Intelligence artificielle : un organisme mondial, mais pour quoi faire ?

Le premier ministre du Québec, Philippe Couillard a annoncé ce vendredi 9 mars 2018 lors d'une rencontre avec des spécialistes français, la création d'un organisme mondial de l'intelligence artificielle à Montréal. Sans financements internationaux, cette initiative québécoise pose question sur sa finalité et son utilité. 

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IA Québec organisation mondiale
(Illustration : AP/Fotolia)
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Il ne se passe pas une semaine sans que l'intelligence artificielle (IA) ne vienne s'imposer dans l'actualité. Les enjeux de cette technologie informatique "d'apprentissage automatique" — en plein essor — sont importants puisqu'ils touchent à tous les secteurs d'activité : des transports à la logistique, en passant par le commerce, la justice, la médecine, la gestion des entreprises ou l'enseignement et même… l'astronomie. Rien se semble échapper aux "appétits" des algorithmes autonomes, au point qu'il semble que l'IA devrait s'insérer à peu près partout. La France tente d'ailleurs de s'imposer comme l'un des pays phares de cette technologie, tandis le Canada l'est déjà avec son pôle d'experise en IA à Montréal, une ville désormais déclarée comme le "Centre mondial de l'intelligence artificielle".

C'est dans le cadre d'une visite d'une semaine en France que le Premier ministre québécois, Philippe Couillard, a fait l'annonce à Paris de la création d'un "organisme de concertation pour traiter des questions sociales, éthiques, de diversités, et d'inclusion liées aux technologies de l'intelligence artificielle, afin d'établir un cadre normatif". Le Premier ministre du Québec a obtenu l'appui de la France pour la création de cette organisation mais pas de financements de sa part, tandis que l'UNESCO a exprimé son intérêt en rencontrant Philippe Couillard ce 9 mars 2018.

Financements réduits et objectifs flous

S'il est encore tôt pour juger de l'intérêt et de la pertinence de l'Organisation mondiale de l’intelligence artificielle (Omia) que le Québec souhaite créer et installer à Montréal, des questions à son propos peuvent être soulevées. Son financement en premier lieu, avec un budget encore inconnu mais forcément limité puisque uniquement alloué par la région du Québec et la ville de Montréal,  sans participation — pour l'heure — de pays étrangers. Les objectifs de l'OMIA ensuite : des "concertations pour traiter des question sociales, éthiques, de diversités et d'inclusions liées aux technologies de l'intelligence artificielle, afin d'établir un cadre normatif". Que signifient véritablement ces grands concepts flous, qui pour certains sont déjà contestés par des spécialistes de l'IA, comme celui de "l'éthique des algorithmes", très difficile à envisager ? 

Les géants technologiques au cœur de l'écosystème

Montréal mise sur le développement des technologies en intelligence artificielle et des financements très importants ont déjà été alloués : 
 

Le gouvernement du Québec a reçu 100 M$ sur cinq ans pour la création d’une grappe québécoise en IA et 40 M$ dans le cadre de la Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle. L’Université McGill et l’Université de Montréal se sont vu octroyer respectivement 84 M$ et 93,5 M$ par le Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada, qui s’élève à 900 M$, pour poursuivre leurs recherches dans le domaine de l’IA.

La recherche et le développement en intelligence artificielle est d'ores et déjà une priorité canadienne qui passe par Montréal, et les grandes entreprises à la pointe dans ce domaine ne s'y sont pas trompées : DeepMind, Facebook, Google, Microsoft, Samsung et Thales par exemple, ont toutes choisi d’investir dans le secteur de l’IA à Montréal.
 

Après Microsoft et Google, c’est depuis peu au tour de Facebook d’ouvrir un laboratoire de recherche en intelligence artificielle à Montréal, son premier au Canada. Le géant américain va investir également 7 M$ pour appuyer les travaux de recherche qui sont menés à Montréal, en nouant des partenariats avec l’Institut canadien de recherches avancées et l’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal (MILA). Ces grandes entreprises ont débuté le même type d'investissements en France, Facebook avec son laboratoire en région parisienne et depuis peu… Microsoft.

Si un organisme mondial basé à Montréal cherche à "aplanir les problèmes de société" futurs liés à l'IA, il le fera très certainement avec l'aide des entreprises privées leaders dans le domaine. Mais est-il possible de demander à ces entreprises qui ont vocation à remporter des parts de marché dans le domaine et générer des bénéfices, d'aider à décider des limites et régulations de leurs propres intelligences artificielles ? La société du futur qui se dessine ne mérite-t-elle pas en premier lieu un débat avec la société civile ?

> A lire sur notre site : "Intelligence artificielle et gouvernance algorithmique : vers quelle société nous dirigeons-nous ?"