Le citoyen, première cible des dispositifs numériques sécuritaires
Le ministre de l'intérieur espagnol a annoncé le 11 avril dernier qu'il comptait « réformer en profondeur » le Code Pénal, la loi de Procédure Criminelle et la Loi Organique de Protection de la Sécurité des citoyens. Au coeur de cette réforme : le fait d’organiser des rassemblements protestataires par Internet sera qualifié de « délit de participation à une organisation criminelle ».
Dans une tribune du quotidien El Païs , le professeur Jacobo Dopico, titulaire de la chaire de droit pénal de l'Université Carlos 3 à Madrid, résume la situation sans ambiguïté : "Les États qui qualifient de terroristes ou de délinquants ceux qui manifestent en réunion ou ceux qui refusent de manière passive de se soumettre aux injonctions de la police en cas de manifestation ne sont pas nos homologues européens, mais des pays comme la Chine, la Birmanie et les anciennes dictatures d'Amérique du Sud."
Rojas, militante du mouvement des indignés espagnols résume les effets de l'annonce de la loi : "les gens ont déjà peur, ils n'oseront plus nous rejoindre (les indignés, ndlr), ce gouvernement espère gagner et empêcher toute liberté de contestation par ce biais. Le pire c'est que sans le réseau Internet, personne ne peut plus organiser de grandes manifestations, et puis si la loi passe, le seul fait de s'asseoir dans une manifestation pour ne pas être dispersés (par la police, ndlr) sera désormais considéré comme un acte équivalent à attaquer les policiers !"
La France n'échappe pas à la volonté politique de mettre la population sous "écoute et filtrage numérique" étatique sous prétexte de lutte contre la pédopornographie, le terrorisme ou la lutte contre le téléchargement illégal : le président sortant Nicolas Sarkozy avait déclaré dès janvier 2010 "vouloir aller plus loin afin de dépolluer (sic) les réseaux en expérimentant des dispositifs de filtrage".
Plus récemment, au cours de la campagne électorale, à propos des sites de téléchargements illégaux, le président français a affirmé que "les fournisseurs d'accès doivent bloquer l'accès à ces sites, les moteurs de recherche doivent les dé-référencer, les intermédiaires de paiement (Mastercard, Paypal, Visa) doivent les boycotter, de même que les annonceurs et les régies publicitaires." La loi Hadopi, qui pour l'heure ne concerne encore que les réseaux d'échanges de fichiers en "peer-to-peer", est basée sur l'espionnage des internautes par le biais d'une entreprise privée, TMG qui dénonce les contrevenants à la Haute Autorité. Mais des "compléments" à cette surveillance numérique sont inclus dans le "paquet pénal" Loppsi2 (voté en 2011), plus particulièrement le filtrage administratif de sites internet (blocage d'un site par l'Etat), désormais possible.