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Incendies en Amazonie au Brésil : la faute à Bolsonaro ?

Depuis le début de l'été 2019, d’importants incendies détruisent une partie de l’Amazonie. Les Brésiliens s’en émeuvent avec le mot-dièse #PrayForAmazonia (Priez pour l’Amazonie) sur les réseaux sociaux. D'aucuns tiennent pour responsable le président de droite radicale Jair Bolsonaro, accusé de laxisme dans la préservation du poumon vert de la planète. Décryptage avec Marc Piraux, géographe et agronome en poste à Belém, la porte d’entrée de l’Amazonie.

Le Brésil organise et accueille, jusqu’au vendredi 23 août, un sommet sur le climat en Amérique latine, dans le Nord du pays, à Salvador de Bahia. Pendant ce temps-là, l’Amazonie brûle. Comme l’a tweeté ce 21 août le ministre brésilien de l’Environnement, Ricardo Salles : « La sécheresse, un temps sec et la chaleur ont provoqué une augmentation des incendies dans tout le pays ».

Et les chiffres donnent le tournis. L’État le plus touché est le Mato Grosso, avec plus de 13 000 départs de feu depuis le début de l’année. Les incendies au Brésil ont presque doublé en un an. Ils ont augmenté de 83% depuis le début de l’année, par rapport à 2018 selon l’INPE, l’Institut National de Recherches Spatiales. Toujours selon l’INPE, la déforestation a été multipliée par quatre entre juillet 2018 et juillet 2019.

Les incendies en Amazonie peuvent, à mon avis, avoir été causés par les ONG [...]. Avec quelle intention ? Jeter le trouble sur le Brésil.

Jair Bolsonaro, président du Brésil, 21 août 2019

Après la publication de ces chiffres, le président Jair Bolsonaro, fervent climato-sceptique, a limogé le directeur de l’INPE. Motif : "Nous avons la sensation que les données que l'INPE a fournies à la presse ne correspondent pas à la réalité, qu'elles sont au service des ONG", déclare Jair Bolsonaro le 19 juillet 2019 à des journalistes.

Ce 21 août, le président a insinué que les ONG pourraient être à l'origine de ces départs de feux : "Les incendies en Amazonie peuvent, à mon avis, avoir été causés par les ONG [...]. Avec quelle intention ? Jeter le trouble sur le Brésil".

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 Quelles actions le gouvernement de Jair Bolsonaro met-il en place pour préserver l'Amazonie des flammes ? Nous avons posé la question à Marc Piraux, géographe et agronome au Cirad (le Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement). Il dirige un laboratoire d’études à Belém, dans l’Etat du Pará  au Brésil.



TV5MONDE : Quelles sont les causes de l’incendie ?

Marc Piraux :
Elles sont multiples. La culture sur brûlis peut provoquer des incendies. C’est une méthode traditionnelle pratiquée dans le cadre de l’agriculture familiale.
Le changement climatique se traduit par des épisodes de sécheresse. Une forêt sèche est nettement plus sensible au feu. En 2016, dans l’Etat du Pará, il y a eu des incendies terribles. Il était très difficile de respirer avec des forets qui brûlaient à 150 km de là.


Peut-on contrôler les incendies en Amazonie ?

Les incendies sont contrôlables, même si la tâche est plus difficile avec les sécheresses occasionnées par les changements climatiques. Il faut des cadres normatifs et une régulation, conjugués à une volonté politique forte. Une fois les incendies déclenchés, les moyens de lutte sont souvent dérisoires.

Il faut aussi que les acteurs locaux mettent en place des règles de gestion collectives des territoires. Il est possible de concilier développement économique, protection de l’environnement et inclusion sociale, le tout sans détruire la forêt.

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Départs de feux dans l'État du Mato Grosso (Brésil), le 16 août 2019.
© 2019 Planet Labs, Inc.


Les incendies peuvent-ils être causés par la déforestation ? Elle a augmenté de 39% cette année par rapport à 2018, soit depuis le début du mandat de Jair Bolsonaro.

La déforestation a toujours existé au Brésil. Entre 5000 et 7000 kilomètres carrés étaient détruits tous les ans, entre 2009 et 2018. Avant 2004, la destruction atteignait près de 30 000 kilomètres carrés par an.

