Lundi 10 novembre 2014, une centaine de femmes et d'enfants brandissant des panneaux "justice pour Bhopal" se rassemblaient à New Delhi, tandis qu'un groupe de manifestants entamaient une grève de la faim. Près de trente ans auparavant, dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, quelque 40 tonnes de gaz toxique s'échappaient de l'usine du groupe Union Carbide. Bilan : entre 8000 et 10 000 morts au cours des trois premiers jours, mais des
centaines de milliers de personnes ont été contaminées par la suite, qui continuent à souffrir de problèmes respiratoires et de l'estomac, d'infections des poumons ou de cancers. "Je me rappelle me couvrant le visage et celui de mes enfants avant de les prendre avec moi et de courir", raconte une mère de famille qui a perdu l'un de ses six enfants dans la catastrophe. "Je me souviens de gens fuyant de chez eux pour essayer d'échapper au gaz, des enfants morts dans les rues", dit Premlata Chaudhary, 67 ans, qui vit dans un village situé à moins d'un kilomètre de l'usine. A l'instar de Chaudhary, qui a obtenu une indemnisation de 25 000 roupies (406 dollars), 15 ans après l'accident, quelque 33 000 survivants ont été indemnisés, mais les associations affirment que plus de 500 000 personnes ont été victimes du nuage toxique. En 2010, la justice indienne condamne huit dirigeants de l'usine à deux ans de prison et une amende. En 2012, le gouvernement a introduit une requête auprès de la Cour suprême pour obtenir une meilleure indemnisation d'Union Carbide, repris par l'Américain Dow Chemical après la tragédie. L'accord signé par le gouvernement en 1989 s'était conclu par le versement de 470 millions de dollars d'indemnisation, en échange de l'abandon de poursuites pénales. Selon l'un des animateurs du mouvement de grève de la faim, Satinath Sarangi, plusieurs victimes négligées vont jeûner indéfiniment dans l'espoir d'attirer l'attention du Premier ministre, Narendra Modi, sur le calvaire vécu par les victimes et leurs descendants depuis 1984 : "Nous sommes venus ici avec l'espoir que le gouvernement conduit par M. Modi va corriger les erreurs du précédent gouvernement et s'assurer que les victimes du gaz obtiendront une meilleure indemnisation", a-t-il déclaré à la foule. Sarangi a aussi mis en garde
le gouvernement, élu en mai 2015 sur la promesse d'une relance de l'économie, contre toute tentation de négliger les atteintes à l'environnement dans l'espoir d'attirer les investissements étrangers.