce rétroactivement, en remontant jusqu’à 1930. Des dizaines de milliers de personnes nées dominicaines mais d’origine haïtienne se sont ainsi retrouvées apatrides.»

> Lire notre article : République dominicaine : 250 000 apatrides d'origine haïtienne

Selon les autorités dominicaines, 288.446 demandes de régularisations des étrangers ont été déposées avant la date butoire du 17 juin. Mais le Plan a laissé de côté 180.152 immigrés. Depuis, plus de 17 000 personnes sont entrées sur le sol haïtien, d'où la crise actuelle.

A Haïti, dans l’autre partie de l’île, le journaliste Lemoine Bonneau note dans un éditorial du quotidien Le Nouvelliste que «les compatriotes en situation irrégulière ainsi que les Dominicains d’origine haïtienne, en raison de leur couleur de peau, sont sur le qui-vive, car les groupes racistes continuent d'apporter leur soutien à l’application de ce plan». Il évoque également les conditions de rapatriement “les plus cruelles” mises en place par les services de l’immigration du pays voisin.

«Cette situation représente un risque de catastrophe humanitaire, un facteur de déstabilisation pour le pays, une menace grave sur la sécurité interne et la sécurité régionale», a déclaré  le ministre de la Défense haïtien, Lener Renauld,  devant les représentants de l'ONU et les ambassadeurs étrangers basés à Port-au-Prince.

2000 officiers de police

Déjà confronté à une extrême pauvreté, une violence jamais apaisée et un chômage endémique, Haïti n'entend pas gérer seul la situation. Le pays n'a pas les moyens de sa sécurité et, après 11 ans de présence en Haïti, la mission des Nations unies pour la stabilisation d'Haïti (Minustah) procède au retrait progressif de ses Casques bleus. Reste 2000 officiers de police qui assistent  au quotidien la police nationale. Mais tout cela reste insuffisant. Et dangereux.

Le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro, s'est dit préoccupé par cette situation et a appelé la République dominicaine à cesser ses expulsions vers Haïti : « La situation migratoire est préoccupante étant donné qu'on assiste à un afflux massif de personnes vers Haïti en provenance de la République dominicaine, et la situation se détériore rapidement», a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Washington.

Situation très tendue

De son côté, l'ONG Human Rights Watch vient de publier un rapport sur cette situation extrêmement tendue. « La République dominicaine refuse à des dizaines de milliers de citoyens leur droit à la nationalité et malgré des messages contradictoires, les individus sont arrêtés et expulsés hors des frontières », a déclaré José Miguel Vivanco, Directeur de la division Amériques de Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait immédiatement cesser d'expulser les Dominicains d'origine haïtienne, et leur permettre de faire valoir leurs droits. »


L'OEA a annoncé qu'elle allait envoyer une mission en République dominicaine pour faire le point sur cette situation «préoccupante».