Depuis juin cette année, on constate une nette augmentation des incendies, principalement dans les Etats de l’Amazonas, d’Acre, Rondônia ou encore du Mato Grosso. Ces zones ont connu une forte avancée des cultures industrielles, avec le soja et l’élevage notamment. Et ce n’est pas pour rien que ces régions-là sont les plus touchées par les incendies (ndlr : selon l’INPE, la déforestation dans la forêt amazonienne s’est maintenue jusqu’en avril 2019 aux mêmes niveaux que les années précédentes. Mais en juin 2019, elle a augmenté de 90,7%, et de 277,9% en juillet 2019, par rapport à l’an dernier).

La déforestation augmente, les feux de forêt aussi, par rapport au même mois de l’année passée. Cela traduit la volonté qu’ont certains d’augmenter l’exploitation illégale de bois, et les surfaces cultivables. Ces tendances ne sont pas nouvelles, mais elles étaient assez contrôlées à partir de 2004, avec la mise en place d’une batterie d’instruments juridiques et de contrôle (ndlr : Lula a été président entre 2003 et 2011).


Quelles ont été les politiques mises en place à partir de 2004 pour préserver l’Amazonie ?

Le ministère public lui-même pilotait, en 2004, la répression auprès des entreprises qui ne respectaient pas les lois. Des législations sur l’usage des sols sont entrées en vigueur, tout comme des réformes du code forestier.
Il existait une volonté politique, extrêmement forte, de vouloir réduire les incendies et la déforestation.


Avez-vous le sentiment que tout est mis en place par le gouvernement Bolsonaro pour maîtriser l’incendie ?

Une fois les incendies déclenchés au Brésil, les moyens de lutte sont souvent dérisoires.

Il existe actuellement un laisser-aller de la part du gouvernement qui n’est pas propice à la protection de l’Amazonie.

Marc Piraux, géographe et agronome au Cirad, actuellement en poste au Brésil

Dans tous les cas, le contrôle des incendies en Amazonie a toujours été extrêmement difficile. On ne dispose pas d’autant de moyens qu’en Europe. Les surfaces impliquées sont par ailleurs plus importantes. On ne parle pas de petits incendies ou de départs de feu comme en France. On parle ici de centaines de kilomètres carrés concernés.

Ce qui est sûr, c’est que les moyens octroyés par l’Etat en termes de contrôle des incendies ont diminué. Il existe actuellement un laisser-aller de la part du gouvernement qui n’est pas propice à la protection de l’Amazonie.
Les amendes ont été réduites (ndlr : concernant l’abattage forestier illégal par exemple).

Les moyens de la police environnementale de l’IBAMA, ont été réduits (ndlr : depuis l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro). L’Institut Brésilien de l’Environnement et des ressources naturelles renouvelables (IBAMA) se rend sur le terrain pour contrôler ce qui se passe, en début d’incendie, ou face à des cas de déforestation. Qui dit moins de contrôle, dit plus de possibilités d’exploiter illégalement le bois. Cette pratique dégrade énormément les forêts.

L’Amazonie en chiffres

5 millions et demi de kilomètres carrés : c’est la superficie de la forêt amazonienne, soit presque dix fois la France.

9 : c’est le nombre de pays dans lesquels l’Amazonie est présente, comme le Brésil, le Pérou, la Bolivie, ou la Guyane française entre autres.

60% : c’est le pourcentage du territoire brésilien occupé par l’Amazonie.

Actuellement, le gouvernement est beaucoup plus flexible quant à la politique environnementale. Par exemple, il est en train d’accorder des licences d’exploitation minière dans certaines zones de l’Amazonie, y compris dans des zones protégées ou appartenant à des peuples indigènes. Il existe un vrai problème par rapport au contexte politique et au gouvernement Bolsonaro.

Mais il est clair que le climat politique actuel au Brésil n’aide en rien. Le gouvernement regarde d’un drôle d’air les ONG, ne reconnaît pas le changement climatique et donne la priorité au développement économique.

Il faudrait renforcer les contrôles, et accompagner les populations locales pour arriver à zéro déforestation. C’est possible. Nous ne sommes qu’au mois d’août de la première année du mandat de Jair Bolsonaro et je me demande ce qui va se passer d’ici un ou deux ans. Il est urgent de réagir.

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