Indonésie : récidive du café-nazi

Un café d'inspiration nazie fermé il y a un an après avoir suscité de vives condamnations à l'étranger, vient de rouvrir avec des croix gammées et un portrait d'Adolf Hitler sur ses murs. Le "SoldatenKaffee" situé à Bandung, ville au sud-est de Jakarta ne risque rien ou presque : en Indonésie un tel lieu peut rester ouvert.
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Indonésie :  récidive du café-nazi
Le “Soldaten Kaffee“, un café d'inspiration nazie, le 16 juillet 2013, à Bandung en Indonésie
(Photo Adek Berry. AFP)
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Indonazie ?

Il y a un an, le "SoldatenKaffee ("Le café des soldats") situé à Bandung, ville au sud-est de Jakarta, avait décidé de fermer ses portes, à la suite de menaces contre son propriétaire, Henry Mulyana, accusé d'incitation à la haine raciale.
Par la voix de son conseil Rohman Hidayat, le propriétaire évoquait la réouverture prochaine de l'établissement, tout en précisant  : " Le thème du nouveau bistrot ne sera plus seulement le nazisme mais la Seconde Guerre mondiale en général. Il n'y aura pas seulement des portraits de Hitler mais également de (l'ancien Premier ministre britannique) Winston Churchill et de héros indonésiens. Il y aura des soldats japonais, pas seulement des allemands, mais pas de croix gammées. Les autorités ont dit que les croix gammées étaient frappantes, trop facilement reconnaissables et visibles. Nous avons donc accepté de les retirer". Une promesse non tenue : lors de la réouverture samedi, trois immenses aigles en fonte flanqués d'une croix gammée, le symbole nazi, étaient exposés dans l'établissement. Ce qu'a tenté de justifier le propriétaire : " Toutes les représentations exposées au SoldatenKaffee sont légales. Nous avons beaucoup de clients d'Europe, qui ne voient pas d'inconvénients au thème de la Deuxième guerre mondiale, vue d'ici d'un point de vue historique ".

Indonésie :  récidive du café-nazi
Photo prise le 16 juillet 2013 devant le “Soldaten Kaffee“, à Bandung en Indonésie
[Adek Berry / AFP]
Juste un commerce ?

En Indonésie, un tel établissement peut rester ouvert (contrairement en Europe, où l'apologie du nazisme est interdite dans de nombreux pays), l'incitation à la haine raciale reste un délit punissable de cinq ans d'emprisonnement. Mes ces condamnations sont extrêmement rares.
Il y a un an, dans une interview à l'Agence France Presse, le propriétaire avait assuré  qu'il "n'idolâtrait pas Hitler", disant "seulement aimer les souvenirs militaires". Sans nier pour autant l'existence de l'Holocauste, il avait ajouté, ambigu : "La guerre, ça fait toujours beaucoup de morts".
Des dizaines d'Indonésiens, pour l'essentiel des jeunes, ont assisté à la réouverture du café en uniformes militaires, dont l'un portait un brassard avec une croix gammée. Certains ont posé pour des photos en tant que prisonniers de guerre dans une "salle d'interrogatoire". "Ce n'est pas un problème pour moi, c'est juste un commerce, ce n'est pas une question d'idéologie", a déclaré Mega, une femme de 25 ans, ajoutant que des intellectuels et nombre de personnes intéressées par la Deuxième guerre mondiale figuraient parmi les visiteurs du café.
Dans ce pays musulman le plus peuplé de la planète (240 millions d'habitants), une des pires insultes est d'y être traité de "yahudi" ("juif") et le judaïsme n'est pas reconnu parmi les six religions officielles en Indonésie qui n'entretient aucune relation diplomatique avec Israël. Enfin, "Mein Kampf", l'ouvrage d'Adolf Hitler qui évoque l'idéologie politique du nazisme, est en vente libre. Il est traduit en indonésien et selon l'historien Asvi Warman Adam, de l'Institut indonésien des sciences, l'ouvrage serait même "souvent épuisé".