"La famille du FC Bayern est derrière toi, King. Le racisme n'a pas sa place dans le sport ou dans notre société". Ce sont les mots du Bayern Munich, club de l’international français Kingsley Coman, victime d’insultes à caractère raciste sur les réseaux sociaux après avoir manqué son tir au but. La France s’est inclinée après une session de tirs aux buts (3-3 ap, 4-2 t.a.b.) dimanche 18 décembre face à l'Argentine de Lionel Messi. Le joueur du Real Madrid Aurélien Tchouaméni, et le jeune prodige d'Eintracht Francfort, Randal Kolo Muani, ont subi les mêmes discriminations. Après le déferlement de haine, le compte Instagram de l’Équipe de France a même désactivé les commentaires sur ses publications.
La Fédération Française de Football FFF annonce condamner les propos et “va porter plainte contre ses auteurs", a-t-elle écrit sur le compte Twitter de l'Équipe de France. Une première pour l'organisation.
Cela fait déjà plusieurs années que nous demandons à la FFF d'accepter la main tendue des associations.Hermann Ebongue, président de l'association Sportitude et Secrétaire général de SOS Racisme
Une plainte inédite pour la FFF
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Nous saluons le fait que la FFF ait déposé plainte. Nous espérons que ce n'est pas le fait de la pression populaire, confie Hermann Ebongué, président de l'association Sportitude et Secrétaire général de SOS Racisme. Les deux associations ont indiqué avoir également déposé une plainte.
"Cela fait déjà plusieurs années que nous demandons à la FFF d'accepter la main tendue des associations."
Après l'Euro, en juin 2021, le président de la FFF, Noël Le Graët, avait notamment refusé de porter plainte au sujet des injures proférées contre l'attaquant Kylian Mbappé à la suite de son pénalty raté. "
Pourtant les pressions des associations, des politiques ont fait pression autour de cette histoire. Je connais personnellement des personnes du Conseil d'Administration de la FFF qui étaient d'accord avec nous", ajoute Hermann Ebongué.
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Et pour cause, les propos tenus par l'un des internautes avaient particulièrement choqué l'opinion publique.
"Kylian Mbappé, ce sale nègre, mérite de se prendre une centaine de coups de fouets et se vendre en Libye". L'auteur, Karim C., risquait jusqu’à un an de prison pour ce tweet publié sous un pseudonyme.
"Quand on dépose une plainte, il y a levée de l'anonymat sur les réseaux sociaux."
Dans le cadre des commentaires partagés sur les réseaux sociaux, les propos sont énoncés de manière publique. L’injure a
“pu être lue ou entendue par plusieurs personnes sans lien entre elles”, comme l’indique
le site du gouvernement. Elle constitue donc un délit passible de 45 000 € d'amende et 1 an de prison.
Les sanctions existent, mais les messages de haine ne cessent d'affluer sur les réseaux sociaux. Beaucoup d'internautes se croient protégés par l'anonymat et ne sont pas forcément conscients des risques qu'ils encourent. "
Quand on dépose une plainte, il y a levée de l'anonymat", rappelle Hermann Ebongue.
Dans le cadre notamment des insultes racistes proférées contre Kylian Mbappé après son tir au but raté contre la Suisse lors du dernier Euro, l'identification des auteurs a été établie et il y a eu une condamation pénale. Le tribunal correctionnel de Paris a puni un étudiant de 19 ans de 2 000 euros d'amende avec sursis, jeudi 8 septembre 2022. Une victoire, mais les associations pointent le deux poids, deux mesures, pour des personnalités non publiques, victimes de ces mêmes faits.
Massifier les sanctions et signaler les injures
Ces sanctions peinent à être appliquées de manière plus large. "Il
faut les massifier. Il faut montrer et envoyer le message qu'il n'y a pas d'anonymat. Quand vous créez un compte, on a tous les moyens de vous identifier, explique Hermann Ebongue. Il en va de même pour les responsables. "
Il ne faut pas agir uniquement sous le coup de l'émotion. Aujourd'hui, on veut construire quelque chose qui tienne sur la durée."
Tout internaute peut également signaler une incitation à la haine. Il est possible de le faire directement en ligne sur le portail officiel de signalement des contenus illicites d’Internet,
PHAROS. Si suffisamment de signalement d'un même cas sont enregistrés, alors l'Arcom, le régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, est saisi. Les fans du chanteur Bilal Hassani l’avaient d'ailleurs bien compris. Un compte Twitter, Bilal Protectors, visait à protéger la star de 19 ans, face au déferlement de haine dont elle était victime, au moment de son passage à l’Eurovision, en janvier 2019. Les modérateurs du compte dénonçaient les insultes, dans le but d'inciter à signaler les auteurs de ces mêmes insultes via la plateforme PHAROS.
À (re)lire : Eurovision 2019 : géopolitique et influence, les dessous du concoursMais Hermann Ebongue pointe surtout la responsabilité des GAFAs, des géants de l'Internet, chargés de réguler leurs plateformes. "
Les GAFAs ne peuvent plus se cacher. On commence à se demander si ces interactions à caractère haineux ne leur offrent pas un modèle économique viable", conclu Hermann Ebongue. Plus les internautes commentent sans retenue aucune, plus les publications sont vues et plus les utilisateurs reviennent.